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BLOGART(LA COMTESSE)
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27 juillet 2023

Le six petits romans qui venaient du Nord

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               Je crois que Jens Peter Grondahl est vraiment un grand du Nord. Très attiré depuis toujours par Septentrion je viens de terminer ce recueil de six court romans, ne dit-on pas novelas ou peut-on encore parler de nouvelles? Je l'ignore mais les textes sont tous remarquables et, une fois n'est pas coutume, je vais revenir brièvement sur chacun, tant Grondahl sait sonder les coeurs et les reins avec des approches très différentes et toujours la même acuité. Celle qui m'avait tant plu avec notamment Quelle n'était pas ma joie et Les Portes de Fer.

               Les jours sont comme l'herbe reprend un thème approché dans Virginia, très court roman de Grondahl des année 2000. Une fraternité s'ébauche à la fin de la guerre entre un adolescent et un prisonnier allemand guère plus âgé. L'amitié n'aura pas le temps et la paix qui arrive est tout à fait capable, elle aussi, de broyer les êtres. 

               Villa Ada. Un autre ado, tout à fait contemporain Père danois, mère italienne, rejoint, probablement sincère d'une sincérité qui n'exclut pas un brin de démagogie, une sorte de mini ZAD dans un parc romain. Les parents se déchiraient avant. Puis pendant. Puis après. Se méfier des miroirs aux alouettes. Il en est de toutes sortes. Le scalpel de l'auteur est très convaincant. 

              Edith Wengler, la vie d'une grande actrice fictive, est une belle méditation sur le métier de comédienne, nantie de toute la mélancolie du temps, cet assassin en fuite. Dans sa gravité Edith Wengler parvient à rester un texte lumineux. 

              Je suis la mer, titre curieux pour l'enquête d'un policier sur la disparition d'un riche industriel. L'éternel "changer de vie", cet eldorado inaccessible, ne peut qu'émouvoir. 

              Hiverner en été, et Adieu abordent le thème du choix pour deux belles figures de femmes. Confrontées à différents dilemmes, la juge et la pasteure. Elles devront décider. Vertiges et tourments...Ces romanellas (c'est ainsi que j'ai décidé de les nommer) devraient faire mieux connaître J.C.Grondahl. De longues et douloureuses sonates. Bergman...Camus...

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23 juillet 2023

O sole mio selon la Sacher

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             Il a troqué son légendaire scooter pour une trottinette. Et que l'image est belle! Enfin un film que j'avais vraiment envie de voir. Ce n'est pas si fréquent. Nanni, après Tre piani, un choral qui m'a laissé sur ma faim, la première fois que Moretti me décevait, nous revient avec le délicieux Il sol dell'avvenire, qui pour moi entrera dans le cercle fermé du cinéma dans le cinéma réussi (La nuit américaine, Quinze jours ailleurs, Sunset Boulevard, Fedora et quelques autres). 

             Giovanni tourne un film dont l'action se passe en 1956. L'avenir radieux est celui envisagé par le PCI de Togliatti, c'est celui qui va brutalement se heurter aux images de Budapest. Pour la fête du quartier Ennio, le secrétaire local, un génial Silvio Orlando, vieux complice de Moretti, a fait venir une troupe de cirque de Hongrie, en toute fraternité entre faucille et marteau. Tout ce petit monde évolue dans une Italie qui se modernise, pas trop vite cependant. Clins d'oeil à mon Néoréalisme chéri mais on peut apprécier le film sans en être (du cénacle des inconditionnels). Le cirque Budapesti lorgne évidemment du côté de Fellini. Essayez de n'y pas trop penser, vous n'y arriverez pas. 

            Les command-cars envahissent Buda. On connait la suite et Prague suivra douze ans plus tard. Patatras sur la joyeuse ambiance qui régnait jusque là. Vera, compagne d'Ennio, dessille les yeux sur la glorieuse URSS. Ennio traîne les pieds. Et si le paradis n'était pas au delà du rideau? Remise en question. Moretti traite tout ça dans la bonne humeur. D'accord mais ça c'est dans le film qui se tourne dans le film. Tu segui? Ceci n'empêche jamais une réflexion toujours possible et en cela Moretti rejoint les Italiens historiques et aussi les chantres de la comédie italienne. Un sourire voile l'émotion et au spectateur de jouer son rôle. 

            Giovanni, bien sûr joué par Moretti, et son épouse Paola, bien sûr jouée par Margherita Buy, traversent une crise de couple avec psychanalyste, c'est dans le packaging. Et Giovanni va mal et voit les choses en noir. Enfin en noir clair. Rappelons ici les obsessions du Moretti usuel, son hypocondrie et ses interrogations alleniennes dans lesquelles le Trastevere aurait remplacé Manhattan. Je vous laisse à l'osmose entre le créateur Giovanni et son double Ennio non sans une pensée pour Federico et Marcello. Mais là je m'égare. Scusami. Je n'aurai garde d'oublier Pierre, producteur français du film en tournage, enthousiaste et défaillant, Mathieu Amalric assez hilarant. 

            Bref Vers un avenir radieux est un régal. Nanni Moretti a rameuté beaucoup de ses acteurs habituels très peu connus en France en un défilé de fanfares claironnant un futur rayonnant. Tout Nanni Moretti est dans ce film. Son pessimisme aussi, curieusement. Peu de metteurs en scène auront autant compté pour moi. C'est que nous nous sommes tant aimés. Andiamo! 

             

19 juillet 2023

Feux de Bengale

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         Que voilà une belle surprise. On m'a présenté et prêté un livre très original dont je n'avais jamais entendu parler. Pas plus que de l'auteur au nom de toute façon impossible à retenir. Un seul repère, le grand cinéaste indien Satyajit Ray a jadis adapté en un trilogie La complainte du sentier, dans les années cinquante. Bibhouti Bhoushan Banerji (1894-1950) est un auteur bengali, au nord-est de l'Inde, qui écrit en bengali. Issu d'un milieu très pauvre, ll passa son enfance dans un village du delta du Gange mais put faire néanmoins des études supérieures à Calcutta. Tantôt enseignant en milieu rural, tantôt exploitant forestier, il partagea sa vie entre Calcutta et sa région et l’État voisin du Bihar.

        Jeune diplômé sans le sou, Satyacharan, mainfestement un double de l'auteur, trouve un emploi de régisseur au fin fond du Bihar. Il a pour tache entre autres d'administrer ces territoires ruraux éloignés de tout, et de distribuer des terres raisonnablement au nom du gouvernement de New Delhi, là-bas loin vers l'Ouest, ce qui n'est pas une mince affaire. Calcutta lui manque puis assez vite Satya (faisons court avec les noms indiens) tombe sous le charme, sous les charmes de ce pays et de ces habitants dénués d'à peu près tout. Ce n'est pas pour cela un monde angélique, les castes étant ce qu'elles ont toujours été, les haines et les rancoeurs n'épargnent pas ces paysans, ces éleveurs, ces chasseurs, ces laissés pour compte du gigantesque sous-continent. Ecrit dans les années trente mais l'Inde, devenue le pays le plus peuplé du monde, est encore loin d'avoir exorcisé tous ses démons, de l'ignorance, de la grande pauvreté. 

         On parle au sujet de De la forêt de Thoreau bien évidemment, et comme d'un premier roman écologique. Je ne prise guère cette appellation. Mais ce roman nous dépayse considérablement, offrant des perspectives d'une richesse incomparable. Il faudrait citer des paragraphes entiers. 

         Une minute plus tard le faon s'approcha comme pour mieux me regarder. Son regardétait curieux et vif comme celui d'un enfant. Il serait peut-être venu encore plus près mais mon cheval tapa du pied et s'ébroua brusquement. Surpris, le faon disparut dans les fourrés pour porter la nouvelle à sa mère.

         Je restai un long moment assis sous les ombrages. Entre les branches j'apercevais l'eau de l'étang qui s'étendait en demi-lune jusqu'au pied des montagnes. Le ciel était d'un bleu sans nuage. Le peuple des oiseaux aquatiques était engagé en de longues disputes bruyantes. Une aigrette, sérieuse et avisée, postée sur une hauteur au bord de l'eau, manifestait son agacement par quelques cris soudains. Au sommet des arbres sur le rivage, des hérons ressemblaient de loin à des bousquets de fleurs blanches. 

         Peu à peu, le ciel de montagne se teinta de rouge.

         En face, la chaîne de montagnes prenait des teintes cuivrées. Les hérons s'envolèrent, toutes ailes déployées. La lumière se réfléchissait sur les plus hautes branches. 

         Les piaillements et pépiements augmentèrent, le parfum des fleurs sauvages se ft plus entêtant. Une senteur plus épaisse, plus sucrée. D'un peu plus loin, une mangouste, tête dressée, m'observait. 

         Quelle paix secrète! Quelle extraordinaire solitude! Cela faisait plus de trois heures que j'étais là, je n'avais rien entendu d'autre que le ramage des oiseaux, le léger crépitement des brindilles sous leurs pattes, le froissement d'une feuille sèche ou le craquement d'un rameau qui tombe. 

         Ce livre est une merveille pour qui veut ainsi quelques heures d'une escapade contemplative et rêveuse. L'auteur sait si bien saisir un frémissement animal, une fragrance exotique, une couleur indéfinissable. Mais Banerji fait preuve aussi d'une belle empathie pour le genre humain. Tous ces humbles parmi les humbles, un roi miséreux héritier d'une longue lignée devenu berger, un jardinier imaginatif qui amplifie ces décors fabuleux, un danseur facétieux qui vit de son art et qui demande si peu. La violence est bien là, sous-jacente, le tigre mangeur d'hommes n'est pas une légende, les buffles sauvages sont souvent très dangereux, le riz, bien cher, est hors de leur portée. Les chemins chevauchés sont parfois semés de rencontres douteuses.Quant à l'éducation et à la santé, les écoles sont bien rares et les hôpitaux bien loin.

         Seule lacune à ce bien beau récit-roman, l'absence d'un lexique zoologique et botanique. Hartit, hariyal, kullo, gurguri sont des oiseaux. Bakain, piyal, arjuna, saptaparna des arbres ou des fleurs grimpantes. J'aurais aimé voir des images. Après avoir lu De la forêt j'ai blogtrotté, un peu surpris par le nombre apparemment assez important de lecteurs. Un peu d'espoir.  

6 juillet 2023

Chapitres noeuds

Noeuds

            Captain le Bison, qui traîne pas mal dans des lieux inhospitaliers, m'a envoyé en mission à Terre-Neuve. Ce fut un peu rude à l'arrivée. Ce coin d'Atlantique Nord n'accueille pas avec des colliers de fleurs. Maudit Bison. Et puis j'ai apprécié le retour de Quoyle sur son île natale, venant de New York après la mort de sa femme, une garce, avec ses deux petites filles assez perturbées et une vieille tante. Quoyle est un poissard, un machanceux, un vrai. Il trouve un job de journaleux plus que de journaliste au Shipping News (c'est aussi le titre original du roman), habilement traduit en français par L'Eider cancaneur.

            Alors il y a des tempêtes, du rhum, des cuites, des querelles. Une histoire qui nous évoque Melville et Stevenson, ces modestes écrivains de marine. Annie Proulx (Brokeback Mountain) a obtenu le Pulitzer pour cette aventure un peu extrême qui reste néanmoins une comédie aux personnages pittoresques dans ce petit monde de pêcheurs, de chasseurs de phoques (sensibles s'abstenir) et de fonctionnaires détachés. Quoyle tente donc de refaire sa vie mais c'est plutôt un timide peu gracieux doublé d'un brave type un peu déphasé. 

           A Terre-Neuve on sent aussi les miasmes d'une certaine consanguinité. Proulx nous inciterait à penser que les gens y sont plus dégénérés qu'ailleurs. Doit-on y voir les conséquences  de l'insularité? Ou un mépris des continentaux canadiens? Plus enjoués, les noms des lieux de là-bas dont certains en français, résultat des campagnes des terre-neuvas de jadis, ça donne une certaine poésie. Gros Morne, Belle Isle, Port-aux-Basques, L'Anse-sans-Nom, Patte-de-Grappin, Port-Crachin. Et de sympathiques endroits, Naufrage, Petite-Désespérance. Si vous voulez on s'y retrouve pour quelque's) bière(s) au Nid du Grand Petrel. Vous comprenez maintenant pourquoi le Bison m'a conseillé ce pélerinage. Pour lequel il faut cependant un certain souffle. 

            A propos de souffle ça dépote pas mal dans Noeuds et dénouement. Ecoutez ce qu'en dit Annie Proulx. Vers minuit le vent souffla plein ouest et il entendit sa plainte se transformer en hurlement, un vent terrible dans le catalogue des vents. Un vent qui se rapprochait du Vent bleu du nord, du Blaast glacial et du Landlash. Un cousin du Bull's Eye, toujours annoncé par un petit nuage au centre rougeâtre, la belle-mère du Vinds-gnyr des sagas norvégiennes, des nordets qui soufflent trois jours durant sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre. un oncle du Williwaw de l'Alaska, et du Doinionn sauvage d'Irlande. La demi-soeur du Koshava chargée des neiges russes qu'elle pousse à l'assaut des plaines yougoslaves, du Steppenwind, et du violent Buran des plaines infinies de l'Asie Centrale, du Crivetz, des Viugas et des Purgas de Sibérie, et du féroce Myatel qui balaye la Russie du nord. Un frère de sang du Blizzard de la prairie, de cette clameur venue de l'Arctique canadien connue simplement sous le nom de Vent du nord, et du Pittarak qui fait fumer la banquise du Groenland. Un vent abominable, tranchant comme une lame d'acier.

            Sacré Bison! M'étonne pas que ça lui ait plu, tout ça. Passez donc le voir, munis d'une bonne écharpe. Voir L'Eider Cancaneur

 

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