Un ticket pour "Le dragon de la méchanceté contre le saint guerrier".
Voilà l'improbable demande à faire au guichet si l'on avait traduit le titre original d'
Reconnaissez que c'était un peu baroque.Baroque Antonio das Mortes l'est de toute évidence.Il s'agit de l'un des films les plus célèbres de ce Cinema Novo brésilien qui n'a guère eu de prolongement. Entrer dans cet univers foisonnant n'est pas une si mince affaire.Un minimum de connaissance de l'histoire du Brésil peut se révéler très utile.Entre Cangaceiros,improbable croisement de Robin des Bois du Nordeste et Beatos,paysans mystiques illuminés,tous deux opposants au régime des grands propriétaires,il est un peu difficile de savoir qui est qui.Ajoutons à cela l'incroyable amalgame entre la foi et la superstition,entre la sainteté et les diableries.N'oublions pas qu'Antonio das Mortes était déjà présent dans Le dieu noir et le diable blond,film antérieur de Glauber Rocha,dont le titre à lui seul fait peser pas mal d'incertitude sur le spectateur européen plus cartésien.
Strié de rouge vif et parsemé de morts violentes dans cette ahurissante arène qu'est le Brésil d'une époque un peu indéterminée Antonio das Mortes délivre des fulgurances filmiques baroquissimes flanquées de paraboles d'un mysticisme brouillon mais qui semble aller sa propre cohérence tant ce film a l'air de ressembler à son pays.Un magnifique combat singulier où les deux protagonistes serrent les dents,tenant chacun l'extrémité d'une longue écharpe.Le fraternel baiser du vainqueur au vaincu,tous deux habillés de barbe noire,de rose et de hardes qui les font ressembler à quelque pirate des Antilles.Un riche aveugle visionnaire dont la femme adultère tue elle-même son amant.Une curieuse alliance de circonstance entre Antonio,celui que l'on ne peut appeler un justicier et un instituteur à peine éclairé.Une sainte et un Saint Georges noir terrassant le dragon...Toutes ces images renvoient au titre original et à un Brésil qui conjugue la violence et la chorégraphie,mais n'est-ce pas une assez bonne définition de ce pays immense et méconnu où l'on meurt si vite au rythme des Cariocas?
Antonio das Mortes fut primé à Cannes 69 sous la présidence de Visconti.Rocha devait mourir à 43 ans en 1981 laissant quelques films,assez peu,s'étant longuement détruit,ayant tourné un peu en Europe et fait l'acteur pour Godard.Dans les dictionnaires on accole souvent à ses films le terme de westerns.C'est en fait vrai en un certain sens.Sam Peckinpah a dû voir ses films.