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28 mai 2023

Un pont entre deux rives

pont

                           Ma chère Val La jument verte de Val a eu l'idée d'explorer un peu les prix Nobel de littérature. Comme elle a bien fait. Nous nous sommes décidés sur le cru 1961, Ivo Andric. Nous avons opté pour son roman le plus connu Le pont sur la Drina. J'ai été enthousiasmé à la lecture de ce bouquin choral (terme qu'on n'employait pas à l'époque) dont le personnage essentiel est justement ce pont. Peu de choses sont aussi compliquées que les Balkans. Elles le furent de tout temps. Encore maintenant l'ex-république de Bosnie-Herzégovine, jadis yougoslave, est divisée en fédération de Bosnie-Herzégovine et République serbe de Bosnie. Comprenne qui pourra. Mais le roman débute bien avant, à la fin du Moyen Age. C'est une chronique de quatre siècles qui court du XVIe siécle à 1914, date où cette région entra définitivement dans l'histoire, en sa capitale, Sarajevo. 

                          Visegrad, sur la Drina, une ville où cohabitent, pas si mal, chrétiens, juifs, musulmans de Turquie. Un pont vient d'être bâti, un pont destiné à durer, reliant les deux rives, Bosnie, Serbie, Orient, Occident. Plus qu'un symbole, une date. Le pont sur la Drina sera notre personnage principal, le héros de notre histoire. Sur lui, et en dessous, de part et d'autre, s'agiteront pendant 400 ans une foule d'hommes et de femmes, dignitaires, petits fonctionnaires, paysans, commerçants, militaires. Du tout venant, la vie dans une de ces bourgades, un endroit que de nos jours on peine encore à identifier précisément.

                         Le pont sur la Drina est à mon sens un livre majeur, pas toujours très simple vu la multitude de personnages au long de ces quatre siècles. Mais on a l'impression que le pont grouille de vie, de rencontres, de rendez-vous, de querelles. Les différentes confessions se titillent bien un peu mais dans l'ensemble les hommes et les femmes s'activent à y rendre l'existence somme toute acceptable. Et l'on finit par s'attacher à tous, les confondant parfois mais tout cela convient bien à ce melting pot bosno-serbo-croate, où pope, rabbin et hodja ne dédaignent pas de converser, souvent sur ce pont ou aux abords. A ce propos un petit lexique aurait été bienvenu.

                        Evidemment tant d'années en communauté ne vont pas sans frottements et les hommes ne progressent pas toujours, bien au contraire. Et c'est ainsi qu'après ce voyage dans le temps, en ces Balkans si méconnus, où l'on a vu vivre toute une humanité du mendiant au potentat local, du petit commerçant au modeste éventaire au gros propriétaire, de la toute jeune servante à sa patronne omnipotente, on en arrive au XXe siècle, un aboutissement, un tournant, une fin de quelque chose.  

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                 Ivo Andric a publié ce livre en 1945. On a cru après-guerre que la Yougoslavie naissante apaiserait la poudrière balkanique. On sait ce qu'il en est advenu. Dans ce Sud-est  européen si mal défini, si susceptible (Macédoine du Nord, Kosovo, etc.), ce roman fondateur nous aide à nous y retrouver. La complexité balkanique reste cependant rétive à nos réflexes occidentaux. Je suis bien sérieux là mais surtout Le pont sur la Drina est une formidable chronique d'un pays multiple, tragique et cocasse, parfois presque burlesque et parfois cruelle. A (re)découvrir, on quitte à regret le pont Mehmed Pacha Sokolovic, ce fabuleux ouvrage d'art achevé en 1577 et inscrit à l'UNESCO depuis 2007. Andric, bosniaque de naissance, croate par son origine et serbe par ses engagements, en est une parfaite synthèse. 

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19 mai 2023

Les lendemains du Sud

Des-hommes-en-devenir

                   Voilà un formidable recueil de nouvelles. Bruce Machart (Le sillage de l'oubli) est texan. Oui, je sais, pour les Texans. Mais les dix nouvelles de Des hommes en devenir sont parmi les plus fortes que j'aie parcourues depuis assez longtemps. Ce bouquin fait la part belle aux hommes. Enfin je veux dire par là que ce sont des hommes que l'on y rencontre, des hommes ordinaires qui conduisent leur pick-up ou transportent des grumes dans une Amérique laborieuse pas toujours très amène. 

                   Des hommes que le lecteur cueille au moment où leur existence, déjà un peu rude, un peu, disons moyenne, traverse une zone de turbulence, souvent liée à un drame. Les titres de ces nouvelles sont à ce sujet très évocateurs de passages, comme des épreuves, des tests pour ces hommes à la quarantaine peu sûre pour la plupart. Quelques-uns de ces titres: C'est là que vous commencez ou Parce qu'il ne peut pas ne pas se souvenir ou La seule chose agréable que j'ai entendue. Des expressions qui surprennent, donnant bien l'interrogation de ces hommes face au drame qui bouleverse leur vie. Et c'est diablement humain de partager ces doutes et ces affres avec des personnages bien plus éloignés des archétypes qu'on ne le pense en général. A croire qu'un Texan serait un être humain.

                Une séparation, la mort d'une épouse, un dramatique accident du travail dans une scierie et une vie bascule. L'homme est-il capable de rebondir, de cette fameuse résilience si en cour dans notre vocabulaire choisi? Cette dizaine d'hommes en perdition, mais malgré tout en devenir (Men in the making), ce sont aussi des hommes en construction, il n'y a pas d'âge pour grandir. Un chien écrasé, un chauffeur de taxi amené à transporter le corps d'un nouveau-né, un homme mûr qui prend conscience de son père âgé, les coups durs , les blessures de l'existence, les familles brisées. C'est magnifique de pudeur et d'humanité. 

                 Un théâtre lyonnais a adapté ces nouvelles il y a quelques années. Je crois que c'était une bonne idée. Le Sud est décidément pourvoyeur de talents, fussent-ils texans. J'ai un peu songé aussi à Russell Banks, voir au Steinbeck de Des souris et des hommes, mais cela n'est qu'un sentiment peut-être.  Les femmes ne sont pas des comparses dans Des hommes en devenir, il me faut le préciser., c'est l'époque qui veut ça.

                Un homme peut savoir quelque chose de bien des façons - il peut le savoir d'expérience, dans ses tripes, d'après le bruit du vent, d'après l'odeur des pins et de la voix qu'il entend parfois dans sa tête quand il prie - et de toutes ces différentes façons, je savais que le Rouquin se trompait, qu'il faudrait bien plus qu'une nuit de travail dehors, dans le froid, pour qu'il connaisse un peu d'apaisement. Et pourtant, je voulais y croire. Je voulais que cela  fût vrai, pour que tout fût terminé. Pour nous deux (extrait de Le dernier à être resté en Arkansas).

 

4 mai 2023

Pour Gordon le glas

                  La pluie du matin et la nuit pour Gordon Lightfoot...So long, folk music is here to stay... J'espère.🎸(1938-2023)

 

                   Evidemment ignoré en France, Gordon Lightfoot, c'était le genre de musicien, chanteur, songwriter, souvent dans l'ombre, mais auteur de centaines de chansons. Et je vous parie que, voyageant un peu, vous trouverez toujours à Dublin ou Rome, à Melbourne ou Tokyo, à Copenhague ou à Bratislava, sur une place quelconque, un folkeux jouant, souvent très bien, l'une de ses compositions. Et si Tin Pan Alley version folk vous agrée, vous avez sûrement écouté ou fredonné du Gordon Lightfoot sans même le savoir.

 

1 mai 2023

Une ébauche de solution

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          1942, lac de Wannsee, Berlin. Sous la présidence de Heydrich se tient la conférence qui devait officialiser le projet définitif du Reich concernant la déportation puis l'extermination. Le film, sobrement titré La conférence, est en fait en grande partie réalisé d'après le procès-verbal de cette réunion. Rien de spectaculaire. Sobre, La conférence de Matti Geschonnek n'en est que plus implacable. Une villa, une salle principalement, scrupuleusement reconstituée en studio, sur cette sorte de Riviera berlinoise, sera donc le cadre de cette réunion au sommet des abysses de l'humanité. Seules les rares scènes extérieures d'arrivée et de départ ont été tournées sur les lieux mêmes. 

          Le 20 janvier une quinzaine de hauts fonctionnaires du régime sont réunis pour ce que vous savez. La plupart sont des Herr Dr., titre courant dans l'Allemagne de cette époque. Ils ont un travail précis à définir et le temps presse, le Reich peinant sur le plan militaire. On ne quitte pas la salle de réunions, on est en plein "dossiers". Pas d'éructations, pas d'insultes, pas même le verbe haut. De la méthode avant toute chose, et surtout ne pas trop indisposer l'un ou l'autre des nombreux services civils et militaires du régime. Un certain Adolf Eichmann signera le procès-verbal officiel de ce qu'on peut considérer comme un sommet des abysses de l'humanité.

          La mise en scène reste donc très classique, les comédiens allemands tous inconnus ici sont remarquables de précision. La conférence, m'objectera-t-on, aurait plus sa place sur une plateforme ou une chaîne. Moi je pense que le cinéma doit accueillir aussi ce genre de films, même si en l'occurrence nous n'étions que trois lors de la séance. 

         

             

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