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BLOGART(LA COMTESSE)

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7 janvier 2015

Les modestes d'Erin

 champs bleus

                                  Quelles belles nouvelles que ces huit textes issus du recueil A travers les champs bleus. Huit destins, huit histoires au coeur de l'Irlande, sauf une au Texas. Il est patent que la plupart des nouvellistes irlandais n'oublient jamais leur référence américaine historique. Des gens modestes vivent devant nous, mais pourquoi les gens modestes n'auraient-ils pas droit au tourment? Claire Keegan sait bien nous exposer leur quotidien de solitude, entre le bétail et l'église, entre les fautes avouées et le pli des regrets. C'est que la sacro-sainte tradition, si elle parfois un peu de bon, a surtout beaucoup de mauvais. Et les gangues patriarcales ou religieuses du pays ne cèdent que très doucement.

                                         Il y a ainsi des hommes cloués à leur glèbe et harassés de fatigue que seul le pub déride un peu. Des femmes que trouble le regard d'un prêtre. Plus rare, une écrivaine en résidence dans la maison du grand auteur allemand Heinrich Böll. Une curieuse empathie d'un paysan tourbier avec une chèvre nommée Josephine. Ce livre se penche bien évidemment sur les femmes d'Irlande, dans la lignée de la grande Nuala O'Faolain. Des femmes qui, parfois au sens propre, animal, marquent leur territoire. Souvent des gens de peu, accrochés à la simple idée de vivre, la nature y est proche, sans idéal. Des groseilliers, un agneau traverse un bout de champ, là-haut les étoiles. Et, lourd, le labeur, à peine des réminiscences de guerre civile, et là on se prend à imaginer que peut-être un jour de cela on ne parlera presque plus. Et dansent les Irlandais, bien que le pays ait changé depuis car ces nouvelles évoquent plutôt les années 70.

                                        Dans un recueil de nouvelles ce que j'apprécie toujours c'est que certaines ne trouvent pas le chemin de notre coeur. Et c'est très bien ainsi, conférant à l'ouvrage une diversité que le roman ne permet guère. Je confesserai une préférence pour Près du bord de l'eau, où un jeune étudiant texan prend difficilement ses distances avec sa famille. C'est dire que l'irlanditude ne quitte pas les exilés de sitôt, même au coeur d'un business-state tel que le grand état du Sud américain.

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5 janvier 2015

Quelques films de la fin 2014

                              Quelques mots, subreptices, sur les derniers films vus en salle en 2014.L'excellent Mr. Turner de Mike Leigh, un peu long comme toujours chez Leigh, nous décrit le grand peintre anglais tout à la fois atrabilaire, misanthrope et désintéressé. Sa vie quotidienne n'a rien d'exaltant et Leigh ne nous livre pas vraiment le secret de son oeuvre. Néanmoins ces croquis d'une vie d'artiste à l'anglaise au milieu du XIXème nous entraînent aisément. Cet étonnant acteur, Timothy Spall, au physique assez particulier digne de l'univers romanesque d'un Mervyn Peake, n'y est pas pour rien et emporte la partie haut la main. Prix d'interprétation à Cannes. Et puis ça incite à voir les toiles de Turner, n'est-ce pas l'essentiel.

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                             Un débat, très disputé, sur le film Marie Heurtin, de Jean-Pierre Ameris, a conclu une soirée de décembre. Ce beau film, simple et honnête, rayonne, palpite et force l'adhésion d'un public heureux. Vers les années 1890, à l'Institut Larnay, dans le Poitou, les religieuses prennent en charge Marie, jeune sourde aveugle. Ce film est une leçon de vie jamais doloriste, ni confite en dévotion. Isabelle Carré en Soeur Marguerite et la jeune Ariana Rivoire, elle-même sourde, sont toutes deux lumineuses. Lors de la discussion les échanges furent assez vifs de la part des sourds et malvoyants présents, concernant les techniques encore quasiment absentes d'audio-description dans les salles obscures. Un moment de partage très enrichissant entre référence à Helen Keller et thèmes du handicap, déjà évoqués quelques jours avant avec le joli film brésilien Au premier regard, de Daniel Ribeiro, sur les amours d'un jeune étudiant aveugle, tout en légèreté et finesse.

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                               A mille lieues le polar américain du cinéaste belge Michael Roskam The drop (Le dépôt, stupidement appelé en français Quand vient la nuit) semble sorti de l'univers urbain de James Gray. Il se passe d'ailleurs à Brooklyn. Adapté d'un texte court de Dennis Lehane, à moins que celui ci n'ait réalisé une novelisation de son propre scénario, servi par des acteurs remarquables de vérité, le film vaut essentiellement par cette ambiance "ukrainienne" de ce quartier de New York et des personnages ordinaires crédibles. Ici guère de parrain prestigieux, une besogneuse mafia tchétchène quand même, peu d'action car on ne quitte pas beaucoup le bar Cousin Marv's, où officient le patron, enfin disons le gérant James Gandolfini (ultime rôle) et son employé Tom Hardy. Brooklyn n'est pas Manhattan ni le Bronx mais a son identité solidement entretenue par le cinéma.

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3 janvier 2015

Les plumes...by Asphodèle: Au delà de cette limite votre ticket n'est plus valable

Les plumes

                                                                  En cet an neuf Asphodèle nous propose la cueillette suivante composée de 21 mots: horizon-nature-ciel-échelle-fatigue-grimper-cabane-rideau-créneau-éden-montagne-étagère-fièvre-transcender-panne-épuiser-oeufs-cheval-ravissement-remontant-rythme.

                                         Je n'avais vraiment pas beaucoup d'imagination cette semaine, comme un goût de ramollo. J'ai failli m'abstenir. Mais j'avais déjà renoncé la fois précédente. Mauvais coton. Alors m'est venue l'idée d'exploiter d'une autre manière cette baisse de forme, dans un texte de pure fiction,cela va sans dire. Le titre est celui d'un roman de Romain Gary qui abordait le sujet.

 

                                         Certes il en avait vu grimper au rideaux, mais cela faisait longtemps. Depuis le septième ciel s'était progressivement éloigné, le rythme étant allé décroissant sur l'échelle d'Eros et les pannes s'étant multipliées. Même le remontant bleu s'était avéré impuissant et les choses furent bientôt de nature à friser le calme plat et l'horizon zéro. Les montagnes se firent alors collines, le Sévillan sentit la fatigue faire le siège de ses centres névralgiques et comprit qu'un impératif commandeur régirait dorénavant ses fièvres vespérales, qu'il n'épuiserait plus les Elvire de son âge mûr. Les ravissements seraient maintenant de l'ordre du plaisir des yeux. L'heure était venue peut-être, d'un feuillet de poésie sur une étagère, d'une paisible promenade le long du Guadalquivir, où, descendant de cheval, près de la cabane des bergers qui grillaient des oeufs sur la rive, et se mirant dans le fleuve, Don Juan comprendrait enfin que les douceurs de l'Eden ne passaient pas forcément par les pleurs des femmes. Le temps, ce spadassin expéditif, consentirait-il à se mettre au petit trot pour lui laisser transcender son incurie et lui permettre d'autres voies, plus spirituelles, pour monter au créneau?

                                         

1 janvier 2015

Heureuse Année

                                                                        L'un des plus beaux films du monde raconte un réveillon du début du siècle. Quand je parle du siècle je veux dire le XXème. J'ai dit mille fois mon admiration pour ce film. Un crépuscule, une aube. A l'heure où ce blog pourrait bien ralentir je voudrais souhaiter à toutes et à tous le meilleur pour l'an naissant.

30 décembre 2014

Armageddon Rag (Full metal planet)

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                                         J'ai sacrifié au culte George R.R.Martin non pas avec Game of Thrones mais avec ce thriller rockapocalyptique que m'a très gentiment envoyé une blogueuse anonyme qui lit en commun avec moi régulièrement et qui très hippophile aime aussi beaucoup Marcel Aymé. Armageddon Rag, petit pavé de 583 pages, certains en parlent comme d'une bible. Mais Mr.Martin n'est ni Tolkien ni Stephen King, grandes figures tutélaires qui semblent planer au-dessus de  ce roman tels le faucon immense et maléfique des cauchemars, nombreux, de Sandy Blair, écrivain qui couvre la campagne de reformation des Nazgul, groupe de hard-rock dont le chanteur est mort abattu en plein concert au Nouveau-Mexique. C'était en 1971. Dix ans après c'est leur ancien manager qui est victime d'un meurtre satanique.

                                         Sandy Blair, romancier en panne, enquête et voit ressurgir les vieux démons d'un activisme politique ultradémago en fait et surtout ultrahalluciné. Came à tous les stades, donc banal à, pleurer, George R.R. Martin n'y va pas avec le dos de la petite cuiller. Loin de moi l'idée de faire du monde du rock une asso de premiers communiants, mais Armageddon Rag perd rapidement toute mesure et par là même toute raison d'être. Et de ce roman de mes vingt ans, que Martin a conduit à feu et à sang comme un véhicule de science-fiction totalement incontrôlable, je ne retiendrai que les titres des chapitres, tous empruntés aux meilleurs morceaux rock ou folk de la jonction fin sixties début seventies. Ce livre est un barnum qui mélange tout, ruine millénariste, vagues réminiscences des années-fleurs, pacifisme très peu pacifique, somme toute, j'ose le dire, des choses qui ne m'ont guère passionné. C'est ma pauvre blogueuse anonyme qui risque d'être verte de déception.

                                     Libre à vous de vous arracher les tripes sous les soixantièmes rugissants de décibels zébrés de rage et de tonnerre. Et l'impression que George R.R.Martin est plutôt un faiseur. J'ai beaucoup lu sur le rock, bien que ce rock lorgnant vers le métal (ça pour être métallique, le roman l'est, de fer et d'acier et d'airain) ne soit pas le mien. J'en ai surtout tant écouté, et je continue. Et je rêve à un grand roman sur cette musique, qui ne serait pas une suite obscure de descentes aux enfers sur fond binaire explosif, culminant en une bataille d'Armageddon hiroshimesque, à faire passer Altamont pour un goûter champêtre, mais une vraie saga sur cette révolution que furent ce style musical et ses innombrables dérivés. Y a quelqu'un qui m'a dit que, publié en 83, Armageddon Rag pouvait être considéré comme une oeuvre de jeunesse, et que partant de là il ne fallait pas trop vite dévisser Martin de son trône. Dont acte. 

                                    J'oubliais le principal, la dédicace de ce livre. Et là je m'incline et signe avec empressement. Vous pouvez taper là dedans au hasard, sorte de bande originale idéale, j'en réponds sur le souvenir de mon premier accord barré, tant j'ai aimé ces gens-là.

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22 décembre 2014

Mort d'un plombier

                                         Je l'ai déjà écrit, je déteste que partent les gens de Woodstock. Salut à ce vieux Joe, le rauque et rude rugueux prolo de Sheffield, l'homme qui a mené sa carrière uniquement à base de reprises. Mais alors quelles reprises!  Et ce jeu de scène un peu parkinsonien. Partout ailleurs on vous proposera With a little help of my friends ou You can leave your hat on. Ici ce sera High time we went.

19 décembre 2014

Le cinéma, mon vélo et moi/5/ Presque le bonheur

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                                                                                   Presque le bonheur, en tout cas pas longtemps. Prévert et Carné donnent à Gabin un court répit dans le très sombre et très beau Le jour se lève. Fin des années trente, le désespoir se porte bien. Marqué par la fatalité, le cinéma du réalisme poétique. Un film sur deux du fameux tandem comporte un suicide.

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17 décembre 2014

Barocco

Sorentino

                                      J'ai lu sur ce roman des critiques très favorables et je les trouve exagérées. Mais c'est un roman foisonnant qui recèle des moments vraiment excellents. Tony Pagoda, crooner napolitain plus de toute première fraîcheur, traîne son ennui chronique malgré le succès. Le succès, bon, c'est pas Sinatra non plus. Son couple en est à l'heure zéro, multicocaïné Tony ne rebondit plus guère, sex addict doucement en voie de garage, le latin lover sur le retour file un mauvais coton. Lire tout ça n'est pas le plus intéressant du livre. Mais Ils ont tous raison se sauve par une rage, une rage vacharde d'humour, une férocité qui apparaissait déjà chez le Sorrentino cinéaste de La grande bellezza, cette oeuvre protéiforme et comme enfantée par Fellini et Moretti.

                                      Tony Pagoda finit par jeter l'éponge et se retrouve au Brésil où il vivra dix-huit ans, en ce pays de démesure. Manaus, Amazonie, capitale mondiale du cafard mais alors du cafard XXL, du cafard de prestige, du cafard de très haute volée. Quand il raconte ses démêlés avec l'insecte géant, on le sent admiratif, le Tony. Et puis c'est un sacré conteur, le gars, une rencontre avec Sinatra qui tourne court entre deux plus qu'éméchés, une extraordinaire scène à l'opéra de la jungle, digne du Fitzcarraldo de Werner Herzog, une bagarre homérique dans un bouge d'une favela, le comble du snobisme pour un monstre sacré de l'art lyrique dont il fait la connaissance. Tout ça sur fond d'overdose tant sexe que drogue à tel point que j'ai un peu une overdose d'overdoses. Lassant.

                                      Sur le plan littéraire quelques trouvailles "Un jour, on n'est plus que le lumignon de soi-même". Quelle clairvoyance. Tony s'égare parfois dans les confidences qu'il nous fait, sur sa famille et ses amis musiciens. Hilarantes les relations entre un cousin avocat plus qu'obèse et bourré d'angoisses et son beau-frère magistrat proche du nabot et bourré, lui, de complexes. Paolo Sorrentino et sa créature Tony Pagoda ont de la famille à l'italienne une conception très particulière.  Alors, vieux cinéphiles que nous sommes, on pense aux Monstres, à Affreux, sales et méchants, à ces films délicieux et arbitraires, géniaux et dérisoires, si proches malgré les Alpes qui n'ont jamais empêché chez moi une italianité qui revendique le droit, aussi, au mauvais goût, et un soupçon de misanthropie, moins cependant que dans l'extrait suivant:

                                     "Tout ce que je ne supporte pas a un nom.(...) Je ne supporte pas les joueurs de billard, les indécis, les non-fumeurs, les imbéciles heureux qui te répondent "pas de souci", les snobinards qui pratiquent l'imparfait du subjonctif, ceux qui trouvent tout "craquant", "trop chou" ou "juste énorme", ceux qui répètent "c'est clair" pour mieux t'embrouiller (...), les fils à papa, les fils de famille, les enfants de la balle, les enfants des autres (...), les tragiques, les nonchalants, les insécures (...), les gagnants, les avares, les geignards et tous ceux qui lient facilement connaissance (...).Je ne supporte rien ni personne. Ni moi. Surtout pas moi. Je ne supporte qu'une chose.La nuance."

                                       Quant à Tony Pagoda, finira-t-il par se laisser convaincre d'un retour au pays natal,ça le mènerait vers une Italie où les monstres et les histrions sont bien plus dangereux que ceux des films de Dino Risi? E pericoloso..., et ça, le Napolitain Paolo Sorrentino le sait mieux que quiconque.

11 décembre 2014

La poésie du jeudi, Anatole France

Poésie du jeudi 

                                       Extrait du recueil Poèmes dorés,un sonnet de facture très classique. Triste sort de ce gallinacé. Dans ce même ouvrage plutôt bucolique, Les cerfs, Les sapins,Le chêne abandonné.

La perdrix

Hélas ! celle qui, jeune en la belle saison,

Causa dans les blés verts une ardente querelle

Et suivit le vainqueur ensanglanté pour elle,

La compagne au bon cœur qui bâtit la maison

 

Et nourrit les petits aux jours de la moisson,

Vois : les chiens ont forcé sa retraite infidèle.

C'est en vain qu'elle fuit dans l'air à tire-d'aile,

Le plomb fait dans sa chair passer le grand frisson.

LES

Son sang pur de couveuse à la chaleur divine

Sur son corps déchiré mouille sa plume fine.

Elle tournoie et tombe entre les joncs épais.

 

Dans les joncs, à l'abri de l'épagneul qui flaire,

Triste, s'enveloppant de silence et de paix,

Ayant fini d'aimer, elle meurt sans colère.

Anatole France (1844-1924, Poèmes dorés)

9 décembre 2014

B.D.Blues

Love in vain

                                           Je l'ai déjà dit, je lis peu de B.D. Mais celle-là pas question de la rater, vous pensez bien. J'ai mis longtemps avant de l'obtenir d'une petite librairie indé, j'ai patienté tant pour la libraire que pour moi, étant donné que j'ai presque renoncé à ces commandes d'un clic que je n'ai que trop utilisées. Mais quel bel album, tant le fond que la forme me ravissent. Mezzo et Dupont nous livrent un objet d'art d'une incroyable beauté plastique qui mérite de plaire bien au-delà des amateurs de blues et de l'histoire de Tin Pan Alley dont vous savez l'importance qu'elle a pour moi.

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                                               Robert Johnson (1911-1938) fut l'un des premiers météores de la musique américaine qui me préoccupe depuis toujours. Love in vain est le titre d'une de ses plus célèbres chansons (merci aux Stones et à Clapton).  Plongée en noir et blanc dans le Mississippi des années trente, les cadres très cinématographiques  nous jettent sur les routes souvent brutales de ce Sud aux accents à peine sortis de l'esclavage et de la sécession. Venez avec moi dans ces bastringues, ces juke joints, ces honky tonk témoins de la genèse de ces blues historiques qui en général n'ont rapporté que des horions et quelques cuites à leurs auteurs. Méfiez-vous, vous avez certainement entendu parler de certains carrefours, de ces Crossroads où le diable recrute des musiciens. Tous ces bluesmen, c'est sûr, ont peu à voir avec les anges du ciel même s'ils prennent souvent God à témoin. Robert Johnson à très peu enregistré. A défaut de Lucifer un mari jaloux lui aura probablement administré un bouillon de 11 heures à base de poisson-chat faisandé sorti d'un grigri bag des bayous, vous savez, ces délices cajuns à vous expédier ad patres.

                                               Gommeux, nanti de son costume rayé, Robert Johnson pique aux plus vieux que lui un riff ici, un arpège là, avant d'être lui-même pillé puis oublié jusqu'à ce que des gamins de la vieille Angleterre ne déterrent moralement son cadavre pour le porter aux nues. Jeu, alcool, cocaïne, coups et blessures, voies de fait sur les femmes, ces gars là étaient des voyous, mais capables de vous faire tutoyer les étoiles. Love in vain, l'album, est un incunable à peine sorti des presses. Quoi, vous n'êtes guère porté sur les douze mesures I-IV-V? Cet album est quand même pour vous, comme un doc historique, une passionnante virée dans l'Amérique encore rurale, souvent teigneuse et prompte à tresser une corde dès qu'il y a un bel arbre assez résistant.

 

                                                Une chose encore, quelques chansons ont leurs paroles et leur traduction transcrites à la fin du livre, chacune illustrée par une planche grand format. Dont Love in vain que je vous propose aussi. Somptueux.

7 décembre 2014

Taylor et les haricots magiques

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                                          Le plaisir est trimestriel avec Valentyne, celui de commenter une lecture commune. Nous avions choisi le premier livre de Brabara Kingsolver, L'arbre aux haricots, paru aux U.S.A. en 1988. L’arbre aux haricots – Barbara Kingsolver Trois états américains constituent notre périple avec Taylor Greer qui ne tient pas à finir ses jours dans ce coin paumé du Kentucky et qui décide de mettre cap à l'ouest si sa vieille guimbarde veut bien y mettre un peu du sien. Taylor n'est d'ailleurs pas son prénom mais quitte à changer de vie...

                                         Sur un parking d'un motel d'Oklahoma, et là on mesure la poésie des lieux, une femme dépose dans la voiture de Taylor une toute petite fille indienne et disparaît.Taylor ne condamne pas cette femme, acculée probablement à l'irrémédiable, car la petite est en piteux état, et il faudra du temps pour que cette enfant qu'elle a prénommée Turtle s'éveille. Et c'est en Arizona qu'elle rencontre Lou Ann, jeune maman elle aussi et dont le mari Angel vient de partir. Deux solitudes vont ainsi s'épauler et c'est le sens premier de ce chemin commun, deux volontés, deux mères, deux femmes pour un roman peu pourvu sur le plan masculin. A croire que Barbara Kingsolver l'a voulu ainsi.

                                         Mais j'exagère, à travers le symbole de L'arbre aux haricots de ce coin du Sud brûlant, l'auteur donne comme une belle leçon plutôt optimiste, un brin forcée quant à moi, mais bien sympathique. Lou Ann et Taylor savent se battre contre les conventions et les préjugés et avec l'aide d'un couple de réfugiés guatémaltèques, Estevan et Esperanza  et de la brave Mattie, garagiste de son état et qui rechape les pneus plus vite que son ombre. Nécessité dans ces bleds où les voitures sont souvent loin de satisfaire au contrôle technique. A ainsi empoigner la vie le sort des deux familles s'améliore et même l'administration semble coopérer quant à l'adoption de Turtle. Et à cette petite on découvre un don pour la botanique et le vocabulaire.En bref j'ai trouvé à cet Arbre aux haricots un vrai charme, une récréation un tout petit peu appliquée, mais à l'ombre duquel on passe un heureux moment de lecture.

P.S. Merci à Asphodèle pour la PAL en selle, nouvelle bannière.  

5 décembre 2014

Automne meurtrier dans l'archipel

Constellation d'Adrien Bosc

                                   En partenariat avec Price Minister que je remercie, une belle lecture que cette sorte de musique de chambre, discrète et concrète, sur le destin foudroyé de 48 personnes parmi lesquelles et seulement parmi lesquelles Marcel Cerdan et la pianiste célèbre Ginette Neveu. Adrien Bosc, récompensé par différents prix, je ne suis pas ça de trop près, alterne la dramatique trajectoire du tout récent Lockheed Constellation F-BAZN d'Orly aux Açores, en cette fin octobre 1949, et des éléments disparates qui ont amené les 37 passagers à prendre ce vol. C'était un temps où l'on ne volait pas encore si souvent, à moins d'être un pro ou une star, aussi l'auteur met-il presque au même niveau les modestes bergers basques et le sportif adulé, l'homme d'affaires fortuné et la jeune fille dépressive. Il n'est de vrai que la vie, la vie de chacun.

                                   Dans Constellation l'auteur a su très bien saisir cette époque et collecter les hasards de la vie, la vie au petit bonheur la chance, celle d'une petite bobineuse de Mulhouse brusquement héritière industrielle à Detroit. Celle aussi d'un important collaborateur de Walt Disney qui fut en quelque sorte l'inventeur du merchandising. La Roche Tarpéienne est décidément bien proche du Capitole. Adrien Bosc a tenu à se rendre sur le Mont Redondo, qui plus est  à la date anniversaire précise de la catastrophe. Cela donne un récit qu'on pourrait qualifier de choral si l'adjectif n'était parfois galvaudé.

                                   Et puis il y a les faits, techniques, précis dans toute leur sécheresse, climatologique, mathématique. Sans s'apesantir et en quelques 200 pages voilà un auteur qui a su m'investir dans cette histoire tragique, par ailleurs banale et que résument bien ces quelques lignes dès la deuxième ou troisième page: "Sur le carreau, les deux jeunes époux, Edith et Philip Newton, de retour de leur lune de miel, faisaient les frais de la priorité de la célébrité..." Décidément la vie ne vaut rien même si rien ne vaut la vie. Parfois tenant du dérisoire comme de l'essentiel, de l'anecdotique comme du fondamental, Constellation est un très bon roman où rien n'est grandiose mais où tout est vital.

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4 décembre 2014

Je tiens à ce que vous sachiez que je n'ai pas grand-chose à dire

                               Trois lignes sur quelques heures d'ennui. Jim Harrison, objet d'un culte ici en France que j'ai souvent trouvé exagéré, m'a deux fois pesé lors des deux novellas de Nageur de rivière. Ni le sexagénaire sur le retour près de sa soeur et de sa mère, ni ce jeune homme si bon nageur mais qui m'a semblé brasser du vent ne m'ont intéressé. Je laisse ce vieux Jim à ses lauriers.

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                              Ismet Prcic, Bosniaque émigré en Amérique, est loin de m'avoir fait rêver avec California dream. Le Point en écrivait ceci, tenez-vous bien, "Fougueux comme un film de Kusturica, inventif comme le Philip Roth de la grande époque et déchirant comme une complainte de Tom Waits". Grand emballement aussi outre-Atlantique. Quant à moi je l'ai lu cet été et je ne m'en souviens plus.

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                                 J'ai tenté L'expérience Oregon, autre état de l'Ouest, mais décidément ce voyage là non plus ne m'a pas régalé. Keith Scribner envoie un couple tout là-haut au Nord-Ouest, pour un séjour au sein d'un milieu antimondialiste et écologique. Tout cela sur un ton prêchi-prêcha, sans finesse et sans intérêt. Comme toujours ces mots n'expriment que mon opinion.

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29 novembre 2014

Six cordes, vingt-quatre images/4/Rio Bravo

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                                                                                    Ricky Nelson à la guitare, Walter Brennan à l'harmonica, Dean Martin à la bouteille et John Wayne à la John Wayne. Le westernissime western de Howard Hawks, les coups de feu y sont plus fréquents que les arpèges, et de meilleure qualité. Un peu au loin les trompettes jouent Deguello en attendant l'attaque du bureau du sheriff. Que serait une vie de cinéphile sans Rio Bravo? Que serait l'histoire sans la rédemption du Dude (Dean Martin)? Que serait l'Ouest sans Mon fusil, mon cheval et moi?

Rio Bravo, Howard Hawks, 1959, John Wayne, Dean Martin,Ricky Nelson, Walter Brennan, Angie Dickinson

 

 

 

27 novembre 2014

La poésie du jeudi, Gérard de Nerval

 Poésie du jeudi

                                        Je reviens à mon Gérard, mon pays d'Oise et de forêts, d'étangs et de biches. Il avait le vin gai, mon Gérard. Mon Gérard qu'as-tu fait là? Gérard, Gérard! Gérard, souviens-toi, nos frondaisons valoises, Sylvie, et la flèche de Senlis, là-bas, chez nous, avant que nous soyons veufs et inconsolés.

Gaieté

Petit piqueton de Mareuil,

Plus clairet qu’un vin d’Argenteuil,

Que ta saveur est souveraine !

Les Romains ne t’ont pas compris

Lorsqu’habitant l’ancien Paris

Ils te préféraient le Surène.

Ta liqueur rose, ô joli vin !

Semble faite du sang divin

De quelque nymphe bocagère ;

Tu perles au bord désiré

D’un verre à côtes, coloré

Par les teintes de la fougère.

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Tu me guéris pendant l’été

De la soif qu’un vin plus vanté

M’avait laissé depuis la veille ;

Ton goût suret, mais doux aussi,

Happant mon palais épaissi,

Me rafraîchit quand je m’éveille.

Eh quoi ! si gai dès le matin,

Je foule d’un pied incertain

Le sentier où verdit ton pampre !…

-Et je n’ai pas de Richelet

Pour finir ce docte couplet…

Et trouver une rime en ampre.

Gérard de Nerval

24 novembre 2014

Ta guérison, ma déraison

VALLEJO    

                                          François Vallejo, dont j'ai jadis apprécié Ouest, a réussi avec Fleur et sang un excellent roman à double lecture, dont les héros sont deux médecins, l'un médecin apothicaire dans la France de Louis XIV, l'autre chirurgien cardio à notre époque. Un côté plutôt fleur, un côté plutôt sang. Vu ainsi ça ne nous éclaire pas beaucoup. Les deux  histoires sont indépendantes et cependant tout à fait en résonance. Dans une paroisse de Touraine, le jeune Urbain Delatour, élève de son père à son corps défendant, observe les relations complexes que son père, chirurgien et apothicaire, entretient avec le maître des lieux, seigneur de Montchevreuil. Suite à la disparition de ce dernier c'est sa fille unique qui règne, que maître Delatour est mystérieusement le seul à pouvoir raisonner. Le jeune Urbain, lui, est sous le coup d'une certaine attraction-répulsion envers elle, pourtant dotée d'un physique hors norme.

                                          Trois siècles plus tard, Etienne Delatour, interne à Tours, tombe amoureux d'une jeune fille affligée d'une légère claudication mais terriblement séduisante. Là aussi importance de la différence, y compris physique, traitée très joliment par l'auteur. Quel sera le poids exact d'Irène de Saint-Aubin dans la vie d'Etienne, devenu brillant cardiologue, parfois contesté? A travers ce portrait d'un homme très complexe et indéfinissable ce n'est que bien des années plus tard que la véritable nature de leur relation se précisera mais il faut convenir que très habilement François Vallejo laisse l'ambiguité régner. Beau roman sur la manipulation dans les deux cas, tant on hésitera à prendre parti. C'est un de  ces romans qui laisse le lecteur diriger sa barque, il y a bien des écueils, et l'on ne saisira jamais l'essence intégrale des deux médecins d'Ancien Régime, le père notamment échappant à trop de sanctification, pas plus que l'on ne se prononcera sur la sincérité/duplicité d'Etienne.

                                           Vallejo est un écrivain très fin, qui refuse les facilités, mais qui honore la littérature française, ce qui empêche probablement de plus grands tirages. J'encourage à découvrir, tant Ouest que Fleur et sang, et bien d'autres romans encore. Le titre de cet article est emprunté au livre,phrase plusieurs fois prononcée par Etienne Delatour s'adressant au patient. Très troublant.

22 novembre 2014

Les plumes...by Asphodèle: Le faussaire et le plagiaire

                          La nuit portant conseil Asphodèle nous propose ce qui suit; 26 mots dont deux peuvent être retranchés, suivant la règle du jeu: vol-chat-transfigurer-chauve-blanc-solitude-silence-matin-se ressourcer-ivresse-ténébreux-épuisement-insomnie-étoilé-fête-rêver-sommeil-voyage-chanson-fesse-recommencement-voluptueux-sarabande-passeur-prologue-papillon. Merci Aspho.

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                                           Vol de nuit s'était crashé de la bibliothèque et les pages en étaient explosées. Où était la boîte noire afin d'essayer de le reconstituer? Ce n'était pas tout, les Contes du Chat Perché ne l'étaient plus du tout, perché, noyé dans la gamelle de mon chien Croc-Blanc. Rayon polars, guère mieux, les deux Ray (La grand sommeil, La solitude est un cercueil de verre) s'étaient fait la belle. Foutredieu,plus de trace du fameux Voyage du Dr. Destouches, l'avais-je seulement consulté sérieusement? Et que dire de la poésie? Ni La bonne chanson, ni Les fêtes galantes du buveur d'absinthe ne donnaient signe de vie. Autodafé de ma pléiade à moi. Nuit de cristal de mes auteurs.

                                           Au moins les classiques m'étaient restés fidèles, me pris-je à rêver. Hélas, déshonoré, Balzac , Une ténébreuse affaire, porté disparu. Et d'autres, moins étoilés certes, un Papillon s'était lui aussi trissé, était-ce donc le bagne sur mes étagères? O, livres, Un turbulent silence m'étreint en ce matin, auquel embôite le pas bien vite la terreur d'un recommencement de type auditif . Mes galettes? Mes galettes?

                                           Enfer et damnation!  Pas plus de Nuit sur le Mont Chauve que de Nuit transfigurée, plus le moindre prélude d'un wagnerien prologue, la Sarabande luciférienne continuait, m'entraînant, voluptueuse à force d'être odieuse, vers des abymes-abysses d'insomnies et d'épuisement. La maudissais-je, cette nuit asphodélienne venant de chez quelqu'un chez qui j'avais tant aimé me ressourcer, en son accueil si souvent pourvoyeur de tendres ivresses, et passeur de bien belles émotions.

 

                                                                               Quelques mots, bien qu'un texte n'en ait normalement nul besoin. Le titre m'est venu très vite, conscient de la manière cavalière et contestable dont j'ai traité le sujet cette semaine. Abus de name-dropping (quelle hérésie d'écrire ça), emprunts innombrables frisant la forfaiture. Je tiens à remercier mes collaborateurs sans qui je ne serais pas ici ce soir. Par ordre d'entrée en scène, Antoine de Saint-Exupéry, Marcel Aymé,Jack London, Raymond Chandler, Ray Bradbury, Louis-Ferdinand Céline, Paul Verlaine, Honoré de Balzac, Henri Charrière, André Brink, Modeste Moussorgsky, Arnold Schönberg, Georg-Friedrich Haendel. Enfin j'ai considéré la fesse comme insignifiance et je vous demande de n'en rien déduire. Et surtout, surtout, je remercie encore une fois Asphodèle qui permet à mes délires de s'exprimer dans le beau cadre de nos si chères Plumes

20 novembre 2014

La jeune femme à Hopper

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                                     Expérimental, radical, avant-gardiste, susceptible d'un ennui mortel chez les rares spectateurs. C'est un point de vue,ce n'est pas le mien. Une seule fois avant ce film peinture et cinéma avaient véritablement fusionné. C'était le film polonais Breughel, le moulin et la croix. Edward Hopper d'ailleurs, c'était déjà des cadrages, du cinéma, une mise en scène. On sait que Hitchcock par exemple avait subi l'influence du peintre hyperréaliste. Plus près de nous Jim Jarmusch aussi. Motels glaciaux, décoration minime et à donner des envies de noyade, Hopper n'est pas précisément hilarant.

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                                        Reconstituant avec soin 13 tableaux de Hopper l'Autrichien Gustav Deutsch plonge le spectateur dans l’atmosphère des Etats-Unis du début des années 1930 jusqu'aux années 60, guidé par la voix pensive de Shirley et par les informations diffusées sur les radios de l’époque. Puis les tableaux s'enchaînent, évolution de l'oeuvre de Hopper en même temps que chronologie américaine. C'est un peu étrange mais personnellement, très attiré par l'Amérique de cette époque, j'ai senti sourdre une certaine émotion, une braise sous la glace.

                                        Shirley, actrice d'avant-garde, ouvreuse de cinéma, secrétaire, jouée par la danseuse Stephanie Cumming, apparaît bien comme une chorégraphie dans ce film très étonnant. Les lieux sont ordinaires, anodins, dérisoires, un bureau, une chambre, un salon, ou encore une salle de cinéma auxquels la lumière fait prendre une dimension énigmatique. La reconstitution est si méticuleuse qu'elle en devient bluffante d'expressivité, costumes, meubles, murs. Un film d'architecte, presque un film de mathématicien, une géométrie haletante malgré le risque de l"exercice de style" un peu vain. A voir, au moins pour voir "autre chose".

18 novembre 2014

L'insoutenable liberté des autres

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                                         Ce n'est que mon deuxième roman slovène. La Slovénie n'avait jusqu'à présent guère été fondamentale dans mon patrimoine littéraire. Petit pays coincé entre Autriche et Italie, le premier cependant à quItter l'ogre yougoslave,le plus prospère aussi, c'est relatif, la Slovénie est plus alpine que balkanique. Cette nuit je l'ai vue a obtenu le prix du Meilleur Livre Etranger délivré par je ne sais plus qui et il me semble qu'un bouche à oreille sympathique circule dans le Landerneau littéraire. A juste titre m'empressé-je de vous dire.

                                      Veronika Zarnik est une femme libre et troublante,  indéfinissable, de celles que l’on n’oublie pas.  Mariée à Leo, un homme d'affaires bourgeois lui aussi mais peu conventionnel, tous deux d'une totale indépendance d'esprit, ils vivent à leur manière, affranchis de la plupart des contraintes de la vieille Europe, jusqu'à ce que la guerre fasse d'eux, fasse d'eux quoi exactement d'ailleurs? En hiver 1944 le couple disparaît du manoir où il vivait. "Cette nuit je l'ai vue comme si elle était vivante" est l'incipit de ce très beau roman, c'est Stevo,officier pro-allemand qui parle le premier, qui fut l'un des amants de Veronika. Et tout se passe comme si le spectre de cette femme incernable hantait différentes voix qui s'élèvent alors pour l'évoquer. ls sont cinq à ce jeu-là, tous l'ont connue d'une manière ou d'une autre. Outre Stevo, Horst le médecin allemand, sa propre mère, Jerenek, un résistant et une servante dévouée se remémorent Veronika, probablement punie,de quoi? De collaboration, c'est parfois si facile, en ces temps de titisme, de liberté surtout. C'est qu'elle nous insupporte, parfois cette liberté en cheveux que rien n'émeut. Rien n'est plus dur que la liberté des autres.

                                      J'ai choisi de lire Cette nuit je l'ai vue avec 50%de hasard, 50% d'envie d'un autre pays. Après j'ai su pour le prix et vu les encarts photos du livre dans la presse. Il est bien agréable de découvrir la littérature de ces pays si longtemps ignorés. Je joins une excellente critique, que je partage tout à fait, celle de L'Humanité, non sans m'étonner comme toujours quand on trouve la traduction inspirée ou médiocre, sauf à lire parfaitement la langue vernaculaire. Bien peu,vraiment bien peu slovenophone, je ne me hasarderai pas à émettre une opinion.

                                       « Continûment servi par une traduction inspirée, le texte aux infinies nuances de Drago Jančar s’élève à ces hauteurs d’où rayonnent les chefs d’œuvre, qui éclairent les convulsions de l’Histoire. » Jean-Claude Lebrun. L’Humanité.

16 novembre 2014

Liffey

Liffey

 

Ce fleuve là n'est pas en couleurs

Vous qui rêvez de Nil et d'Amazone

Vous qui ne jurez que par l'Ol' Man River

Vous qui bouquinez sur les quais de Seine

O'Connell Bridge moins long que large

L'enjambe en quinze pas

Remontez votre col en novembre

Longtemps la rivière a eu faim

Ses enfants l'ont maudite et loin là-bas

Ouest atlantique,ne l'oublient pas

La passerelle est bondée, le clochard assis

Patient et souriant n'a pas encore trop froid

Il n'est pas si tard, mais le ciel hibernien

Se désole et décline

Belle et sombre mine, la rivière

Se méfie d'un quelconque traître,

Si longtemps éventrée

De mouchards et de filles trop bavardes

Mais je l'aime en sa grise heure

Et je connais ces silhouettes

Si loin de l'émeraude

Elles n'écrivent pas toutes, mais comme elles savent dire

Leur douleur et leurs haines

Entre leurs doigts poisseux.

Certains midis elle s'embleuit

J'y arpente les planches

Les grues à l'est, vers Laoghaire

Y jouent avec les nuages

Sous le regard d'Albion la méfiance

Des siècles de mépris

Des phalanges frappent le bodhran

Virevolte le banjo

Désinvolte et mutin

Claquent les pieds de Moira

Quand bien même les enseignes ont changé

Là sur le pont danse-s-y

Improbable rencontre, et pourtant

Ulysse pourrait y aimer Molly

Des feuilles rousses sous leurs chaussures

Plaignent le coeur de ville

Statufiés, les héros d'hier

S'offrent à chaque regard

Poètes et musiciens

Rodent encore, à la harpe parfois

Ou bondissants flûtistes

Liffey de chaque instant

Modeste jusques en ton lit

Mais aux tendres fantômes

Aux noirs contours, aux joues creuses

Vois, j'ai tenu serment

Comme j'ai parlé de toi.

 

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