Prenez garde à la fonte des choses

  Peu à peu j'explore l'univers de Yoko Ogawa. Quatrième épisode, un roman splendide, qui confine à un certain fantastique, en toute discrétion, et peut faire penser parfois à Fahrenheit 451. Cristallisation secrète est le roman de la disparition et se déroule dans une île,ce qui lui confère déjà un statut particulier. Par un étrange phénomène les choses s'effacent. Toutes sortes de choses.Des plus anodines aux plus essentielles, les oiseaux par exemple. Les roses, les photos, les livres. Et si un jour les mots eux-mêmes...

           Effarant montage que ce livre où l'héroïne est elle-même romancière et n'a bientôt plus de contact qu'avec son éditeur caché. Avec habileté Yoko Ogawa nous perd un peu en faisant de l'écrivaine une recluse au milieu des machines à écrire hors d'usage. Quel symbole car bientôt ne sera-ce pas l'humanité entière qui sera hors d'usage? Volontairement exempts d'identité, les personnages, narratrice, éditeur (ce dernier a droit cependant à une initiale, R qui sonne évidemment kafkaien), grand-père, forment un trio d'entr'aide et de solidarité, face aux traqueurs de souvenirs, ces miliciens à la solde d'on ne sait qui.

          Le plus fascinant de Cristallisation secrète, beau titre, réside  dans la relative acceptation de cet état de fait. Pour digérer la disparition on dirait que certains l'anticipent presque, victimes soumises, consentantes, presque complices. Mais ce disant, je suis bien en deça de la grandeur de ce roman parabole de la condition humaine où heureusement l'amour conserve une place  de choix. Mais Ogawa est aussi une poétesse qui sait nous toucher avec trois fois rien, un ticket de transport retrouvé, un harmonica désaccordé, ou, plus monumental, un vieux ferry qui sombre, bouleversants.

Comments

[bizak]

Tu parles des livres comme un butin de l'humanité qu'on a intérêt à préserver et à protéger. Oui eeagab, c'est vraiment le temple qu'il faut garder, le livre nous nourrit pour ne pas mourir de désespoir et est une véritable muraille contre tous les fanatismes. Merci d'en parler

[Nad]

Quelle belle auteure, avec ses mots qui glissent sur le papier comme autant de poésie <3

Bisous Claude, belle journée à toi

[Margotte]

Très tentant ! d'autant plus que je voue une admiration toujours renouvelée à la littérature japonaise :-) Je note pour l'été, en plus, il doit être sorti en poche ?

[maggie]

C'est vrai que le titre est magnifique. Je n'avais lu qu'un recueil qui m'avait déplu mais là, je vais tenter de lire ce roman. Vision intéressante !

[les cafards]

ohhhh je sens que ça va me botter ça !!!

[EEGUAB]

Cher Bison... C'est ta faute, cet intérêt pour la litté japonaise. Dame! A force d'en bien parler on suscite des vocations. A la tienne, :D une bière fraîche me convainc tout de même plus que le saké.

[le Bison]

ah non. Là c'est pas cool. Là, je suis pas content. Si tu te mets à lire des romans japonias que je n'ai pas encore lu. Des Ogawa, en plus, qui est mon auteure au féminin japonaise préférée... C'est tellement beau, Ogawa, Sensuelle écriture, onirique poésie.

Pour la peine, m'en vais boire une coupe de saké, seul au comptoir d'un bar. Zut, servent pas de saké. J'prends une bière, no problem'.

[Martin]

Je lis visiblement moins vite que toi, mais ta chronique titille ma curiosité. Merci de nous avoir parlé de cette auteure, très cher Eeguab ! :)

[V. s]

Il est dans ma liste à lire depuis longtemps. Comme dirait le Bison, je prends mon temps avec les bonnes choses.

A lire ton billet, je retrouve le pays singulier de Yoko Ogawa que je parcours régulièrement depuis que je l'ai découvert avec L'annulaire.

A bientôt.

[sentinelle]

Quatre romans lus de l'auteur, dont Le musée du silence, que j'ai particulièrement bien aimé. Je ne l'ai plus lue depuis quelques années, et comme tu me tentes beaucoup avec ton billet, mon cinquième sera donc Cristallisation secrète :)

[Dominique]

j'aime bien cette auteure et j'avais apprécié ce roman, il me reste plusieurs romans à lire d'elle et je m'en réjouis

[celestine T]

On sent bien, à t'écouter parler, que ce n'est pas un roman ordinaire, mais quelque chose de beaucoup plus puissant, mystérieux, une sorte d'apologue, d'allégorie de la vie.

Une poétesse qui sait toucher les lecteurs avec trois fois rien...ça fait rêver...

Bisous célestes et atttb

¸¸.•*¨*• ☆

[Asphodèle]

Ho nous aurions pu faire une LC car je l'ai lu l'an dernier sans le chroniquer et c'est encore vivace dans ma mémoire tant il m'a marquée ! D'ailleurs je comptais en parler (dès que possible) dans ma chronique "ce qu'il m'en reste"... J'ai trouvé ce livre sur la disparition des choses fantastique moi aussi ! Bises et à ttds♥