Une piste classique
Babelio et Masse Critique (merci encore) m'ont cette fois envoyé sur une sorte de western hommage à la photographie des pionniers, écrite par un auteur français, Jean-Louis Milesi. Le photographe Edward Sheriff Curtis (1868-1952) est connu aux USA pour son travail sur les Indiens au tout début du siècle dernier. On estime qu'il traversa 125 fois les Etats-Unis, visita 80 tribus amérindiennes et prit 40 000 clichés. Ce travail d'ethnologue lui fut facilité par John Pierpont Morgan et Teddy Roosevelt et constitua une somme unique sur la vie des Indiens, photos, mais aussi quelques films. Le livre de Milesi est un roman dont l'essentiel est consacré à ses toutes premières incursions dans les tribus du Nebraska.
J'aurais aimé m'enthousiasmer mais rien ne m'a vraiment transcendé. A travers l'arrivée de Curtis chez les Indiens je trouve que l'auteur survole l'époque, en chapitres très courts pour montrer l'état des lieux. La brutalité d'une insitution religieuse, chargée de rééduquer les jeunes indiens, l'omniprésence des armes inhérente au pays, les progrès de la photographie, la pruderie et l'intransigeance de l'éducation, tout cela est évoqué dans Au loin, quelques chevaux, deux plumes... A l'origine, un fait historique, la pendaison de 38 Sioux dans le Minnesota en 1862. Indirectement et des années plus tard cet évènement décidera de la vie de Curtis, de son investissement dans la cause indienne.
Alors on suit facilement tous les épisodes de cette sorte de feuilleton sur l'Ouest et la façon d'en relater l'histoire. La voie en est bien balisée. Poussière et pluies diluviennes, chevaux à la peine, marchand douteux, bandits de grands chemins. L'indien nu fascine la femme du politicien, les nonnes étouffent sous leur robe de bure, on y mange parfois des insectes et la vie ne vaut pas très cher. Alcool à tous les étages. Un peu de tout dans cette histoire de l'Ouest. Je m'attendais à une sorte bio, même romancée, bien davantage axée ssur cet étonnant photographe, peu connu en Europe. En Europe où l'on connait beaucoup mieux ceux qui un peu plus tard ont décrit l'entre-deux-guerres et la grande crise (Walker Evans, Dorothea Lange). A l'évidence Edward Sheriff Curtis mérite plus et mieux.
Je modère mon propos. Ca m'arrive. La fin du livre, La Photographie, c'est pas mal quand même. Vieux proverbe indien: il faut toujours attendre la dernière bouchée de viande séchée avant de recracher.
Cinecitta par la petite lucarne
La couverture du roman de Thilde Barboni nous vient de Belgique. Les enfants de Cinecitta évoque les romans-photos de la fin des années soixante, si courus en Italie. A remettre dans le contexte comme toujours. Mais il faut bien le dire, et Babelio, qui abrite depuis longtemps nombre de mes chroniques, n'y est pour rien, ce roman très fleur bleue n'offre guère plus d'intérêt. Bref pitch. Le roman raconte l'ascension d'un jeune paysan de la campagne romaine vers 1960. Il deviendra un des maîtres du western-spaghetti. Mais attention, pas un Sergio Leone. Non, un modeste réalisateur de séries B, voire de séries Z. Le livre est d'ailleurs dédié à Enzo Barboni (coïncidence de patronyme) alias E.B. Clucher metteur en scène des Trinita avec Mario Girotti et Carlo Pedersoli, c'est à dire Teernce Hill et Bud Spencer.
C'est l'unique bonne idée de ce roman, mettre en scène des tacherons plutôt que des maîtres du Septième Art. Le propos est modeste et les clichés vont bon train. Du producteur tonitruant à l'amie d'enfance devenue star à Hollywood rien ne surprendra dans cette bluette que l'italocinéphile que je suis aura souhaité découvrir. De toute évidence pour l'hommage à Cinecitta replonger dans ma DVDthèque eût été plus profitable.
A court d'argument pour cette chronique qui tient plus du court métrage que du film fleuve je remercie une fois de plus Babelio. Che vergogna de m'être ainsi fourvoyé. 😊Et pour les films, s'il vous faut vénérer, les trois Sergio sont la référence, Leone, Corbucci, Sollima.
Old Jim
Coup double pour ma seule animation cinéma de la saison, Seule la terre est éternelle. Réunir deux pôles, littérature et cinéma. Et si possible quelques fidèles. Tous n'avaient pas lu Jim mais tous semblaient heureux. Retrouvailles aussi avec Seule la terre est éternelle, document consacré par Busnel et Soland à ce vieux grizzly des lettres d'Amérique. Trois semaines de tournage intensif où Jim crève l'écran, sorte de cabotin suprême si l'on veut, mais de cette sorte de personnages qui dépassent leur propre légende, car légataires et transmetteurs de ces valeurs littéraires et humaines dont nous avons tant besoin.
Courant 2016, François Busnel a enfin obtenu qu'Harrison se laisse filmer dans son repère de Patagonia, Arizona. Ce n'est pas un film sur Jim Harrison, mais avec lui, martèle Busnel dans la promotion du film. Seule la terre est éternelle est resté dans les tiroirs quelques années. Le voici enfin en nos salles. Je ne voulais pas le manquer et les Picards du Nord, une tribu comme les aurait aimées Jim, ont ainsi pu le voir. Un vrai spectacle cinématographique à lui tout seul Old Jim, 78 balais, du "qui a vécu", insuffisant respiratoire au stade ultime qui allume une clope à chaque plan, déambulant lentement, de travers, claudiquant, surcharge pondérale, whisky partageur, l'oeil resté vif, son seul et unique, et la voix d'un plantigrade des Rocheuses sous acide. Jim est mort quelques mois plus tard.
Ce fut un joli moment qu'ont apprécié, je pense, les spectateurs. Y compris ceux, pas rares, qui n'avaient jamais lu Harrison, ni même ne connaissaient son nom. C'est que ce diable d'homme excelle à se raconter, sans effets de manche, de sa voix comme venue du Grand Canyon, entouré de ses chiens, l'une des grandes amitiés de sa vie. Le sort des Amérindiens qui fut l'un des combats d'Harrison, la condition des femmes, la douteuse évolution américaine sont au coeur de la dernière partie de cette joyeuse mais profonde pérégrination dans l'oeuvre de Big Old Jim.
Ce voyage dans l'Ouest est aussi l'occasion de quelques plans sur cette nature extraordinaire (le Wyoming notamment, état le moins peuplé) dont on souhaite qu'elle ne devienne pas victime de son succès. Dame, les livres sur le Montana sont maintenant presque devenus un rayon de librairie. Eternelle question des happy few dépassés par les many many.
La sortie du film fait suite à la parution Flammarion de La recherche de l'authentique, recueil de chroniques écrites tout au long de sa vie dans différents journaux. Notammment sur la pêche, les chiens, et quelques écrivains qu'il révère, Neruda, Thoreau, Steinbeck. Brice Matthieussent, son traducteur historique, en signe la préface, somptueuse. Il y fait référence à Key West, berceau floridien de la pêche au (très) gros, jadis narrée par Hemingway, et qui est une chanson du dernier album de Bob Dylan, Rough and rowdy ways. Pour mon compte j'évoquerai, extrait de ce même disque, I contain multitudes, qui définit si bien Jim Harrison.
Si vous êtes un lecteur de Jim Harrison vous en m'avez pas attendu. Si non, go West amis, go West. Pas mal de cinémas l'ont programmé. Il faut le dire quand c'est bien. 🎬
Je est un hôte
Souvent perçue par les critiques comme un western existentiel cette belle adaptation très libre de L'hôte, nouvelle d'Albert Camus, issue du recueil L'exil et le royaume, est une réussite. On peut bien sûr discuter à n'en plus finir sur l'esprit et la lettre de Camus. Vieille histoire. Ecrit juste avant la guerre, ce récit met aux prises un condamné algérien (pour un meurtre de tradition si j'ose dire, type vendetta) et un instituteur ancien combattant de 40 censé le convoyer au village où il doit être jugé. Inutile de rappeler l'importance de la figure de l'instituteur dans l'oeuvre d'Albert Camus, elle est bien connue et il a maintes fois rendu hommage à Louis Germain l'enseignant de ses tendres années.
Tel le supplétif d'un sheriff (Trois heures dix pour Yuma en étant l'exemple type) Daru plutôt pacifiste, vaguement "étranger" quoique l'hôte en quelque sorte de Mohamed (ambiguité du substantif hôte), hésite avant d'accepter la mission d'un fonctionnaire aux abois en ce qui commence à ressembler au début de la fin de la présence française en Algérie. La nouvelle fait dix pages, le film 1h45, et David Oelhoffen a souhaité aussi un film avec un minimum d'action, ce qui nous vaut une illustration qui reste relativement modeste certes mais qui permet de sortir du huis clos de l'oeuvre littéraire. Qu'en aurait pensé Albert Camus?
A mon avis peu importe en l'occurrence. Ce qui compte c'est que le questionnement de Daru-Camus est parfaitement rendu dans Loin des hommes, d'abord hostile à s'en mêler puis prenant en charge Mohamed, les deux hommes finissant par se respecter, tout cela dans un délai de quelques jours maximum. Evidemment le metteur en scène souligne et ponctue la justice, l'éducation, la guerre, la violence, évoquant même un crime de guerre. Camus, lui, n'avait pas besoin de tant d'images pour nous convaincre à travers un très beau texte, simple et quotidien, poussière, un cheval dans le lointain,quelques figues. J'ai lu trois fois la nouvelle, admirable, et vu deux fois le film, la seconde animant un bref débat, les spectateurs ayant apprécié Loin des hommes, à juste titre. Les deux acteurs, Viggo Mortensen, Américain qui n'a pas hésité à coproduire le film et à l'interpréter en français, et Reda Kateb, d'abord muré puis s'humanisant joliment, n'y sont pas, non plus, étrangers.
Géographie, Laramie,Wyoming
L'Amérique que je parcours musicalement, cinématographiquement et littérairement depuis si longtemps a ses laideurs profondes qui n'ont rien à voir avec la vieille Europe. Cette statue d'Abraham Lincoln perché sur granit en fait partie, ce qui ne nous empêche pas de boire un verre downtown à la santé du Wyoming dont nous connaissons déjà la capitale Cheyenne. Voici donc Laramie, petite ville de l'Ouest, dont le nom fleure bon mes chers westerns, essentiellement le superbe Man from Laramie, L'homme de la plaine, avec James Stewart. Le Wyoming, rectangle parfait, on reconnait bien là un rationnalisme américain, est le moins peuplé de tous les états de l'Union.
Richmond Fontaine est un groupe de folk alternatif qui existe depuis vingt ans. Voici, live à Edimbourg, la pièce à conviction de cette étape, justement appelée Laramie,Wyoming. Ce qui m'arrange bien. Si vous trouvez que cette rubrique fatigue vous avez raison. Si vous trouvez qu'elle est à bout de souffle vous avez encore plus raison. Terminus imminent... C'est vrai aussi que j'ai déjà dit ça plusieurs fois.
Six cordes, vingt-quatre images/4/Rio Bravo
Ricky Nelson à la guitare, Walter Brennan à l'harmonica, Dean Martin à la bouteille et John Wayne à la John Wayne. Le westernissime western de Howard Hawks, les coups de feu y sont plus fréquents que les arpèges, et de meilleure qualité. Un peu au loin les trompettes jouent Deguello en attendant l'attaque du bureau du sheriff. Que serait une vie de cinéphile sans Rio Bravo? Que serait l'histoire sans la rédemption du Dude (Dean Martin)? Que serait l'Ouest sans Mon fusil, mon cheval et moi?
Rio Bravo, Howard Hawks, 1959, John Wayne, Dean Martin,Ricky Nelson, Walter Brennan, Angie Dickinson
La vie des livres
Ces livres sont à qui ça intéresse. Ou à quelqu'un qui connaîtrait quelqu'un que ça intéresse.Il est des moments où l'on a trop de livres. Non qu'on ne les aime plus, mais l'espace manque et l'on souhaite en demeurer à l'essentiel. Et l'on aimerait qu'ils continuent de vivre ailleurs, par exemple chez des personnes qui les traiteraient bien. Pourquoi ces livres plutôt que d'autres? Multiples raisons, double emploi ( Voyage...), polars qui honnêtement ne figurent pas dans mes livresques réussites mais ce n'est, comme toujours sur ce blog, que mon avis, cadeau que j'ai détesté (Rouge...) mais que vous aimerez peut-être, livres cinéma qui débordent d'une bibliothèque Septième Art déjà encombrante, etc...
Je me propose d'envoyer ces livres à toute personne intéressée, gracieusement bien sûr. Je demande simplement aux destinataires d'en payer le port. Les bibliothèques municipales, en fait, n'en veulent guère.
Le cinéma, mon vélo et moi /3/ Elégance pour un chant du cygne
Pour une rentrée bloguesque, classe? Non? Un cinéma de séduction, Newman, Redford. Un cinéma qui n'excluait pas la gravité et comme un parfum de western agonisant, avec changement de selle. Une rentrée d'autant plus prometteuse qu'Asphodèle m'a fait un bien joli cadeau,ci-dessous. Merci de tout coeur.
Géographie: Yuma, Arizona
La laideur des villes américaines est fascinante. Continuons cependant notre route en Arizona cette fois avec Yuma au moins célèbre chez les cinéphiles pour le très beau western de Delmer Daves 3 h10 pour Yuma. Yuma prétend être la ville la plus ensoleillée au monde, proche de la Californie et du Mexique. Les statistiques montrent effectivement qu'il vous faut y aller plutôt en hiver sous peine de dessécher, au sud du sud des U.S.A, au confluent du Colorado et de la Gila. Allez take that train. Le film est un classique de 1957 et Frankie Laine est du voyage. Le remake, que je n'ai pas vu, Russell Crowe, Christian Bale, date de quelques années.
Soucieux d'être encore un tout petit peu contemporain, un tout petit peu, je vous propose la jolie ballade éponyme, Yuma, de Justin Townes Earle, un folkeux fils de folkeux (Steve Earle), que je visite souvent.
Un quotidien platounet
Ce Journal du Missouri peut se lire comme un document,un témoignage.En aucun cas comme un roman et encore moins comme une oeuvre littéraire.J'ai déjà évoqué Audubon et ses célébrissimes planches ornithologiques,somptueuses et rêveuses.1843, Audubon et ses collaborateurs remontent le Missouri sur un bateau de trappeur,s'enfonçant vers l'Ouest en territoire indien.Audubon rapporte des faits,des descriptions,des chiffres surtout.Et,honnêtement,l'on s'ennuie assez vite,tout en replaçant ce récit dans son contexte historique qui considérait les animaux comme de la viande et les Indiens à peine mieux.Après ses Oiseaux d'Amérique le naturaliste dessinateur veut créer un équivalent qui s'appellerait Les quadrupèdes vivipares d'Amérique et pour cela il faut, toujours plus avant,pénétrer le "Wilderness".
Depuis toujours passionné par l'histoire de l'Ouest j'eusse aimé écrire un billet enthousiaste et ébloui mais,et Michel Le Bris l'indique dans sa préface,les hommes ne sont que ce qu'ils sont.Et Audubon et ses hommes ne sont pas particulièrement fréquentables du moins à l'aune de notre XXIème Siècle.Il décrit certes assez bien le fleuve,les bancs de sable,le périple jusqu'à la Yellowstone River en un voyage laborieux et cahotique.Une obsession,dessiner comme on dégaine,vite et beaucoup et comme on ne connaît pas la photo,dessiner c'est tuer.Je devrais dire c'est massacrer.A chaque page,je n'exagère pas,l'un ou l'autre tire et tue,et tout y passe.Du bison qu'ils disent pourtant déjà en voie de diminution au chien de prairie,du canard au bighorn,sorte de mouflon,de l'écureuil au wapiti.C'est lassant et l'intérêt s'émousse assez vite.N'étant pas un auteur Audubon est très répétitif et on se doute que l'écologie n'est guère la préoccupation de ces voyageurs.Les loups sont par exemple une quinzaine de fois appelés brigands, gredins ,scélérats. Allégrément décimés pour leur peau que souvent d'ailleurs on laisse sur place quand l'animal est maigre.Bien connus ils n'ont pourtant nul besoin d'être croqués par un crayon quelconque.Des centaines de bisons abattus dont on ne prélève que les meilleurs morceaux,on n'a pas attendu Buffalo Bill.
Bien que rattaché au beau challenge Challenge Red Power de Folfaerie et ses lectures au coin du feu il me faut bien convenir que les Red n'ont ici plus beaucoup de power.Concernant les Indiens un western classique sera encore un plaidoyer par rapport aux termes dont les affuble Audubon. Crasseux et mendigots sont les épithètes les plus courants pour les définir.Vous ne trouverez dans Journal du Missouri aucun chef charismatique,aucun guerrier de noble allure,aucun grand chasseur de surcroît.La plupart,tels des charognards,se contenteraient même des restes de gibier laissés sur place par les conquérants.Avouez que c'est un comble.Ce n'est malgré tout pas le plus grave car il faut toujours resituer.Non,le plus grave c'est que je n'ai senti ni souffle, ni lyre, ni poésie des grands espaces.Ce voyage ne fera pas partie de mes grands souvenirs d'aventures aux livres.Le contraire des ouvrages dont parle Dominique dans sa trilogie Equipée sauvage Une confidence:je n'ai lu Journal du Missouri que parce qu'aucun des récits de sa sélection n'était disponible.
Pour Audubon,si peu écrivain, revenons-en aux fondamentaux,ceux de l'impérial peintre des oiseaux.J'peux vraiment pas les voir en peinture(8)