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BLOGART(LA COMTESSE)
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26 novembre 2020

Les ailes de la paix

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                         Quel beau roman, inattendu et surprenant. L'auteur est australien et je ne l'avais jamais lu. Je l'ignorais et le hasard, alors que je viens de chroniquer le recueil Compagnie K, fait qu'une grosse moitié de L'infinie patience des oiseaux se déroule sur le front de Flandres, pendant la Grande Guerre. Ashley et Jim, deux amis du Queensland, ont en commun la passion des oiseaux. Et la première partie de ce roman assez court est consacrée à leur rencontre au coeur des marais de l'Est australien. Quelques dizaines de pages nous plongent avec délices dans la richesse ornithologique du milieu. Il observait un échassier sur un pan de berge marécageuse, l'un de ces petits chevaliers sylvains qui apparaissent chaque été et viennent, pour la plupart d'entre eux du  nord de l'Asie ou de Scandinavie où ils vont nidifier sur le toit du monde dans les toundras ou les neiges norvégiennes avant de reprendre leur longue route vers le sud. 

                        Et ce livre, parti comme une belle méditation sur la nature, la beauté, voire la perfection, agrémentée de la rencontre d'une photographe anglaise amoureuse des oiseaux, semble prendre son envol, magnifique probablement, peut-être un tout petit peu convenu, mais prometteur de couleurs et d'arabesques. Et puis, comme le monde de 1914, il explose en plein vol. Jim et Ashley, aux antipodes de la France en guerre, se retrouvent dans la boue des tranchées. Rarement a-t-on vu un tel grand écart, dont je n'avais aucune idée. C'est que la plume de David Malouf est aussi alerte et lumineuse dans les descriptions des pluviers à face noire ou des bécasseaux maubèches (très amateur de la gent ailée, rien que les noms me semblent poésie) que dans celles des rats revêtus du même uniforme vert-de-gris que l'ennemi invisible, qui étaient aussi gros que des chats et ne reculaient devant rien, vous galopant sur la figure dans l'obscurité et sautant hors des musettes, bondissant même pour s'emparer de croûtes juste sous votre nez. 

                       Très original, ce court roman, publié en 83, donne très envie de lire cet écrivain maintenant âgé, apparemment une institution dans son lointain pays. Et aussi en ce qui me concerne, une envie d'un gros livre sur les oiseaux, courlis, bargettes, glaréoles, huîtriers... De grands libres... J'ai la chance d'avoir à quelques hectomètres une importante zone humide, un peu moins exotique mais tout de même, mouettes, hérons cendrés, grèbes huppés et marcheur frustré (ça c'est moi). 

                        

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23 novembre 2020

Salut la Compagnie

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                     Je n'avais jamais entendu parler de ce livre, paru en 1933 en Amérique. Je m'empresse de dire qu'il devrait rejoindre les grands classiques de la Der des Der, les Français Barbusse, Genevoix, Chevallier, Dorgelès, les Allemands Junger, Remarque, l'Anglo-australien Manning, l'Italien Lussu et tous les autres. La compagnie K, c'est 113 hommes. Et dans ce court bouquin ils racontent tour à tour un moment de leur vie au front. Deux pages maximum pour chacun, beaucoup de "simples" soldats, quelques sous-officiers et et quelques officiers sous les ordres d'un capitaine. C'est tout. Ni fioritures ni envolées lyriques. Des faits. 

                      Compagnie K, c'est le Bois Belleau, dans le sud de mon département, c'est l'Argonne, c'est cette Picardie et cette Champagne, des roses et du breuvage d'or. Je l'ai écrit mille fois, je suis d'une terre de cimetières et d'obus. Bien des Américains reposent là-bas. Mais William March, qui fut l'un de ces deux millions d'Américains qui traversèrent l'Atlantique, reste à hauteur d'homme, c'est des fois pas très haut, la hauteur d'homme, chroniquant en quelques dizaines de lignes des scènes précises et acérées. Nobles quelquefois, immondes aussi, humaines plus simplement.

                      Parfois carrément cocasses (le soldat Martin Passy évoquant une diseuse de bonne aventure qui lui porta chance, les sautes d'humeur de Mamie la mule de la roulante), les billets prodiguent souvent une émotion brute, brutale, un peu comme un K.O. en quelques dizaines de secondes. La mort, c'est parfois expéditif et William March vous laisse un peu groggy. Ces "nouvelles" de la guerre, sur la guerre et parfois l'après-guerre, sonnent toutes comme des rappels, des injonctions, sur les multiples traumatismes du conflit mondial. Ici un officier exécute sommairement des prisonniers, là une gueule cassée voit sa promise craquer au moment ultime "Si tu me touches je vomis". La construction précaire d'un ponton, quelques mots d'un aumônier, un soldat américain vole la médaille du fils, mort au front, du couple qui l'a accueilli. Pas toujours sublime, litote.

                      Les petitesses de l'âme humaine accompagnent les grandeurs discrètes au long de ces témoignages tout sauf grandiloquents. Tous les textes sont bouleversants, et je le répète, l'humour cotoie le désespoir. Marchant dans la campage picarde je songerai encore davantage aux gens de toutes sortes et sous tous drapeaux, couchés en cette terre de douleur. 

                        

16 novembre 2020

Fjord ever

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                   Très grand cru que ce pavé nordique que l'on m'a prêté. Auteur inconnu pour moi. Kim Leine est dano-norvégien, mais surtout un grand écrivain très apprécié en Scandinavie, et très engagé pour l'autonomie du Groenland. Morten Falck, fils de pasteur, a suivi lui-même des études de théologie, et quitte Copenhague où il n'a pas fréquenté que des enfants de choeur. Sa quête d'un certain absolu, parfois de dissolu, le mène jusqu'aux terres glacées du Groenland. Il y assez peu de romans situés dans cette région ultime, en dehors des récits de science-fiction. Nous le suivrons pendant trente ans, à partir de 1782, cela inclut 1789 et ce n'est pas un détail. Car Rousseau, Voltaire et la révolution Française sont passés par là. Et c'est peu dire que Morten Falck, pasteur, aventurier, escroc, est une figure romanesque ambigüe, complexe et passionnante. 

                 Après les frasques de la jeunesse de Morten c'est le voyage vers le Nord, rude et fascinant. La seule amie de Morten à bord est une vache laitière, Roselil, au destin tragique. L'humour n'est pas absent dans Les prophètes du fjord de l'Eternité. Devenu homme de Dieu, très tolérant sur certains plans, et digne d'un film de Bergman auquel on ne peut pas ne pas penser un peu, Morten débarque sur l'île continent, avec la charge de convertir les autochtones. Ces derniers sont parfois récalcitrants, ayant déjà subi la loi des colons du royaume du Danemark, où il y avait déjà quelque chose de pourri un siècle plus tôt (Shakespeare ne prend plus de droits d'auteur). Les femmes, la foi, la débauche, l'alcool, l'ignorance font bon ménage, façon de parler, dans ce bout du monde glacé, où l'on se parfume à l'urine et à la graisse de phoque. 

               Morten Falck a une mission, mais tout est difficile en ce pays. Il y a notamment des dissidents dans une île isolée et les fragiles idéaux de Morten vont se heurter aux croyances et moeurs pour le moins différentes de ces insulaires. Différents des continentaux, pas forcément pires. Une société arctique brutale et primitive face à la colonie danoise, policée en apparence mais tout aussi dangereuse. Paraphrasant l'un des grands Bergman, je dirais que L'heure du loup n'est jamais loin. Et Morten Pedersen Falck n'exorcisera jamais complètement le sang sur ses mains.

               Mais Les prophètes du fjord de l'Eternité ne se limite pas  à ces questions. Le roman d'aventures, secret et initiatique, est tout aussi présent dans ce bouquin magistral. Un coup de maître. Par exemple les 80 dernières pages sont consacrées au légendaire incendie de Copenhague (Morten y est alors de retour) en 1795. Le souffle sur les braises en est hugolien. Rien de moins. Et ce gros livre se lit sans peine, presque feuilletonnesque, un compliment sous ma plume. 

               KIm Leine, né en 1961, a vécu quinze ans au Groenland, terre qu'il aime mais dont il ne cache pas les revers. Eternelle dualité qui fit de lui un écrivain majeur, mais aussi, c'est bien sûr lui qui le dit, un toxicomane qui dut regagner la métropole pour se sevrer. Les sirènes nordiques ne sont pas toutes aussi fraîches que celle d'Andersen dans le port de Copenhague.

9 novembre 2020

Down in Mexico

 Masse critique

 

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                               Polar mexicain au programmme avec Babelio que je remercie une fois de plus. Narco-polar même tant ce bouquin baigne dans la morbidissime ambiance du trafic dans l'un des pays les plus gangrénés au monde. On a le droit d'aimer patauger dans ce climat noir sans le moindre romanesque, sauf à trouver romanesque la vie du côté de Tijuana ou Ciudad Juarez. J'ai donc expédié, façon de parler, car j'ai trouvé longues les 228 pages. Je n'ai plus de temps à perdre. Le destin de David, jeune homme un peu fragile, qui ne se remet pas de quelques moments d'intimité avec Janis Joplin, dans un motel oubliable, va se trouver bien malgré lui au centre des réglements de comptes les plus sanglants entre barons narco, flics pourris, trafiquants d'armes, etc.

                           Très rapidement j'ai cessé de savoir qui était qui dans les cousinages et liens familiaux. Chacun ressemblant à l'autre, vouant un culte à la bière et à la marijuana, dégainant plus vite que Sergio Léone, sexiste et machiste comme pas possible. Ne parlons pas des femmes, mères saintes ou volcans mal embouchés. Il y a de l'humour mais je ne l'ai pas trouvé. C'est moi qui devais être absent.Ce roman de gare, mais de gare à vous, m'a cependant amené à me poser une question essentielle. Que faire de L'amant de Janis Joplin d'Elmer Mendoza, je viens de m'apercevoir que je n'avais pas cité son nom.? On n'a plus le droit à l'abandon sur un banc public. Je ne vais pas risquer de perdre un de mes amis, déjà rares en ces temps un peu carcéraux, en lui offrant. L'autodafé serait une bonne solution mais il y a des précédents un peu embarrassants.

                           Au fait Janis Joplin n'apparait que sur quelques lignes. Réécoutez plutôt Me and Bobby McGee. Ou sa version de Summertime.

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