Please allow me introduce myself
Joseph, plus très jeune, joue du piano dans les gares et les aéroports. Quelle belle image. Je crois qu'il en faudrait dans les écoles, à la poste, voire en prison. Rêvons. Il se raconte. A seize ans il perd ses parents et sa soeur dans un accident d'avion. Il se retrouve aux Confins, une sorte d'orphelinat bien nommé aux fins fonds de l'Ariège, entre France et Espagne. Dans cet établissement un piano mais nul n'a le droit d'y toucher, probablement un peu diabolique.
Les pensionnaires de ce pénible centre ont entre huit et dix-sept ans. Joseph y est placé l'été 1969. Neil Armstrong fait quelques pas appelés à un certain retentissement. Mais Joseph, lui, s'intéresse à Michael Collins qui tourne en rond autour de la Lune, taxi driver oublié de l'Histoire. Jean-Baptiste Andréa emmène aussi Beethoven dans cette aventure adolescente en ce lieu clos, malsain et cruel. L'ambiance carcérale est cependant étoilée d'humour et de fantaisies malgré la dureté de l'abbé directeur et le sadisme du surveillant. La société secrète me fait penser aux mythiques Disparus de Saint Agil, drolatique roman et film des années trente. Dans ce huis clos, cachots et obscurité mais un espoir. Au sens propre, Pyrénées obligent, un espoir au bout du tunnel.
L'amitié, l'amour se faufilent dans la vie de Joseph, qui se remémore les leçons de son vieux professeur de musique, pas toujours très tendre, mais si efficace. L'auteur réussit un très beau roman, émouvant et lumineux, tragique et drôle. Ce livre est finement martelé, un sens du rythme surprenant avec entre autres un culte (voir le titre) au Sympathy for the devil des Stones. Joseph est vraiment un héros de roman par excellence, balloté par la vie, cabossé mais debout, jouant son hymne à la liberté en majeur. On souffre, on peine, on aime avec lui et son souffle nous contamine, presque au sens propre. Après Des diables et des saints je crois que vous approcherez du gars ou de la fille qui joue du piano Gare du Nord (c'est la mienne).
Villa Blues 🎸
L'ami Patrick, sous le joli nom de Villa Seurat (P.R.) écrit de bien belles choses. Je m'y reconnais fréquemment. Ses textes ont une tonalité qui m'enchante, et le parfum de blues qui en émane ne peut que me réjouir. Avec une touche de surréalisme parfois. Alors rendez-vous sur ce Railroad Crossing, résultat de notre collaboration (la deuxième). Une histoire de chemin de fer, de musiques et de ruptures, le sel de la vie. Merci Patrick. Je leur dirai ces mots blues. 🎸 Modestement quant à l'interprétation, mais sincèrement.
American teaser
Chez Noctembule http://22h05ruedesdames.wordpress.com/ le mois d'octobre sera américain. Très intéressé je vous proposerai dès le 1er octobre le meilleur livre que j'aie lu depuis,depuis,depuis... très très longtemps. Le billet s'appelle On ira tous aux parasites.
Et pour fin octobre en Lecture commune avec La jument verte de Val le livre de Sylvia Plath La cloche de détresse.Si cela vous tente...
Train de vie,tranches de vie
Ce court roman de Denis Johnson devrait plaire au moins géographiquement au Bison,aficionado des grands espaces de l'Ouest.Je serais pour ma part un peu plus réservé.Bob est poseur de rails,bûcheron,dans le Nord-Ouest américain du côté du Washington. Au retour d'un de ses emplois saisonniers, il apprend que son village a été l'objet d'un violent incendie, que sa maison a été détruite par les flammes,et que sa femme et sa fille sont portées disparues.. Sans nouvelles, il va tenter de redonner un sens à sa vie, et de reprendre possession de ce lieu dans lequel les ombres du passé sont omniprésentes.L'histoire de sa vie court sur 70 ans environ et le livre n'excède pas 130 pages.Ce fut assez pour moi,ce personnage ne m'ayant pas tellement intéressé.
A noter qu'on n'est pas avec Rêves de train dans les années vraiment pionnières de la conquête de l'Ouest,mais un peu plus tard et que le seul indien que l'on rencontre élève des chiens.Robert Grainier,notre personnage est plutôt un solitaire qui cherche à reconstruire sa vie mais qui m'a rarement touché.Je ne sais trop comment le définir,un peu comme étranger à sa propre vie,logé dans une histoire légèrement nimbée de surnaturel,ce qui est par contre assez réussi.Au final ce livre sera passé dans ma "lecturitude" comme un rapide assez vite expédié. Probablement aurais-je préféré un omnibus qui me laisse le loisir de musarder et de coller de plus près aux personnages.N'oubliez pas de composter votre réponse avant l'arrêt du train.
Transes européennes
Greene je l'ai beaucoup lu.On l'a beaucoup lu,ceux de ma génération plus vraiment quinquagénaire.Cet homme a beaucoup compté ne serait-ce que par le cinéma,Vienne,Le troisième homme,Welles,Cotten,Carol Reed,la cithare d'Anton et la grande roue du Prater.Pour ce film Greene n'a d'ailleurs écrit qu'une nouvelle.Mais Graham Greene comme Somerset Maugham son contemporain fait partie de ces auteurs en plein purgatoire.J'ai voulu lire Orient-Express que je ne connaissais pas et qui,s'il a été adapté au cinéma, le fut pour un obscur film anglais inconnu en 1934,peu après sa publication.J'ai voulu le lire pour le site Lecture/Ecriture et parce que ce livre appartenait à mon père,en Livre de Poche,cette si belle idée qui m'a jeté sur les routes de la littérature.
Bien des romans de Graham Greene sont plus intéressants.Citons Le ministère de la peur, La puissance et la gloire, Notre agent à La Havane, Le fond du problème.Mais cet ouvrage n'est pas à dédaigner.Ecrit vers 1930 Orient-Express s'appela d'abord en Angleterre Stamboul train.Greene lui-même classait ce roman dans les distractions par opposition à ses "grands" romans davantage tournés vers la foi ou la philosophie, déjà cités.Néanmoins apparaissent dans ce livre les thèmes très "lourds" de l'engagement politique,de l'antisémitisme,de la culpabilité,particulièrement greenienne.
Ostende, Cologne, Vienne, Subotica et Istambul,cinq étapes sur la route de l'Orient-Express.Pas à proprement parler un huis-clos mais le cadre majeur qui réunit quelques personnages à la vie un peu compliquée qui vont se croiser,se découvrir,s'aimer,se haïr en un condensé de cette Europe entre deux guerres, véritable soufrière qui en à peine vingt ans allait replonger dans l'horreur. Après des années d'exil Richard Czinner,médecin,leader socialiste en exil à Londres retourne à Belgrade.Joseph Grünlich,voleur et meurtrier,fuit Vienne.Carleton Myatt,négociant juif anglais se pose des questions sur son identité et son pouvoir de séduction. Coral Musker,danseuse de music-hall,et Mabel Warren,journaliste lesbienne,sont les éléments féminins de ce quintette qui va jouer une partition serrée,tendue,souvent d'une grande sécheresse.Pas d'envolées lyriques sur le socialisme bonheur.Pas de grandes phrases sur le féminisme.Et pourtant tout est là dans cette Europe en miniature et en pullmans mal chauffés.
Les sympathies de Graham Greene ne sont pas si évidentes car l'auteur est malin bien que jeune encore quand il publie Orient-Express.Peintre des ambiguités du coeur comme politiques c'est un écrivain de grande classe qu'il conviendrait de dépoussièrer un peu de ce qui s'appelle la rançon du succès.10/18 s'y emploie,par exemple avec notamment les oeuvres suivantes dont la dernière,Travels with my aunt,emprunte 40 ans après ce même Orient-Express.