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BLOGART(LA COMTESSE)
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28 août 2023

Vienne, valse, Schönbrunn, Danube, chronique d'une mort annoncée

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         Un peu ridiculement affublé d'un bandeau Downtown Abbey, quelle idée, voici le formidable et fourmillant roman saga d'Ernst Lothar, chantre de la Mitteleuropa que j'ignorais jusquà ce jour. Le titre Mélodie de Vienne n'est pas beaucoup plus adroit,qui semble lorgner sur l'opérette viennoise qui devait singulièrement changer de ton dans les quelques décennies ici contées. Le titre original Der Engel mit der Posaune-Roman eines Hauses, L'ange à la trompette-Roman d'une maison, enseigne de la fabrique de pianos de la famille Alt, est plus approprié. Le livre est d'un classicisme absolu. C'est l'histoire d'une maison, d'une famille, d'une ville et d'un pays. D'un pays qui devait changer de statut en quelques années. Mais quelles années, 14-18, quatre ans qui ont changé le monde.

       1888. La famille Alt occupe tous les étages de cet immeuble cossu de la capitale de l'Empire d'Autriche-Hongrie. Une nouvelle venue, la belle Henriette Stein, d'origine juive, doit intégrer cette famille prestigieuse qui fabriqua un siècle plus tôt le piano sur lequel joua Mozart. Amorce d'un déclassement, d'une débâcle. Bien sûr on connait la suite. La connait-on vraiment? Peu de choses sont pourtant aussi importantes que l'Histoire.

        La chute des Habsbourg a maintes fois été évoquée, racontée, exploitée. C'est un thème royal, impérial, que la ruine des empires. Ernst Lothar lui même juif quitta l'Autriche en 1938 comme tant d'autres. Il sait de quoi il parle. Et la Vienne vieillissante de François-Joseph, le suicide de Rodolphe à Mayerling, l'assassinat de Sissi, et Sarajevo 1914 vont conduire l'Autriche à sa perte, transformant la grande puissance continentale en un petit état coincé au milieu de l'Europe (bon d'accord, Mozart, Haydn, Schubert, Freud, Zweig, Lang entre autres). 

      Mélodie de Vienne est un roman. Mais l'un de ces romans qui prend à bras le corps l'Histoire et nous fait pénétrer dans cette maison Alt et vivre avec ses membres les émotions, les joies, les chagrins et les soubresauts d'une fin de siècle et d'un tournant. Zweig déjà cité parlait du Monde d'hier. Et c'est absolument passionnant. Comme toute famille en littérature les Alt se dèchirent, haines et rancoeurs. D'amour, finalement, pas tant que ça. Mais tous les symptômes de l'épuisement. Cette période et cette Mitteleuropa m'ont de tout temps passionné. Il faudrait citer tout le livre. Ou, plus simplement, le lire.

       Ernst Lothar, contrairement à certains, retrouva l'Autriche après guerre, où il fut en charge des épineux dossiers de la dénazification et où écrivit Retour à Vienne que Liana Levi (piccolo) publie dans le même format..

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21 août 2023

Isola Ultima

Pantelleria

           Ce petit livre de 130 pages est une merveille. J'avais apprécié Borgo Vecchio, un roman du même Giosué Calaciura, qui nous immergeait dans une Sicile actuelle loin des touristes. Pantelleria est une île suspendue entre Europe et Afrique. Ce n'est pas Lampedusa. En fait L'île qui n'était pas là et qui a émergé, L'île sans plages (ce sont les titres de deux des chapitres), et là je vais me contredire, n'échappe plus tout à fait au surtourisme, nouvelle plaie de l'art de voyager. C'est vrai, ça, tous ces gens qui sont dans le bus avec moi, ou font la queue devant les Offices en même temps. Y en a même devant moi dans la file. Impudence.

         Sting, Madonna et autres Depardieu ont depuis longtemps plus ou moins squatté ici, version cinq étoiles. Là n'est pas l'important. Giosué Calaciura n'aurait-il écrit que cet opuscule sidérant de beauté et de poésie qu'il serait déjà au firmament des grands poètes du Sud. Tellurique et volcanique, mêlant l'histoire inassouvie de cette île aux noms multiples et sa géographie tortueuse et inquiétante, sa prose nous transporte, en format presque guide touristique, dans cette anomalie curieuse et obstinée qu'est Pantelleria. Sa précision n'exclut ni l'humour ni la fantaisie. Mais de cela Calaciura vous parlera mieux que moi. 

         L'auteur pousse le jeu jusqu'à à peine traduire quelques termes vernaculaires qu'il nous faudra deviner au fil du livre. Et je trouve cela bien joli, dammusi, sesi, garche, buvire, sardara. Le livre est de lave et d'obsidienne, de sirocco et de mistral, de figues de câpres. Et vous saurez tout sur le zibibbo, ce raisin très particulier qui donne un liquoreux qui a ses adeptes. 

         Aux oliviers Biancolilla, rebelles par exubérance chlorophyllienne, revêches et capricieux au point que même les cisailles ne peuvent leur enseigner la règle et la disicipline, les Pantesques imposent, encore une fois, la pierre, attachée à la branche par une corde, comme une bride, afin qu'ils apprennent à baisser la tête jusqu'au sol. Mais c'est par pitié que les paysans imposentce joug aux oliviers, sans quoi les vents arracheraient tous les fruits et toutes les feuilles sur les branches.

         Gabriel Garcia Marquez, débarquant dans l'île en 1969, vit dans Pantelleria une réminiscence de son Macondo de Cent ans de solitude, Et Calaciura la raconte ainsi. "Mais où m'ont-ils amené?" Avant même d'atterrir, durant les tournoiements de vautour de l'avion, il avait, à travers le hublot, vu l'île comme un animal préhistorique émergé des marécages de soufre des abysses pour venir prendre une bouffée d'air, recouvert des fossiles des parasites et des sédiments calcaires des millénaires, prêt à retourner dans ses fonds sous-marins bouillonnants. Pantelleria lui sembla sans erreur possible être Macondo, avec le fait aggravant d'être entourée d'eau, isolée de tous les itinéraires reproductibles de la modernité des hommes, égarée entre des océans de volcans dont l'activité laisse des germes d'éruption en forme d'îles mouvantes en longitude et latitude, avec cette faculté propre aux cétacés d'émerger, de replonger et d'émerger encore, selon un projet d'une clarté terrifiante. 

        La prose de Giosué Calaciura ressemble elle aussi à Pantelleria en toute splendeur. Un peu dantesque sinon pantesque, fantasque et fantastique, Moby Dick littéraire, 130 pages de très haute volée qui laissent un sillage fuégien en Méditerranée. Ulysse aurait pu y séjourner. Moi, je dis que c'est le cas. 

14 août 2023

Isabel quitte son mari

Osmond 

               Mme Osmond est un roman de l'Irlandais John Banville. Roman parfaitement hors du siècle et le revendiquant, à la fois exercice de style et hommage à Henry James. C'est ainsi que l'a imaginé John Banville, une variation virtuose sur Portrait de femme. Isabel Osmond, joli morceau de gratin londonien, quitte son palais de Rome, décidée à quitter son mari dont lle vient de découvrir la trahison. Je crois que de nos jours on ne s'exprimerait plus ainsi. Un temps déstabilisée elle renaît doucement de ses cendres, les prétendants ne manquant pas. 

             Qui peut s'intéresser à un roman type fin de siècle, l'avant-dernier, mettant en scène des aristos britanniques, tellement, aux prises avec peines de coeur et parfois finances fragiles? Tout le monde, à mon avis. Tant la finesse de l'auteur, sa précision méticuleuse m'a séduit. De retour à Londres Mrs. Osmond renoue avec ses vieux amis, et loin de l'Italie si à la mode, tente d'assumer sa liberté nouvelle bien qu'elle ne soit pas du genre à se laisser étourdir. Quittant le luxe romain, gouffre aux chimères qui ne lui a guère apporté que déception et mépris, il n'est pas certain pourtant que Londres en son égocentrisme lui apporte une sérénité nouvelle.

              John Banville détaille, en cela la référence assumée à Henry James est patente. Rappelons ici qu'Henry James, américain de New York, ne devint citoyen britannique que queques mois avant sa mort en 1916. Banville écrit Mme Osmond comme le peintre qu'il souhaitait devenir en sa jeunesse. Un thé reste un cérémonial par exemple et fumer un cigare peut donner ceci dans la belle prose de l'écrivain irlandais. N'est-ce pas minutieux?

              Elle lui remit l'étui, et il se choisit un cigare, qu'il alluma; la flamme de l'allumette brilla d'une pâle clarté irréelle au soleil, et, en la regardant se consumer, Isabel éprouva à nouveau un malaise inexplicable. Osmond l'observa à travers un petit accroc bleu dragée dans la fumée qui se dispersait.

              Tout comme dans le modèle, Portrait de femmeMme Osmond peut être d'une rare violence car c'est avant tout de vengeance qu'il s'agit. On ne dégaine aucune arme dans ce roman. Mais on y ironise, on y persifle, on y meurtrit à merveille. Et je vais vous faire une confidence: je me sens bien parmi ces gens là. Scones, muffins et marmelade ne sont pas pour me déplaire. On a les madeleines qu'on peut. Et Isabel, toute en retenue, est diablement séduisante.  

 

 

10 août 2023

Un des garçons de la Bande🎸

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 And the the man was alone...Garth Hudson était le doyen de The Band. Il en est maintenant le survivant. The Band (ex The Hawks) était un groupe multi folk rock etc. Ils accompagnèrent Bob Dylan lors de son électrification digne de la bataille d'Hernani. Dylan était un célèbre chanteur song writer américain qui finit Prix Nobel de littérature. Hernani était une pièce de Victor Hugo. Victor Hugo était...J'essaie de garder le sourire. Robbie Robertson vient de rejoindre Richard Manuel, Rick Danko et Levon Helm. La débandade finale de The Band est actée. Selons certains exégètes The Band aurait été le nec plus ultra, la quintessence protéiforme, l'ultime de cette musique, ma musique, et, pour certains, notre musique. Je partage.

              Les gars de The Band savaient tout faire, sauf échapper aux démons réels des paradis artificiels si conformistes. Masi ceci est une autre histoire. A suivre (très) modeste hommage. 

4 août 2023

Doux gémis

Plaintes

                  Nouvelle rencontre avec Yoko Ogawa dont je suis devenu inconditionnel. J'aime son univers modeste souvent, émouvant toujours. Avec ses personnages un peu à la marge, mi recul mi détresse, souvent éloigné d'un Japon trépidant. La musique est pour beaucoup dans plusieurs de ses romans. Ruriko, calligraphe, se met au vert, en rupture avec son mari violent.Réfugiée au coeur de la forêt elle n'a pour voisin que Nitta, un ancien pianiste devenu incapable de jouer en public. Dans son chalet Nitta est facteur de clavecin, une rareté. Une jeune femme, Kaoru, est son assistante et Dona, vieux chien sourd et aveugle, son compagnon. Les cinq sens sont souvent en éveil chez Yoko Ogawa, notamment ceux qui manquent à Dona. Bien joli symbole qui ne surprendra pas les lecteurs ayant fréquenté l'auteure. On ne peut qu'être à l'écoute du très haut vol ses écrits.

               Ruoriko devient l'amie et la complice de Nitta et Kaoru, qui eux-mêmes ne constituent pas vraiment un couple. Tout est bien plus fin chez Ogawa. Et au coeur de cette forêt s'insinue l'émotion toute en retenue. A travers les gestes du facteur de clavecin, si différents du luthier, avec la précision et la pondération requises pour cet artisanat où l'on tutoie les anges. Nitta, suite à un probable traumatisme ancien et vague, a des doigts, si habiles à bâtir l'instrument, qui ne savent plus jouer, du moins en public. C'est que l'incommunicabilité traverse le roman, sur la pointe des pieds, discrètement. Un triangle des sentiments, une quintessence de pureté (presque) platonique, c'est le monde nippon de Yoko Ogawa. J'avoue que je m'y sens bien. 

             Les tendres plaintes, ce titre semble totalement ogawesque en sa douce mélancolie, sa belle peine, l'oxymore est princier chez cette auteure, est en fait une oeuvre de Jean-Philippe Rameau (1724) et je vous en propose une version magnifique par le grand claveciniste Jean Rondeau. Je n'aurai garde d'oublier ce bon vieux Dona, trait d'union de grande tendresse qui n'émet aucune plainte.

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