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24 mars 2023

La vallée un peu perdue

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               C'est le huitième livre de Modiano our moi. Certains très anciens, La place de l'étoile, Rue des Boutiques Obscures. Curieusement je crois ne l'avoir jamais chroniqué et je vais tenter de m'en expliquer. 

               Tous ces livres sont courts, sonnent comme une incursion du lecteur dans un univers unique. Comme dans une géographie qui n'appartient qu'à l'auteur, et que lire Modiano ne suffira pas à rendre totalement intelligible. Mais qu'importe? Modiano, on le sait, n'est pas un orateur ni un grand adepte des médias. Mais moi j'aime bien la musique de chambre de cet écrivain si particulier. Mais comment en parler? Par le silence, je crois.

              Je briserai ce silence, mais juste un peu. Modiano ne se commente guère, il se vit. Essentiellement à travers les déambulations, souvent parisiennes ou banlieusardes,  de ses personnages dont on ignore, à la fin tout autant qu'au début, la réalité profonde, doutant même de leur existence. Chevreuse, lieu emblématique d'une Ile-de-France riante, dernier opus du Nobel, est bien dans cette lignée, pélerinage de proximité, qui, moi, me touche d'une drôle de manière, tout en me laissant étranger àu mystère modianesque. On se raccroche en modianie comme on peut. Aux années de l'Occupation par exemple, toujours dormantes des décennies plus tard. Ce fut une période propice aux trahisons, aux faux-semblants, aux papiers frelatés et aux suites douteuses. Souvenirs dormants (c'est aussi un titre de Modiano) empreints de questions sans réponses, de mystères, de compromissions, de petites ou grandes lâchetés.

              C'est qu'ils sont diablement humains malgré tout, ces hommes et ces femmes, ces incertains, ces presque spectres. Ils oscillent entre années cinquante et deuxième millénaire, mais nous, lecteurs modianisés, avons depuis lontemps perdu le fil du temps. Entre appartements beaux quartiers et verts pavillons des environs, entre cafés où l'on attend, une photo sur la table, un(e) inconnu(e) et acenseurs capitonnés comme pour des confidences. Entre hôtels et bancs publics.

              Beaucoup de noms propres chez Modiano, personnes, villes, quartiers, rues, résidences. Il s'en dégage une poésie indéfinissable, etc...J'en ai déjà trop dit. Si vous lisez Modiano vous savez. Si vous ne l'avez jamais lu allez vous balader dans son sillage. Les effluves en sont, en sont, en sont...Vous verrez bien. Silence dans les rangs. Suivez ses traces. D'ailleurs on file beaucoup chez Patrick Modiano. 

              "J'étais pendant deux ans le chauffeur d'une dame. Elle est morte ici dans un petit appartement au troisième étage."

               Bosman ne savait quoi lui répondre. Enfin: "Une dame qui habitait Nice depuis longtemps?"

               Le taxi suivait le boulevard Victor-Hugo. L'homme conduisait lentement.

               "Oh, monsieur...C'est compliqué. Elle habitait Paris quand elle était jeune...Puis elle est venue sur la Côte d'Azur...D'abord à Cannes, dans une grande villa à la Californie...Puis, à l'hôtel...et puis square Alsace-Lorraine, dans ce tout petit appartement.

               - Une Française?

               - Oui, tout à fait française, même si elle portait un nom étranger.

               - Un nom étranger?

               - Oui. Elle s'appelait Mme Rose-Marie Krawell.

                Bosman pensa qu'une dizaine d'années auparavant ce nom l'aurait fait sursauter. Mais, depuis, les rares instants où certains détails de ses vies précédentes se rappelaient à lui, c'était comme s'il ne les voyait plus qu'à travers une vitre dépolie.

             

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19 mars 2023

Grand écart

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        Ciné-débat lundi dernier. Walden, film franco-lituanien mis en scène par une Tchèque, sorti il y a quelques mois, 959 entrées France. Plus une vingtaine depuis cette semaine. Je suis fier d'avoir contribué à 2% des recettes du film. Walden est un joli film sur la fuite, le désarroi, le souvenir d'une jeunesse derrière le rideau de fer, et les lendemains qui chantent toujours moins que prévu. Bojena Horackova signe un film en forme de binôme 1988-2018 à travers le départ et le retour d'une jeune étudiante qui comme beaucoup ne pense qu'à l'Ouest. Nous sommes peu avant la cascade des chutes des républiques populaires qui suivirent la chute plus spectaculaire du mur de Berlin.

         Jana revient à Vilnius 30 ans après son départ pour la France. Elle tient à retrouver Walden, le lac un peu secret de sa jeunesse, et, qui sait, Paulius son amour de ces vertes années. Le pays a changé? Oui...et non. Un thème classique, tendrement mis en scène, pour un film discret où frémit le vent sur les berges, et où les quinquas jadis frémissants font face aux après, loin de toute flamboyance. La jeune actrice irise Walden, elle avait un nom balte compliqué. Elle est morte accidentellement quelques mois après le tournage.  

        Vu aussi en ciné-club un tout autre film, le très curieux Junk Head, animation japonaise en stop motion, qu'un collègue, plus jeune, ça ne vous surprendra pas, présentait avant-hier. Takahide Hori est l'auteur unique, mais alors unique, de cette dystopie, survival, post-apocalyptique, dont les héros, boîtes de conserve et boulons, parviennent à une belle expressivité. Certes ça lorgne sérieusement vers le jeu vidéo y compris musicalement. Mais cet underground au sens propre où se règlent les comptes d'une société immortelle mais stérile est aussi un théâtre presque burlesque avec course poursuites, un humour assez trash parfois proche d'une BD futuriste, une lutte entre le bien et le mal, un plaidoyer pour la tolérance. J'ai bien évidemment enfilé tous ces clichés à dessein. Alors pourquoi pas rendre une visite à ces personnages bricolés, mécaniques, parfois un air de Metropolis-Lang auquel on pense forcément?

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             Grand écart cinématographique, ces deux films ravivent l'attention parfois vacillant du spectateur. Sera-ce suffisant? 

15 mars 2023

Sarah

Masse

Sarah

               Biographie au programme ce mois-ci avec Masse Crtique Babelio. Merci mensuel Bab... La grande Sarah Bernhardt (1844-1923) nous est racontée par Elizabeth Gouslan, journaliste, déjà autrice de livres sur Jean-Paul Gaultier ou Grace de Monaco. Pas forcément un livre que j'aurais acheté mais le voyage est plutôt agréable et nous fait mieux connaitre ce personnage pour le moins excessif. C'est par le truchement d'une actrice contemporaine de Sarah que sa vie nous est contée à grands renforts d'abus variés et de célébrités plus ou moins douteuses.

               Sûr que la Bernhardt est une figure qui se prête à tous les excès. Je n'ai donc pas été surpris au souvenir de son enfance, une mère indifférente qu délégua autant que faire se peut une éducation forcément fragmentaire et aléatoire. La mère étant passée par toutes les cases de l'échiquier, souvent horizontalement, Sarah eut une époque similaire. On assiste à ses débuts difficiles, à ses frasques précoces  et qui seront tout aussi frasques sur le tard. Caprices de diva, éclairs fulgurants dans les grands rôles, pas seulement celui de Marguerite Gautier, Dame aux camélias, mais aussi L'Aiglon ou Hamlet, Sarah précurseur, tout Paris à ses pieds. Bientôt l'Europe. Bientôt le monde. 

               C'est d'ailleurs ce qui m'a le plus étonné. Le temps passé à l'étranger, l'Angleterre et Amérique bien sûr, mais aussi d'autres destinations pas si faciles en ces temps là, Cuba, Pérou, Uruguay, Australie. Sarah a en fait vécu des années à l'étranger, la plupart du temps dans les palaces quand ses finances très aléatoires le lui permettaient. Monstre sacré, c'est le jeune Cocteau qui inventa l'expression, incontrolable imprévisible, ne s'interdisant rien, propriétaire en faillite et cachets inédits en même temps, Sarah Bernhardt demeure la plus connue de toutes les actrices françaises, un siècle parès sa mort, alors même qu'il n'y a pratiquement pas de captation théâtrale et que ses films, unanimement médiocres, ont disparu.

                Sarah Bernhardt demeure un symbole, un écusson officiciel du Paris fin XIXe début XXe. Patriote, dreyfusarde, attirée par les deux sexes mais jamais au point de de ne plus être maîtresse d'elle-même. Elle revit plaisamment dans cette biographie légère d'Elizabeth Gouslan, nous donnant envie d'Entente Cordiale et de Belle Epoque, bien que pour beaucoup de Français de ces années ces deux expressions ne soient guère proches de leurs univers. Une expo prochainement au Petit Palais, je crois, commémorant le centenaire de sa mort. 

7 mars 2023

Deep River

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             Saga classique de l'émigration aux Etats-Unis, ce roman vraiment fleuve (Deep River titre original curieusement traduit en France) en est la version finlandaise avec la diaspora nordique à l'extrême nord-ouest américain, le Washington au début du siècle précédent. Faire bientôt éclater la terre comporte 850 pages. La littérature et le cinéma ont souvent relaté l'arrivée et l'installation des Européens. Italiens et Irlandais fournissant le plus gros contingent.Voici l'histoire des Finlandais devenus bûcherons ou pêcheurs du côté de la Columbia River, contée par Karl Marlantes, lui-même né à Astoria, Oregon, en 1944 et auteur d'un des meilleurs livres sur le Vietnam, Retour à Matterhorn

          Les ingrédients sont bien là. Une fratrie de nouveaux venus en Amérique, ceux-là ont fui l'oppression russe en Finlande au début du XXe siècle. Dans ce bout du monde américain tout est à construire. Ilmari, Matti et leur soeur Aino se retrouvent ainsi dans une colonie de bûcherons. La tache est colossale mais l'espoir est là. Land of freedom? Certes, mais ça va prendre du temps. Entre parenthèses lire Faire bientôt éclater la terre aussi, ça prend du temps. Nous n'échapperons donc pas aux préjugés des autochtones, à la volonté des arrivants, aux débuts d'une déforestation artisanale. Rien de vraiment inédit dans cette histoire. Mais outre que c'est une histoire à laquelle on adhère facilement n'oublions jamais que l'inédit n'existe plus depuis belle lurette.

           Ce roman présente Aino, la soeur, comme l'héroïne principale, la plus engagée socialement, la plus pugnace, une Scarlett O'Hara de l'abattage des arbres, une pasionaria de la cause des exploités, une précurseure... (comment dit-on) du syndicalisme.  Normal dans le contexte actuel, néanmoins sympathique. On y rencontre Joe Hill, immmigrant suédois, militant célèbre, héros des chansons folk de ma jeunesse. Les frères d'Aino et tous les autres ne s'en laissent pas conter malgré tous les malheurs de la ruée vers l'Ouest. Accidents du travail (terme anachronique bien sûr), amours-désamours, mariages, fièvres, bals, 14-18, ascension sociale avec quelques pannes, tout ce qui fait l'intérêt et la limite de ces bouquins-tendinites (parfois le kiné resurgit vu le poids de l'ouvrage) est là.

            Et puis il y a les détails. Et là Marlantes  ne fait pas dans le détail avec tous ces détails techniques un tantinet fastidieux. Sur la pêche au chinook dans l'estuaire, ce saumon géant plus lourd encore que le bouquin. Le travail de documentation de cette saga dû être considérable. Et que dire des pages entières sur le labeur si dur des bûcherons, élagueurs, débardeurs face aux gigantesques séquoias? On en sort un eu essoré parfois, les bras lourds de tant d'efforts.

           Mais ne boudons pas. Faire éclater la terre est un bon roman, bien balisé certes mais ce n'est pas désagréable de cheminer en littérature muni d'une ceinture de sécurité, comme n'avaient pas les pionniers nordiques dans les années 1900. Rappelez-vous, faut un bout de temps. Pour la chanson je n'ai pas mis la célèbre version Woodstock de Joan Baez qui m'énerve un peu mais celle de Luke Kelly (The Dubliners)

3 mars 2023

Fantaisie pour éloge funèbre

Masse

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                      Je suis un peu déçu de La pire amie du monde d'Alexandra Matine, que j'ai lu grace à Masse Critique Babelio qui me fait confiance depuis bien longtemps et à qui je dois de belles découvertes. Les grandes occasions explorait le thème constant des conflits de famille, et plutôt bien. La pire amie du monde est un peu trop shoegazing à mon gré. Et c'est volontairement que j'emploie un mot anglais. L'auteure a parsemé son roman de nombreux mots dans la langue de Shakespeare, qu'elle a  cependant écrits en italique. Curieuse démarche. Mais nous sommes dans un milieu branché, forcément in.

                   L'héroîne s'appelle Cyr. Plusieurs personnages féminins sont nommé d'un diminutif peu explicite sur leur sexe. J'ai cru y voir un signe des temps. Mais soyons justes, La pire amie du monde n'est pas sans intérêt. Bien sûr cette génération de trentenaires m'énerve profondément et beaucoup de leurs codes me sont inaccessibles. Je cesse maintenant de maugréer. Cyr doit écrire et lire pour les obsèques de son meilleur ami tragiquement disparu en Thaïlande. Est-ce mieux qu'à Saint Brévin les Pins? Excusez-moi, ça me reprend. Elle a quelques jours pour ça, le corps prenant du temps pour être rapatrié.

                   C'est cette sorte de vacance que nous vivons avec elle. Variation sur le deuil, finalement assez intéressante, un peu déstabilisante, Cyr d'adressant à son ami mort, joli témoignage qu'on maîtrise au fil du livre. Et puis les nombreux retours dans le passé, douloureux, Cyr ayant perdu sa soeur et sa mère à quelques mois d'intervalle, quelquefois tragi-comiques. Les substances prohibées jouent leur rôle, la mode, pardon, la fashion, les rencontres hype, la vie à Amsterdam. Quelques belles idées dont une diablement originale, Cyr est accro aux montages Ikea. Ce monde m'est totalement exotique mais pourquoi pas. 

                  Parfois on s'éloigne de Cyr, pas un modèle d'empathie, ni de modestie. Mais la poésie s'invite de temps en temps, ne serait-ce que ce plongeur de canal qui s"engage à retrouver une alliance, en trois tentatives, pour 40 euros, qui la retrouve effectivement et s'en va en refusant 20 euros de plus. Quant au vocabulaire déjà évoqué c'est parfois snobement snob, parfois plutôt sympa, comme le verbe friendzoner, qui dit bien ce qu'il veut dire. De temps en temps on s'interroge. Ainsi que pensez-vous de Quand tout le monde a pris place un croquemort avec une tête de caviste spécialisé en vin nature monte sur l'estrade? Il y a aussi oversized, highlighter, steel drum, hard feelings, push-up, payroll. But we do with.

 

 

 

 

 

 

 

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