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21 août 2023

Isola Ultima

Pantelleria

           Ce petit livre de 130 pages est une merveille. J'avais apprécié Borgo Vecchio, un roman du même Giosué Calaciura, qui nous immergeait dans une Sicile actuelle loin des touristes. Pantelleria est une île suspendue entre Europe et Afrique. Ce n'est pas Lampedusa. En fait L'île qui n'était pas là et qui a émergé, L'île sans plages (ce sont les titres de deux des chapitres), et là je vais me contredire, n'échappe plus tout à fait au surtourisme, nouvelle plaie de l'art de voyager. C'est vrai, ça, tous ces gens qui sont dans le bus avec moi, ou font la queue devant les Offices en même temps. Y en a même devant moi dans la file. Impudence.

         Sting, Madonna et autres Depardieu ont depuis longtemps plus ou moins squatté ici, version cinq étoiles. Là n'est pas l'important. Giosué Calaciura n'aurait-il écrit que cet opuscule sidérant de beauté et de poésie qu'il serait déjà au firmament des grands poètes du Sud. Tellurique et volcanique, mêlant l'histoire inassouvie de cette île aux noms multiples et sa géographie tortueuse et inquiétante, sa prose nous transporte, en format presque guide touristique, dans cette anomalie curieuse et obstinée qu'est Pantelleria. Sa précision n'exclut ni l'humour ni la fantaisie. Mais de cela Calaciura vous parlera mieux que moi. 

         L'auteur pousse le jeu jusqu'à à peine traduire quelques termes vernaculaires qu'il nous faudra deviner au fil du livre. Et je trouve cela bien joli, dammusi, sesi, garche, buvire, sardara. Le livre est de lave et d'obsidienne, de sirocco et de mistral, de figues de câpres. Et vous saurez tout sur le zibibbo, ce raisin très particulier qui donne un liquoreux qui a ses adeptes. 

         Aux oliviers Biancolilla, rebelles par exubérance chlorophyllienne, revêches et capricieux au point que même les cisailles ne peuvent leur enseigner la règle et la disicipline, les Pantesques imposent, encore une fois, la pierre, attachée à la branche par une corde, comme une bride, afin qu'ils apprennent à baisser la tête jusqu'au sol. Mais c'est par pitié que les paysans imposentce joug aux oliviers, sans quoi les vents arracheraient tous les fruits et toutes les feuilles sur les branches.

         Gabriel Garcia Marquez, débarquant dans l'île en 1969, vit dans Pantelleria une réminiscence de son Macondo de Cent ans de solitude, Et Calaciura la raconte ainsi. "Mais où m'ont-ils amené?" Avant même d'atterrir, durant les tournoiements de vautour de l'avion, il avait, à travers le hublot, vu l'île comme un animal préhistorique émergé des marécages de soufre des abysses pour venir prendre une bouffée d'air, recouvert des fossiles des parasites et des sédiments calcaires des millénaires, prêt à retourner dans ses fonds sous-marins bouillonnants. Pantelleria lui sembla sans erreur possible être Macondo, avec le fait aggravant d'être entourée d'eau, isolée de tous les itinéraires reproductibles de la modernité des hommes, égarée entre des océans de volcans dont l'activité laisse des germes d'éruption en forme d'îles mouvantes en longitude et latitude, avec cette faculté propre aux cétacés d'émerger, de replonger et d'émerger encore, selon un projet d'une clarté terrifiante. 

        La prose de Giosué Calaciura ressemble elle aussi à Pantelleria en toute splendeur. Un peu dantesque sinon pantesque, fantasque et fantastique, Moby Dick littéraire, 130 pages de très haute volée qui laissent un sillage fuégien en Méditerranée. Ulysse aurait pu y séjourner. Moi, je dis que c'est le cas. 

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Commentaires
V
Je viens d'en finir la lecture. Pour moi aussi, cela a fonctionné. <br /> <br /> Merci Claude. A bientôt.
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E
A Luocine...Tu as tout à fait raison et j'ai déjà eu des monuments d'ennui qualifiés de poétiques que j'ai abndonnés sur la route. Mais là, pour moi ça a fonctionné. Merci.
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L
Malgré ce bel enthousiasme, je méfier un peu des livres dont l'écriture est qualifiée de poétique. Il faut une certaine adhésion. J'ai aimé le premier passage un peu moins le deuxième.
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V
Hello Claude.<br /> <br /> Une île inspirante. Qu'est-ce que c'est bien écrit ! Quelle poésie !<br /> <br /> A bientôt.
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