Au plaisir de lire, Jean d'O.
Au risque de me répéter, ce qui arrive parfois, cet homme là ne m'a jamais ennuyé. Et croyez-moi, peu de gens peuvent en dire autant, et je ne parle pas là uniquement des écrivains. Beaucoup, et non des moindres parfois, y compris du côté vie privée m'ont parfois cassé les pieds. Mais ça c'est une autre histoire. Papy Jean, rétabli, imagine avec coquetterie, le contraire m'eût étonné, son propre procès. Face à un juge nommé MOI il se défend sous le beau nom de MOI. Et c'est parti pour 462 pages à la Jean d'O. Prétentieuses et insupportables pour certains, somptueuses et géniales pour moi avec un soupçon d'irritation car il m'irrite un peu de temps en temps avec son carnet d'adresses tant passées que présentes voire futures. Car s'il ne m'ennuie jamais il me renvoie quelquefois à mon abyssale ignorance, ceci sous couvert de la soi-disante sienne, d'ignorance.
Alors on croise du monde bien sûr et fleurissent quelques citations, Apollinaire, Aragon dont Je dirai malgré tout que cette vie fut belle fournit le titre du livre dans la lignée des derniers ouvrages de l'académicien. Bon, je sais que le côté bottin mondain et délices méditerranéens indispose certains. O.K. mon Papy Jean est un cabotin, un brin T.V.addict, charmeur de ces dames au demeurant, ce qui n'a rien pour me déplaire. Mais à l'heure où tant d'histrions plastronnent malgré le vide sidéral de leurs hémisphères cérébelleux, les exemples abondent, au moins avec d'Ormesson il en reste derrière le plastron. D'abord une culture prodigieuse assez classique mais depuis quand est-ce une tare? Parfois le name dropping pèse un peu mais partout le goût du désir, l'appétance des beautés de toutes sortes, la splendeur des criques et le bruit des skis font bellement saliver. Bien sûr lui a connu ça avant que la piste des Gentianes ne ressemble à Châtelet et que le voisin de palier ne dîne à la même trattoria que vous à Positano.
On taxe souvent Jean de légèreté mais j'aimerais que bien des auteurs fassent preuve d'autant d'esprit et de répartie. Intarissable aussi sur le cosmos et l'univers, moi qui, galaxiquement parlant, suis du niveau de la moule de rocher. Hideuse écrivaillerie réactionnaire, si indigne de la Pléiade, certains sont capables de penser ça, pas beaucoup, je crois, et puis après tout j'arrête là. Ce grand monsieur plein de défauts est un bel écrivain et se défend très bien tout seul.