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30 septembre 2023

Le coeur montagne

Masse

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                   Babelio a tapé dans le mille(Merci Bab) en m'offrant ce bien beau roman de Clara Arnaud pour lequel je crois que le succès sera au rendez-vous. Et quel joli titre que Et vous passerez comme des vents fous. L'auteure emploie un montage alterné avec d'une part la trajectoire de Jules, jeune homme devenu saltimbanque montreur d'ours à l'orée du XXe siècle, de ses vallées pyrénéennes aux scènes américaines de Montevideo à New York, et d'autre part Gaspard, père de famille, berger en proie au(x) doute(s) et Alma, jeune éthologue pleine d'empathie pour le grand plantigrade réintroduit récemment. Ni le dit plantigrade ni la spécialiste ès ursidés ne sont accueilis partout à bras ouverts.

                  Clara Arnaud ne cache guère son parti pris. Ce pourrait être vite lassant et démago mais elle évite cet écueil si fréquent. D'abord en ne condamnant personne, pas même cette société 1900 qui trouvait très bien d'applaudir ces sinistres numéros d'ours à bicyclette dans une foire quelconque ou comme Jules, star de la spécialité, dans un music-hall de Broadaway. C'était ainsi en ce temps-là. Tout n'était pas mieux avant. Et les personnages de Gaspard et d'Alma sont très bien circonscrits. Tous deux mal dans Leur peau mais je vous laisse les découvrir, ne voulant pas vendre la peau de l'ours.

                  Ce magnifique intitulé Et vous passerez comme des vents fous est extrait d'Impromptu d'un certain Hohvannès Chiraz, poète arménien. Et le roman passe, lui aussi, effluves de troupeaux à l'estive, vacarmes de chutes de pierres, cheminées orageuses, caprices animaux et alcools humains, trop humains. Jean le vieux berger en sa dernière transhumance regarde son monde s'effilocher, décidé à décider du moment de son départ. Gaspard rompra-t-il avec ce destin ancestral, hautement diplômé malgré tout? Et Alma, Alma l'âme ourse, en un sacerdoce revendiqué et sous les graffiti insultants, rebroussera-t-elle chemin?

                 Tout autour, elle (Alma) sentait la forêt bouger, la montagne respirer, et elle comprit ce qu'elle avait trouvé ici, une solitude pleine. La solitude désirable que la langue anglaise distingue de la loneliness, subie, endurée. Un écart au monde, un pas de côté, un refuge.

                 Je n'ai pas résisté à citer le passage suivant et vous n'en serez guère étonnés. Alma avait posé une semaine de congé et, une fois chez elle, elle s'était écroulée. Elle n'avait alors pas quitté son lit pendant trois jours, ou si peu, lisant queques lignes, reposant les livres qui s'étaient amoncelés autour d'elle, sous les oreillers, comme des créatures protectrices, La Montagne magique, des poèmes, rien ne parvenait à l'arracher au sommeil, ou plutôt à l'apathie qui l'avait gagnée. Elle s'était réfugiée dans la musique des jours tristes, avait écouté en boucle toute l'oeuvre de Leonard Cohen, elle se baignait dans cette voix basse et profonde, et repassait sans fin les enregsitrements des dernières années, où une gravité somptueuse habitait chauqe syllabe, l'économie de moyens était au sommet. Et elle sombrait encore, après avoir mangé quelques tranches de pain d'épice, aliment indispensable pour les  sorties en montagne, le seul qui restait dans ses placards. 

                  

 

 

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22 septembre 2023

Massif, central, essentiel, it's all Wright

         Très belle invitation à prendre son temps, Le chemin des estives est une magnifique randonnée à travers le Massif Central, souvent un peu oublié. Assez particulière cette longue marche. Charles Wright, alors trentenaire aspirant jésuite, entame une virée buissonnière de 700 km dans le "milieu" de la France à travers sept départements entre Charente et Ardèche. En binôme avec Benoit, lui est un prêtre confirmé. Un peu sur les traces de Charles de Foucauld, un peu inspiré par les semelles de vent de Rimbaud, beaucoup pour s'interroger. Certains vont chercher le bonheur en Sibérie ou en Alaska, moi je lorgne ducôté d'Aubusson, de Saint-Flour et du plateau de Millevaches...Je suis un aventurier de la France cantonale, un explorateur de sous-préfectures.  

        Ne croyez pas mettre vos pas dans un austère chemin de croix, moralisateur et ennuyeux, Mr. Wright est drôle et impertinent parfois et sait aller à la rencontre des gens de là-haut, de là-bas, de là-centre. Pittoresque voisinage d'étrangers ayant choisi l'Auvergne en recul de leur propre existence, de braves villageois dont la méfiance ne résiste pas au sourire de nos curieux touristes, de commerçants plus ou moins généreux, de prêtres autochtones congolais ou rwandais ombrageux qui n'aiment pas trop partager la lumière dominicale de leur église de canton avec Benoit.  Il y a des athées bien sympathiques et des croyants obtus. Il y a le contraire. Il y aurait donc une vie entre Loire, Garonne et Rhône. 

        Il y a aussi de bons petits vins de la Sioule et nos voyageurs n'y voient rien à redire, vraiment rien. Et moi je ne vois rien à redire à ce pélerinage à hauteur d'homme sinon qu'il a donné naissance à un joli bouquin, un bouquin chemineau, un bouquin de haies et de landes, un bouquin d'ampoules au pied et de lits fourragers. Un bouquin qui tord le cou au prétendu regard bovin, Charles Wright s'y entendant tout à fait à sympathiser avec limousines, aubrac et salers. 

16 septembre 2023

Pas de deux

Un pas

                  J'ai déjà souvent évoqué mon goût pour Edward Hopper. Je crois même l'avoir chanté. Le hasard, que je sollicite parfois à la bibliothèque de ma ville, ça consiste à prendre le premier roman, ou presque, qui vous tombe sous la main, m'a procuré une drôle de surprise. Pas si drôle en fait. Tout sauf drôle. Mais c'est un livre impressionnant que nous propose Javier Santiso, auteur d'origine espagnole qui écrit en français. Un pas de deux c'est, en stylo subjectif, la vie commune de Hopper avec sa femme, racontée par elle-même, Josephine. 

                Joséphine, elle-même peintre un  temps honorée, puis éclipsée, vivra des décennies avec Edward. Et ce ne sera pas facile tous les jours. Amants orageux. Mais il y a autre chose. Edward apparait comme colérique, presque méprisant, un personnage glacial, arctique, ce qui ne surprendra guère. Josephine, en fait, deviendra son modèle, quasi unique et exclusif, ce qui exclura aussi son propre talent. Et tout le roman, toute la narration de Joséphine (et de Javier Santiso), épouse en fait assez vite la vie du couple et la difficulté d'être. Tous les amateurs de Hopper, et je les crois nombreux, savent que ce n'est ni la truculence, ni la joie de vivre, qui inondent l'oeuvre du maître. Les années de bonheur auront été fugaces. Et bien rudes les décennies suivantes.

               Je trouve Un pas de deux assez fascinant et créant un vrai miracle. Ce livre ne retrace que le couple Edward-Josephine au long des jours. il semble que rien d'autre n'existe au monde. Hallucinante dissection que ces 240 pages durant lesquelles Josephine décrit son quotidien comme une spéléologue le gouffre où elle tente de survivre. Car c'est bien de survie qu'il s'agit tant l'acuité et la profondeur du regard de l'auteur sont saisissantes. Est-elle à peu près objective? La sinistrose qui nous guette devant les tableaux de Hopper est si prégnante qu'elle accompagne aussi le lecteur. Une petite dose de masochisme est requise, éventuellement, pour goûter cet ouvrage. Hopperien en diable depuis toujours, j'ai accueilli favorablement ce faux journal de Josephine.

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                      On se sent si mal à voir certains tableaux que c'en est une joie rare. Il semblerait que cela ait été le cas pour Josephine. Paradoxal et contradictoire, comme l'oeuvre du peintre, ce roman est une sorte d'exploit, qui laisse cependant exsangue. Josephine qui, il faut bien le dire, aurait été elle-même difficile, ombrageuse, jalouse ô combien. Qui des deux fut prisonnier de l'autre? Bon d'accord...match nul pour ce pas de deux, un vrai tango morbido. 

                     Notre chorégraphie pitoyable. Deux partenaires désajustés, l’un trop grand, l’autre trop petit, nos corps qui n’ont jamais réussi à s’imbriquer l’un dans l’autre, à s’ajuster aux creux, aux angles. Une vie à deux et seuls.

P.S. J'ai conscience de ne pas avoir été des plus clairs. Une minute de cabotinage peut-être. Reste le limpide, le catégorique:l'art d'Edward Hopper. 

 

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