O sole mio selon la Sacher
Il a troqué son légendaire scooter pour une trottinette. Et que l'image est belle! Enfin un film que j'avais vraiment envie de voir. Ce n'est pas si fréquent. Nanni, après Tre piani, un choral qui m'a laissé sur ma faim, la première fois que Moretti me décevait, nous revient avec le délicieux Il sol dell'avvenire, qui pour moi entrera dans le cercle fermé du cinéma dans le cinéma réussi (La nuit américaine, Quinze jours ailleurs, Sunset Boulevard, Fedora et quelques autres).
Giovanni tourne un film dont l'action se passe en 1956. L'avenir radieux est celui envisagé par le PCI de Togliatti, c'est celui qui va brutalement se heurter aux images de Budapest. Pour la fête du quartier Ennio, le secrétaire local, un génial Silvio Orlando, vieux complice de Moretti, a fait venir une troupe de cirque de Hongrie, en toute fraternité entre faucille et marteau. Tout ce petit monde évolue dans une Italie qui se modernise, pas trop vite cependant. Clins d'oeil à mon Néoréalisme chéri mais on peut apprécier le film sans en être (du cénacle des inconditionnels). Le cirque Budapesti lorgne évidemment du côté de Fellini. Essayez de n'y pas trop penser, vous n'y arriverez pas.
Les command-cars envahissent Buda. On connait la suite et Prague suivra douze ans plus tard. Patatras sur la joyeuse ambiance qui régnait jusque là. Vera, compagne d'Ennio, dessille les yeux sur la glorieuse URSS. Ennio traîne les pieds. Et si le paradis n'était pas au delà du rideau? Remise en question. Moretti traite tout ça dans la bonne humeur. D'accord mais ça c'est dans le film qui se tourne dans le film. Tu segui? Ceci n'empêche jamais une réflexion toujours possible et en cela Moretti rejoint les Italiens historiques et aussi les chantres de la comédie italienne. Un sourire voile l'émotion et au spectateur de jouer son rôle.
Giovanni, bien sûr joué par Moretti, et son épouse Paola, bien sûr jouée par Margherita Buy, traversent une crise de couple avec psychanalyste, c'est dans le packaging. Et Giovanni va mal et voit les choses en noir. Enfin en noir clair. Rappelons ici les obsessions du Moretti usuel, son hypocondrie et ses interrogations alleniennes dans lesquelles le Trastevere aurait remplacé Manhattan. Je vous laisse à l'osmose entre le créateur Giovanni et son double Ennio non sans une pensée pour Federico et Marcello. Mais là je m'égare. Scusami. Je n'aurai garde d'oublier Pierre, producteur français du film en tournage, enthousiaste et défaillant, Mathieu Amalric assez hilarant.
Bref Vers un avenir radieux est un régal. Nanni Moretti a rameuté beaucoup de ses acteurs habituels très peu connus en France en un défilé de fanfares claironnant un futur rayonnant. Tout Nanni Moretti est dans ce film. Son pessimisme aussi, curieusement. Peu de metteurs en scène auront autant compté pour moi. C'est que nous nous sommes tant aimés. Andiamo!