A vous le service (ce match a été programmé)
Pour la grande quinzaine de la terre battue je vous convie sur le central. SVP réponses en privé après avoir indiqué votre participation en commentaires. A vous de jouer. Une réponse au moins est donnée, vraiment donnée. Reste à savoir laquelle.
P.S. Je ne joue absomulent pas au tennis. Mais mon dernier jeu portait sur les arbres. Or, je ne grimpe pas aux arbres non plus.
Après le film...calme
1/ Première projection (vendredi). J'avais beaucoup aimé Tel père, tel fils, une histoire d'inversion de nouveau-nés il y a trois ans et partais confiant pour Après la tempête. D'où me vient cette très légère déception? Et sera-t-elle partagée par les spectateurs de ce lundi? Ryota, écrivain raté, ci-devant détective besogneux, divorcé de Kyoko et père d'un garçon d'onze ans, Shingo, peine à la pension alimentaire et joue au vélodrome le peu qu'il gagne. Pas antipathique le Ryota, mais un tantinet lunaire, velléitaire et maladroit. Et puis sa maman, veuve depuis peu (la délicieuse actrice des Délices de Tokyo), qui souhaiterait voir le couple reprendre la vie commune. Serait-ce possible alors?
Hirokazu Kore-Eda est un discret et refuse tout effet mélodramatique. Presque trop, ce qui peut engendrer un soupçon de monotonie pour un film de deux heures. Ca na pas été mon cas mais je peux le concevoir. Ainsi, qu'on ne s'attende pas à un typhon cataclysmique et révélateur. Cette tempête, d'ailleurs ultra-fréquente au Pays du Soleil Levant, si elle apporte des changements, sera en mineur. Regroupés tous les quatre dans le modeste HLM de la mère, les protagonistes, une famille comme tant d'autres, ordinaire, banale, se débat dans ses contradictions et tache de maîtriser ses émotions. Ici, pas de grands éclats de voix, pas de colères. Pour l'évocation, retenue, de la figure du père et l'enfermement géométrique urbain du Japon passez donc chez les amis Strum et Le Bison, bien plus connaisseurs que moi du cinéma de là-bas Après la tempête de Hirokazu Kore-eda : apaisement et histoire de famille et Typhon N°24. Ce père disparu est d'ailleurs encore très présent chez Ryota, quelques souvenirs en font foi. Il faut absolument que je découvre les films d'Ozu, ce maître japonais dont bien des critiques considèrent que Kore-Eda est un continuateur.
2/Seconde projection (lundi suivant). Le film a été majoritairement apprécié mais très peu de spectateurs ont tenu à s'exprimer. Parfois, la vie associative et culturelle nous incite ainsi à la modestie à propos de notre efficacité. Il est toujours bon de proposer. Quant à disposer...
Bye bye Johnsey
Après le beau et choral Coeur qui tourne le roman Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe est un peu l'inverse et se conjugue au singulier, un an de Johnsey, 24 ans, modeste paysan irlandais, naïf et solitaire, dans la fermette héritée de ses parents. Dans cette Irlande en plein boum il se retrouve bien seul, timide et introverti, en proie aux vexations et éventuellement aux râclées des plus forts. Il se trouve qu'en ces années bizarres ses maigres terres en viennent à prendre busquement de la valeur. Et que son refus de céder aux pressions lui vaut un regain d'inimitiés. Le ton de cette chronique qui court sur douze chapitres/mois est plutôt relativement allègre tant Johnsey semble s'accommoder tant bien que mal, sans que le ciel d'Irlande ne soit trop bleu pour autant.
Pas d'amis, bien peu à l'aise avec les filles, le garçon se gave de séries télé sur le canapé et tache d'éviter les mauvaises rencontres. L'une de ces rencontres l'expédie à l'hôpital qui lui sera un havre de paix relative et où il trouvera l'amitié et quelque chose qui pourrait ressembler à de l'amour. N'exagérons rien, le bonheur n'est pas dans le pré, fût il vert Irlande, mais une infirmière lui est très dévouée et il se trouve un copain à la figure défoncée mais qui aime la rigolade. S'ensuivront des semaines de réadaptation qui finalement se révéleront les plus sympathiques de sa très moyenne existence. Vous trouverez dans un Une année ... peu de pubs et peu de musique et on n'y danse guère de gigues endiablées.
Le combat de cet homme simple, Donal Ryan nous en fait le récit sans faiblesse et l'humour qui perdure un moment n'empêche pas la gravité du sujet. Il cible cette perte de repères et une inquiétante globalisation économique aux effets désastreux. Dans cette désunion des hommes sur cette terre longtemps l'une des plus pauvres d'Europe, il est à craindre que Johnsey, nanti de son seul et maladroit courage, n'ait pas le dernier mot.
In the name of rock/ Annabel
Il arrive quelquefois un moment, un moment où c'est creux, enfin plus creux que d'habitude. La plupart du temps il serait juste de dire que le creux avait commencé de creuser son creux depuis pas mal de temps. Mais le creux, il creuse tant que c'est creux. Ainsi un creux peut longtemps être un peu plus creux. Et puis on s'aperçoit que le creux a vraiment pris un teint cireux, il a les joues creuses, le creux. Et badaboum, le creux tombe à plat. Les mots, même creux, demeurent au creux des gorges. Seule la crainte est commune. Mais la crainte est trop creuse pour rebondir. Serait-il temps de dire au revoir à Annabel, enfin au revoir... enfin Annabel... Reste la guitare, par exemple celle de Gordon Lighfoot, ou en mineur, la mienne. Mais, putain, ça fait un sacré creux, là. Farewell to Annabel, Gordon Lightfoot, 1972.
S.O.S. Fantômes
Voilà un livre sans le moindre intérêt en ce qui me concerne. Souvent tout ne m'intéresse pas dans cette sorte de roman en série. Là rien. L'auteure ressasse la vieille mythologie victorienne des chasseurs de fantômes, des manoirs décrépits, des chasses au renard. Le couple d'enquêteurs lorgne évidemment, et c'est d'une grande tristesse, vers le génial duo de Sir Arthur Conan Doyle. De grâce, à mon avis, plongez vous dans l'une des aventures de Holmes et Watson, délicieuses énigmes qui laissent place à l'imaginaire. Ce qui est très loin d'être le cas de ces historiettes hyper formatées et dont je ne tiens pas à me faire le zélateur. L'iconographie du gothique fantastique y est plutôt maladroite et vampirisée par les scènes sexuelles manifestement destinées à remplir le cahier des charges de cette collection. Rien ici ne rappelle la littérature. J'ai rarement été aussi sévère mais cette fois l'opération Masse critique Babelio a fait long feu. Je les remercie néanmoins car j'ai souvent eu plus de chance.
Le carnet secret de Simon Feximal (on dirait un nom de médicament, une purge) n'est qu'un des titres de cette série de KJ Charles. Série est le terme qui convient, mais série Z. Ces propos n'engageant que moi, j'avais l'intention d'abandonner ce livre sur un banc. Mais aucun inconnu ne mérite cette médiocrité.
L'Ecrivraquier/11/Barricades
Rond-point de l'oubli
Certains n'iront pas plus loin
Ici, là, partout
Gavroche un héros
C'est bien la faute à Hugo
Dansez, barricades!
La nuit finissante
Seuls les chiens très affamés
Ont semblé survivre
Il y a comme un romanesque des barricades. C'est si exaltant, les barricades et c'est assez simple somme toute. Seuls les bons dressent des barricades selon les uns. Selon d'autres la canaille entière éventre les rues. C'est pas compliqué. Moi, je n'aime que celles, brisées, de Procol Harum (album éponyme) et celles du ciel de Jackson Browne ( album éponyme, une chanson superbe qui raconte la belle aventure d'un groupe rock). Peu de choses au monde me remuent comme ce dernier thème.
A propos d'un balayeur des rues
Cette fois ma chère Val et moi nous sommes attelés aux 768 pages (en 10-18) de La mémoire est une chienne indocile, traduction littérale de The street sweeper, ahurissant n'est-il pas, de l'Australien Elliot Perlman. C'est une opération qui, en ce qui me concerne, a pris du temps. C'est un roman qui revient sur la Shoah, mais par des voies multiples qui égareraient presque le lecteur. Pourtant ce livre ne manque pas de grandeur pour peu que l'on s'attache avec soin aux différentes approches de l'horreur, de sa mémoire et de son enseignement. N'ayant pas lu Les bienveillantes de Jonathan Littell je ne peux comparer mais Elliot Perlman va très loin dans son analyse précise et quotidienne des camps. Parfois la sinistre comptabilité d'Auschwitz est insoutenable à la simple lecture et ce livre est vraiment très éprouvant. On mesure le travail de documentation qu'a dû effectuer l'auteur.
Mais la solution finale n'est qu'une des dimensions de cette oeuvre, fleuve et phare. Lamont Williams, balayeur des rues, est un modeste Afro-américain en probation post-prison qui recueille à l'hôpital les souvenirs d'un vieillard en phase terminale. Henryk Mandelbrot est un survivant d'Auschwitz. Par ailleurs, Adam Zignelik, professeur d'histoire, lui-même juif, exhume les premiers témoignages sonores de rescapés de l'Holocauste. Mais La mémoire... brasse bien d'autres thèmes et tisse une toile assez prodigieuse, laquelle enserre le lecteur et lui donne furieusement envie d'en savoir plus malgré la complexité parfois technique du texte. Notamment les pages sur la question, qu'Adam étudie aussi de très près, de la présence des noirs américains lors de la libération des camps. On connait la récurrence et le trouble de cette interrogation dans (une partie de) la société américaine.
Allant et venant sur les décennies, comme toute mémoire, The street sweeper photographie aussi l'Amérique de notre instant, difficulté de réinsertion de Lamont, racisme ordinaire, quelques beaux moments aussi sur le très grand âge quand Adam visite de très rares survivants dans une maison de retraite de Melbourne (les fameuses boîtes à mémoire, Hannah qui réclame de l'eau comme en douce, encore un peu à Auschwitz), rigidité de systèmes éducatifs, Adam mis en cause en tant qu'enseignant, tyrannie des publications. Et une foule d'autres choses sur le mal vivre de tous ces personnages, nombreux à traverser le siècle, certains très peu de temps, vivants, morts, conscients ou non. Ils sont juifs, ils sont noirs, d'ici ou d'ailleurs, leurs grands-parents, leurs ancêtres ont vécu l'horreur. Nul n'en est indemne.
La mémoire est une chienne indocile. Elle ne se laisse ni convoquer ni révoquer, mais ne peut survivre sans vous. Elle vous nourrit comme elle se repaît de vous. Elle s'invite quand elle a faim, pas lorsque c'est vous l'affamé. Elle obéit à un calendrier qui n'appartient qu'à elle, dont vous ne savez rien. Elle peut s'emparer de vous, vous acculer ou vous libérer. Vous laisser à vos hurlements ou vous tirer un sourire.
On ne résume pas un tel livre. C'est le livre qui vous prend dès les premières lignes, dans le bus de Lamont, et ne vous lâche plus beaucoup. Le voyage est long, parfois compliqué, emprunte des méandres et bute sur des impasses. Et puis un jour, un beau jour finalement, un historien juif, une jeune oncologue, nommée Washington, et un modeste balayeur décident de se parler. C'est une lecture indispensable. Et j'ai eu tort de persifler sur le titre français.
P.S. Je dédie cette chronique à Karel Schoeman dont j'apprends à l'instant la disparition (samedi 6 mai, 19h). Ce Sud-africain était un écrivain fabuleux. D'ailleurs sa photo est depuis longtemps ici présente, en bas à droite, en tête de mes écrivains majeurs. Et ses romans ne sont pas sans rapport avec la mémoire ou le racisme. Ils sont en tout cas d'une profondeur...
Sept fois deux
Je reviens juste avec quelques mots sur ce septennat cinéma que je viens de terminer. Il s'agissait d'explorer, modestement, l'alchimie très particulière, parfois l'osmose, entre un cinéaste et son actrice de référence. 10h30 d'intervention avec quelques extraits de films ne se résument pas facilement. Alors, en quelques lignes et quelques photos, si vous le voulez bien, mon sentiment. Et mes remerciements au public, constitué de fidèles essentiellement qui me suivent depuis pas mal d'années.
Marlene ne serait rien sans Josef von Sternberg mais les films de Sternberg sans Marlene sont en général à peu près sans intérêt. Délaissant un peu L'Ange Bleu j'ai privilégié le mélo des sables Morocco. C'était un temps déraisonnable où la légion était de mise. Pour les beaux yeux de Gary Cooper Dietrich jette ses chaussures et rejoint l'escouade sur le sable chaud. Elle prend une chèvre en laisse et avec quelques autochtones accompagne les hommes. Filmé à travers cette ogive mauresque, inoubliable. Le film fut distribué en France sous le titre Coeurs brûlés. Si ça vous fait pas fondre...
Ensemble séparés, souvent notre lot. Toute l'incompréhension entre Ingrid Bergman et George Sanders dans le sublime Voyage en Italie. Corps calcinés de Pompéi, âmes en perdition divisées par quelques marches. Le scandale du cinéma mondial de l'après-guerre. Roberto Rossellini maître du Néoréalisme, catholique père de (bonne) famille et la star suédoise adoubée et adulée par Hollywood. Plus dure sera la chute.
Tourmente et tourments dans le cinéma et dans la vie d'Ingmar Bergman et Liv Ullmann. Ici dans L'heure du loup. L'île de Farö réceptacle idéal des interrogations du maître. L'occasion pour moi, pas le meilleur connaisseur de Bergman, loin s'en faut, de me familiariser un peu avec son oeuvre unique, et d'en proposer à l'auditoire une approche accessible. J'avais un bel outil pour ça, le DVD du metteur en scène indien Dheeraj Akolkar, bouleversant document sur le couple, guidé par Liv elle-même.
Dernier volet de la tétralogie existentielle que d'aucuns considèrent comme nihiliste et que je tiens pour essentielle, le moins connu, Le désert rouge où Monica Vitti, dans la banlieue industrialisée de Ravenne, dynamite le personnage de la femme italienne. A sa manière, au début des années soixante, Michelangelo Antonioni changeait l'Italie. Loin des girondes Sofia ou Gina, des verbes hauts, et des rondeurs de marchés, ainsi parut Monica, ici dans la griseur des choses.
John Cassavetes et Gena Rowlands, autre couple en fusion fission, nous ont conduits plusieurs fois aux lisières. Ce cinéma américain, en quasi autonomie, est une merveille d'étude clinique dans Gloria, dans Love streams et plus encore dans Une femme sous influence. Son personnage de Mabel, en permanence sur le fil du rasoir, nous bouleverse tant Gena parvient à maîtriser les excès souvent inhérents à ces types de rôle.
Woody Allen m'avait téléphoné pour me proposer Mia Farrow. Je lui ai préféré Diane Keaton, si élégante dans Annie Hall (Hall était le vrai nom de Diane Keaton). Peut-être les plus belles années de M. Allan Stuart Konigsberg, où le célèbre piéton binoclard de Big Apple trouve à mon avis l'état de grâce. Elle irradie aussi dans Manhattan et dans l'hyperbergmanien et sans une once d'humour Intérieurs que je recommande spécialement à ceux qui l'ignoreraient.
M. le Président du Festival de Cannes 2017 n'a certes pas constitué avec Carmen Maura un couple tel qu'on l'entend généralement. A titre exceptionnel j'ai inclus l'oeuvre commune de la riche héritière Carmen et du modeste fils d'une famille rurale de la Mancha dans ce florilège du syndrome de Pygmalion évoquant l'artiste et sa créature. Et c'est dans leur troisième film ensemble (il y en a sept), Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça! que j'ai trouvé la Maura réellement bouleversante. Assez éloigné de l'esprit BD des tout premiers opus ce film hisse l'actrice au rang d'icône, de mère courage, de femme forte dans un univers d'hommes, une Magnani espagnole, une oubliée de la Movida. Pour moi, le meilleur film de la première période d'Almodovar.
Ce fut pour moi une belle expérience que d'assurer de mon mieux cette sorte de "formation continue" du Septième Art, sans aucune qualification que celle d'un amateur de longue date. C'est aussi pour moi la chance de revoir et rerevoir des films anciens, et dans l'immense majorité des cas, de les apprécier plus encore. Parfois aussi de mieux connaître l'univers d'un cinéaste que j'avais a priori pas mal négligé (Pedro Almodovar, allez savoir pourquoi, probablement parce que j'ai toujours coché la case Italie depuis des décennies de cinéma). Merci aux organisateurs de ces universités du temps libre (elles ont changé de nom) et merci à mes "étudiants" toujours très attentifs.