05 novembre 2017

J'écris

                     J'écris sur le blues parce que bien que cette musique s'égrène la plupart du temps sur trois accords  je suis incapable de la jouer un peu pas trop mal. Et parce que pour le chanter il faut du ventre et du coeur, ce qui doit me manquer. Enfin je me persuade que c'est surtout la voix qui manque. Après tout tout le monde n'a pas eu la chance de crever de faim sur les routes du Sud américain, ni de jouer dans un bouge du Mississippi pour un plat de haricots.

 

                      J'écris sur le folk depuis toujours. Je crois que j'écrirais sur le folk même si je pouvais faire autrement. au moins  cette question-là ne se pose pas. Je suis un songwriter fantôme, un folksinger virtuel. Mes frères aînés avaient nom Robert Zimmerman ou Donovan Leitch. Et puis d'autres encore plus tard, glorieux, ou pas du tout. Maintenant je cède aux  sirènes de la facilité. Un ou deux clics et ils paraissent, folkeux de quatrième série parfois, mais qui me touchent de trois arpèges, me blessent d'un la mineur, me tuent d'une ballade pour une femme partie (régle générale, la femme est souvent partie, ou malade). Le folk c'est rarement du burlesque. Mais ça tombe bien, j'me sens mieux quand j'me sens mal. Et j'écris souvent automne, comme le chante Gordon Lightfoot, dont je préfère la version de Changes à celle du créateur Phil Ochs. Rassurez-vous je dis ça à personne. On en interne pour moins que ça.

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                     J'écris sur les livres depuis que je sais lire. J'ai su lire très tôt et c'est un grand tort. On devrait apprendre à lire sur le tard. Et puis non, on devrait ne jamais apprendre à lire. C'est trop humiliant. On comprend vite qu'on ne saura être aussi inquiétant que Buzzati, aussi lucide que Marai, aussi finaud que Simenon. Donc, disais-je, j'écris sur les livres. Ca m'évite d'écrire un livre. Qu'est-ce que je raconte, là?

                     J'écris sur le cinéma. Je décortique un film guatémaltèque que j'ai vu un jour seul dans la salle. Oh j'ai pas peur, seul au ciné, ça m'arrive toutes les semaines. J'en parle aussi, du cinéma, assez souvent. Je parle et j'écris, donc je suis. Enfin je suis pas tant que ça, me semble-t-il. Assez pour oublier que j'étais trop jeune pour être le Tancrède du Guépard, et que je suis trop vieux pour être le Prince Salinas d'un éventuel remake. Dieu ou diable nous préservent d'ailleurs d'un tel projet. Voyez...J'écris sur le cinéma.

 

                         J'écris, j'écris quelques commentaires sur quelques blogs que j'aime. J'écris parce que d'autres ont écrit. J'écris ainsi sur ce qu'ils ont écrit. Souvent ils écrivent aussi un peu sur ce que j'écris. Vous suivez? Se sentent-ils, se sentent-elles, obligés-ées (inclusive, le ridicule ne tuant pas)? Je l'ignore mais j'aime bien quand ils écrivent, et souvent ce qu'ils écrivent. A quelques-uns j'écris aussi directement mais chut!

                         De temps en temps, rarement, je me mets à écrire, à écrire tout court. Mais souvent, il me faut bien le dire et l'écrire, je trouve que ça tourne court.

 

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01 août 2010

Ne tirez toujours pas sur le pianiste(récréation)

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28 décembre 2007

Pâles étoiles de la Grande Ourse

Vaghe stelle dell'Orsa

      Très viscontophile je n'avais jamais vu Sandra(65) et ne m'en portais pas plus mal.Je n'ai guère prisé ce film et trouve que le parti-pris vénéneux qu'instille Visconti ne m'entraîne pas loin dans cette quête d'un passé trouble de Sandra et Gianni,frères et soeur qui ne m'ont inspiré ni osmose,ni même la moindre sympathie.Il y a bien la grande maison de Volterra et un peu deToscane nocturne,pays que j'aime pourtant profondément.Mais il y a surtout le jeu fraternel faussé et aucun personnage à aimer.De Sandra me resteront deux choses qui heureusement se passent très bien de cinéma.Les variations pour piano de César Franck qui couvrent parfois le texte et c'est presque mieux ainsi.Et le magnifique titre original dû au grand poète du romantisme italien,Léopardi.Ni César Franck ni Giacomo Léopardi n'ont besoin de Visconti.Visconti qui reste bien sûr dans mon panthéon pour bien d'autres films.

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17 décembre 2006

Flaherty Visconti,même combat

 

L'Homme-D'Aran

           Quand les femmes des pêcheurs siciliens de La terre tremble semblent guetter le retour des chasseurs de requins irlandais de L'homme d'Aran il me semble qu'il n'y a rien à rajouter à la grandeur du cinéma.Je me tairai donc.Reste le plaisir des yeux et quelque chose,là,au coeur qui réunit mes deux pays d'amour.Point n'est besoin de gloser davantage...                                                                  

 

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17 novembre 2006

Adaptation impossible

Florence Colombani déjà auteur d'un très bon essai sur Elia Kazan(voir ce blog,cinéma américain) vient de publier un ouvrage érudit mais clair et passionnant sur l'un de mes cinéastes préférés.Proustienne convaincue comme Visconti elle s'est penchée sur les oeuvres du metteur en scène et de l'écrivain.On sait que Luchino a toute sa vie couru après l'adaptation de Proust,sans succès pour différentes raisons que Florence Colombani explique d'ailleurs.Mais surtout dans Proust-Visconti,histoire d'une affinté élective(Philippe Rey) elle démontre l'étroitesse des liens entre les deux oeuvres et comme quoi l'influence de Marcel est tangible dans tous les films de Luchino y compris les premiers,encore pourtant très néoréalistes et éloignés apparemment du style proustien.

   En plusieurs chapitres très joliment intitulés Le narrateur,Les multiples visages du baron de Charlus,Elégantes proustiennes Florence Colombani nous initie à ces calmes mystères quoiqu'inquiétants où les images du Duc semblent comme dans une "correspondance suspendue et fleurie" avec les mots et le style de Proust.Bourgeoisie,décadence,saphisme et désir drôlant le morbide,décors somptueux comme vacillant et plongeant vers la fin d'un monde,du monde non pas selon Proust ou Visconti,mais du monde qu'ils ont contribué à recréer.On comprend très vite l'association entre Balbec et Venise,entre les viellissants Professeur(Violence et passion),Prince(Guépard),ou Compositeur(Mort à Venise,pourtant d'après Thomas Mann?Mais Mann lui-même n'est-il pas étonnamment proustien?) et les Swann,Charlus,etc...

  Thème commun aux deux que cette déstructuration des dynasties come celle des Damnés ou de la famille de Rocco et ses frères pourtant très socialement éloignée par rapport aux Guermantes.Enfin la Sérinissime  visitée par le narrateur d'Albertine disparue est bien soeur de la Venise de Senso ou de Mort à Venise,vieille catin mal maquillée et que l'on désire malgré tout sans être exagérément fier de soi.Mais quiconque a contemplé la Beauté à la mort est déjà voué.Le narrateur chez Proust contemple l'Ange d'or du Campanile de Saint Marc comme Aschenbach contemple Tadzio,"rutilant d'un soleil qui le rendait impossible à fixer".

  Ce ne sont là que quelques traces de ce magnifique jeu de piste que nous propose Florence Colombani.Il y en a bien d'autres.A lire pour qui veut ne pas rester en dehors de cette rencontre irréelle entre deux génies.Visconti n'a donc jamais réussi à adapter La recherche...Détrompez vous.Il n'a fait que cela et plutôt bien.

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15 octobre 2006

La trilogie allemande du Duc de Modrone

Luchino ViscontiVoici quelques éléments de la conférence que j'ai donnée aux Amis de l'Université Jules Verne sur une partie de l'oeuvre de Luchino Visconti. Visconti est un paradoxe et incarne toutes les contradictions du siècle à lui seul.Aristocrate et communiste au train de vie somptueux, homosexuel ayant donné à Magnani,Cardinale,Thulin leurs meilleurs rôles,homme du nord de l'Italie mais chantre du Mezzogiorno au temps du Néoréalisme triomphant.Une personnalité riche,complexe,auquel on a reproché tout et son contraire. 

Ils étaient cinq(principaux),tous géniaux:Rossellini le professeur,De Sica le bon docteur,Fellini le roi bouffon, Antonioni le cérébral un peu éloigné et Visconti l'aristocrate un peu distant mais si sincère.

    Visconti,amateur de culture française et germanique,arrive aux années soixante et signe avec Rocco et ses frères une oeuvre magistrale,l'adieu au Néoréalisme.Puis viendra le Guépard(63) qui sera comme un au revoir à l'Italie.Le Prince Salinas c'est un peu Visconti lui-même évidemment.Souvenez-vous"Nous étions les lions,les guépards.Après nous viendront les hyènes et les vautours.Mais tous nous continuerons à nous prendre pour le sel de la terre.".Terrible aveu du Prince pourtant éclairé,mais perplexe devant les changements de l'Italie.  Les damnés   

N'ayant jamais pu mener à bien ses projets sur Proust(La Recherche du temps perdu étant à Visconti ce que Don Quichotte fut à Welles) il réalisera en quelques années ce qu'il est convenu d'appeler faute de mieux la Trilogie allemande. Les Damnés sonne comme une sorte de tragédie shakespearienne mise en scène comme un opéra wagnérien. Inspiré vaguement des Buddenbrook de Thomas Mann, déjà, de Macbeth,de la saga de la famille Krupp et d'une grande production d'épouvante dont le tournage en Allemagne dura presque 15 ans sous la direction d'un peintre raté,Les Damnés brasse,parfois un peu confusément,un peu "trop" les thèmes éternels du pouvoir et de l'ambition.Les Atrides de la Ruhr seront happés comme un simple rouage de la démesure assassine. Cortège funèbre comme dans les deux autres films,avec des éléments personnels ,moins que dans les films suivants.Mais Visconti au moins aura essayé de comprendre comment le pays de Goethe et de Beethoven a pu vivre ainsi.     Mort à Venise - Édition Collector 2 DVD

Mann,écrivain favori de Visconti dont le La mort à Venise était réputé inadaptable,tout en suggestions d'ordre esthétique difficiles à imaginer(au sens propre).Visconti raccourcit son livre déjà bref. Aschenbach,compositeur célèbre mais qui doute et vieillit se repose à Venise.Il l'ignore encore mais il a deux rendez-vous avec la Perfection et avec la Mort.La splendeur androgyne de Tadzio,et sa complice l'épidémie de choléra auront raison de lui.Eternelle contradiction d'Eros et de Thanatos et dévoilement de Visconti lui-même,viellissant et bientôt malade.Aschenbach,arrivé sur la chaise-longue du bateau mourra sur la chaise-longue de la plage.Rien ne semble changer mais tout change.Bogarde dans une scène fabuleuse se mettra à rire au lieu de pleurer.Ce n'en est que plus poignant.Et puis tant de symboles:choléra/Grande Guerre,Aschenbach/La vieille Europe... 

Ludwig(Le Crépuscule des dieux) dans sa soif de beauté,d'absolu lui aussi se perdra car "Les dieux tombent en ruines et s'écroulent avec leurs rêves devant un destin plus fort qu'eux".Helmut Berger,qui fut  comme le vrai Tadzio de Visconti ,incarne l'Amant du clair de lune dont le romantisme et la quête de pureté ne trouveront leur plénitude que dans la mort,celle qui réussit à éloigner cette médiocrité honnie.Ni le pouvoir des Essenbeck,ni le statut d'artiste vénéré d'Aschenbach,ni le sceptre et la couronne de Louis II de Bavière n'empêcheront la nuit de tomber.   

Visconti,c'est tout cela et aussi les pêcheurs affamés de Sicile,les exilés ruraux de Milan,les amants diaboliques d'Ossessione,les gigolos de Senso.Mais le temps de la trilogie un aristocrate plutôt progressiste,une sorte de guépard,a embrassé le destin de l'homme et sa propre perte,et ceci dans le contexte de ce vieux continent qu'il aime tant,mort plusieurs fois à Venise,à Sarajevo,à Berlin et ailleurs.

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