L'Ecrivraquier/26/Là quand...
Là quand...
La question est banale et la réponse difficile. Je ne sais trop comment m’y prendre ni trop dire à quelle époque j’aurais voulu vivre. Simplement j’aurais aimé être là. Accordez-moi deux essais. D’ailleurs j’y étais.
J’étais arrivé comme les autres très tôt dans l’après-midi et déjà les sbires aux ordres nous avaient copieusement bombardés d’injures et de divers projectiles. Je revois la trogne d’Honoré se ramassant un chou pourri avant même l’entrée dans le théâtre, tumultueuse. Cette première promettait. Elle promettait surtout d’être la dernière. Hector était des nôtres et terminait sa propre détonation, fantastique. Et comme j’étais heureux dans cette agitation, ce brouhaha qui tournait à l’émeute. C’est Théophile qui faisait office, mi Spartacus mi Bonaparte. Et ses longs cheveux défaits ruisselant sur son gilet rouge. C’étaient nos barricades. Et comme j’étais fier, moi, moi le journaleux, le pisse-copie, d’être ainsi mêlé à ces jeunes hommes en colère qui, j’en étais sûr, feraient l’histoire. Je ne devais jamais les oublier et surtout pas Gérard, mon pays de Valois, qui raisonnait encore. La jeunesse triompha. Puis la jeunesse prit de l’âge et Mademoiselle Mars oublia Dona Sol qui avait si bien bafouillé son lion superbe et généreux. Mais j’y étais.
J’aurais voulu être de boue, tout de boue, parmi ces centaines de milliers hirsutes et sales, au milieu de la célèbre pâture. De fait beaucoup ne voulaient pas nous voir en pâture. Là, au cœur de l’élite, loin de toute sobriété et naïf comme c’est pas permis. Je ne jouerai pas le catalogue, je l’ai déjà fait bien souvent. La chaleur est auguste. De fait on ne s’embarrasse guère côté textile. Je n’ai pas beaucoup de recul en ces années qui résonnent tant sans raisonner. Je ne serai guère prolixe et j’userai, immodeste, de poésie, oh le grand mot. Mais j’y étais.
Souviens-toi
De peu, de très peu
De deux guitares immémoriales
La proue et la poupe
D’un navire amiral
Celui de mes vingt ans
Les cordes initiales
Au premier jour
Richie qui psalmodie
Freedom si longuement
Faire patienter
Si la guitare est sèche
L’envol est princier.
A l’aube crépuscule
Était le quatrième jour
Jour d’une âme électrique
Et Jimi moribond
Guernica de l’hymne étoilé
Et puis et puis
Début du long rideau.
Rien ne va plus au Grand Hotel
Rien ne va. Et Gary Brooker est parti. Alors deux mots. Ne croyez pas ce qu'on écrit. N'écoutez pas que le somptueux tube que les radios vont vous repasser. Gary Brooker, l'âme de Procol Harum c'est une quinzaine d'albums la plupart du temps géniaux, avec les meilleurs musiciens et un line-up variable bien sûr, notamment Matthew Fischer et Robin Trower. J'en possède moi-même neuf. Les premiers ou presque (avec les Moody Blues) à fusionner rock et symphonie. Ils avaient beaucoup tourné notamment en Allemagne et Scandinavie. La France, rarement très compréhensive musicalement, les a toujours ignorés. Procol Harum ou l'un des plus grands malentendus de l'histoire du rock.*
A propos de plateformes 🎸
Auraient-elles du bon? David Crosby, Stephen Stills, Graham Nash et Neil Young se seraient adressé la parole dans leur lutte contre l'une d'entre elles. Pas de confirmation à propos d'un mail envoyé par Paul Simon à Art Garfunkel. Mais qu'est-ce que je les aime toujours...Nul ne guérit de ses vertes années.
🎸🎶📚🎬
💐
What happens Across the universe? Nothing gonna change my world. Long ago they changed our world (Lennon, McCartney, Harrison, Starr).
Out of time
So long Charlie. Que dire quand rien ne va? Ca ne se fait pas. Toi, l'élégance même.
In the name of rock/Rhonda
Do You want to surf with me? Les Rhonda ne sont pas légion en France. Qu'importe? Il y a bien longtemps que cette rubrique régulière tient plus du fantasme, du rêve, du regret, de tout ce qui fait supplément, que de la chronique autobiauthentique. Les Garçons de la Plage, que j'ai assez longtemps cru indemnes des faiblesses inhérentes de ce monde, n'avaient pas grand chose des chérubins surfeurs. Les frères Wilson et consorts sont maintenant au pinacle avec l'album Pet Sounds, disséqué par les musicologues à l'égal d'un Sergeant Peppers. Enfin les survivants. Ceci est une autre histoire. Quant à moi, au pinacle, pas vraiment. Et vous? Allez, Help me, Rhonda. Ba ba ba ba Help me, Rhonda.
Après
Après ça n'a plus jamais été pareil. Un jour comme ça, dans la vie, quelque chose fait qu'on comprend que la jeunesse est partie. Elle a fait du bruit en partant.
In the name of rock / Susan, Suzanne, Suzannah, Susanna, Suzie, Susie
Des Susan, des Suzanne, il y en a beaucoup. Y-en-aurait-il eu trop? Possible. Petite sélection non exhaustive où vous ne trouverez pas celle de Leo par lui-même. Je l'ai déjà si souvent évoquée ici, en V.O., en VF. Elle ne m'a pas fait que du bien. Pluralisons. Elles ne m'ont pas fait que du bien, les Suzanne, et les autres. Oui, d'accord, vice-versa. Il est temps pour elle de se reposer. Rafraîchissons-nous à la Susan de Don, qui patiente sur la Côte Ouest.
Ya Ya aussi les Susie, Suzie, Suzannah, and so on... Par exemple la reprise en noir et blanc du standard Suzie-Q par un obscur quintet. Attention ça dure pas longtemps. Des rudimentaires sans avenir.
Catégorie votre père n'était même pas né les délicieux Frères Everly essayaient de la réveiller, Wake up Little Susie. Simon et Garfunkel s'en souviendront. Et The Band se passait très bien de Robert Zimmerman, Lonesome Suzie.
Oh! Susanna par le grand James Taylor vaut mieux que la version polka banjo des fins de banquet en Alabama. La Suzanne de Leo, la voilà quand même bien sûr, version grande prêtresse Nina Simone, magnifique, si différente.
En bonus (c'est beaucoup dire) une version française, les mots sont de Graeme Allwright.
L'Ecrivraquier/23/Lettre au Boss
Lettre au Boss
Bonsoir Boss. Nous avons le même âge et tu me dois même quelques mois, un droit d'ainesse en quelque sorte. Tu imagines comme je suis ému à voir en noir et blanc la bande du E. Boss, 47 ans, que je te suis, 47 ans que tu m'épaules, tant d'années et j'ai l'impression que c'est toi qui m'a suivi. Toi, le plus jeune de mes quatre cardinaux, tu as tant compté. Oh je ne prétends pas à l'exclusivité, on est sûrement des millions à avoir traversé le demi-siècle à tes côtés. Et ni Leo (a-t-il enfin trouvé la paix?), ni Robert, ni Neil ne m'en voudront. Ils m'ont beaucoup donné mais toi c'est côté coeur que ça se passe. Unique.
Sur la vidéo les gars ont bien sûr pris de la bouteille et du ventre. Et perdu quelques cheveux. Ca tombe bien, me too. Au fait dis à Patti que je ne l'oublie pas. Et Danny, et Clarence sont maintenant au Rock'n'roll Sky of Fame. Je voulais te dire, il y a dix ans j'ai retrouvé ma guitare d'ado. On ne s'était pas revu depuis 42 ans, elle et moi. Depuis on ne se quitte plus. Tu vas rire mais j'essaie même de te jouer un peu. Non je suis sérieux. Devenu acoustique moi aussi avec le temps. J'arpente tes albums et ton Amérique qui est un peu la mienne. Bien secouée qu'elle est.
Nous aussi on est un peu secoués, tu es au courant. Alors ta Letter to You, faut que je te dise, elle m'a fait pleurer, forcément. Ben oui, une lettre, c'est devenu rare, et passé 70 balais, ça te prend tout de suite un air de testament. Je voudrais pas tomber dans le pathos ou l'anciencombattantisme. Et puis tant pis. F... l'originalité. Alors je me souviens d'un Stade de France, 2003, et d'un flamboiement de musique dans la nuit banlieusarde, où tu donnas tant, seul en répète et avec les gars. Inoubliable, le plus beau moment rock de ma vie. Pas loin d'être le plus beau moment tout court. L'une de mes fiertés, mon gamin était là à mes côtés. Bon, il avait 29 ans. Mais quand même.
Tes chroniques américaines, 50 ans de la vie là-bas, souvent du côté de Steinbeck, je n'oublierai jamais The ghost of Tom Joad, mais faudrait tant, faudrait tout citer. Tes chroniques, ta guitare et tes potes du E. t'ont valu depuis longtemps mon Nobel à moi. Et si l'autre saloperie qui traîne le permet je devrais te consacrer une conférence au printemps au Temps Libre. Faut t'y faire Boss, tu es devenu un sujet de thèse.
So long Boss. Greetings from France, Picardie. Mon New Jersey. Et merci, merci pour tout.