Vent du veld
Le roman du grand auteur sud-africain André Brink est très intéressant mais je mettrais une légère altération,ça s'appelle un bémol.Publié en France vers 78 le voyage d'une blanche européenne et d'un esclave noir dans la région du Cap,Un instant dans le vent,est aussi la fusion improbable de deux êtres,corps et âme,au milieu du XVIIIème Siècle,dans un pays neuf,pays qui s'avérera au fil des décennies comme une capitale de la douleur.Epreuve physique terrible, privations, faim et froid,Elizabeth et Adam, après une stupéfaction mutuelle de se retrouver liés de la sorte,vont entreprendre après la mort des compagnons et du mari d'Elisabeth d'une part,et d'autre part la fuite d'Adam qui a voulu tuer son maître,un voyage de retour vers Le Cap,voyage sans espoir pour ainsi dire car au cas inattendu où ils survivraient la colonie hollandaise de Cape Town serait quoiqu'il en soit bien incapable de les accepter et de les comprendre ensemble.Chronique d'un échec annoncé,cependant il n'est pas interdit d'entreprendre.
Un instant dans le vent est une aventure,une sorte de Robinson Crusoe au coeur du veld sud-africain,désert et glacial parfois,torride souvent.Presque un manuel pour résister aux conditions extrêmes.Violent donc,car conserver la vie dans ces circonstances implique parfois d'égorger une jeune biche ou de massacrer une tortue.Comme un retour aux origines,Adam et Elisabeth vivront dans les grottes et mangeront parfois crû.Le pays est si extraordinaire mais si brutal.En cela l'Afrique du Sud s'est perpétuée. Bien sûr,combattant historique de l'apartheid, catégorie intellectuel blanc,André Brink a un peu tendance à prêcher, parfois dans le désert au sens propre. La faute est vénielle et la cause est juste.Parfois les causes justes me fatiguent un peu.Et puis je le confesse, si André Brink et J.M.Coetzee sont de grands écrivains, Karel Schoeman me touche plus. La rédemption par l'amour du couple Elizabeth et Adam qu'on aimerait saluer demeure pour moi comme théorique.
Au rayon des certitudes celle que l'Afrique du Sud,tourmentée et plurielle, déchirée mais prometteuse peut-être, dispose d'une richesse littéraire qui a l'étendue de la savane et le goût brûlant du bush."Tu enfanteras dans la douleur" semble être sa devise.