Deux bouquins d'outre-Rhin
L'un très bien,l'autre un peu moins bien.H.W.Kettenbach,inconnu.Pas une raison pour l'ignorer.Emprunté avec la simple idée de lire Allemagne comme ça m'arrive régulièrement.La vengeance de David raconte le séjour chez un professeur allemand d'un ami venu de Géorgie.Tous deux se sont connus avant la fin de l'U.R.S.S lors d'un voyage d'études de l'enseignant.Il y a bien eu un vague flirt entre lui et Matassi l'épouse caucasienne.Mais rien d'important,quelques questions à la rigueur sur l'espionnage supposé omniprésent à Tbilissi.
Mais sept ans ont passé et la visite de David fait plutôt plaisir à Christian.La tendance à l'incruste du Géorgien prend pourtant de l'importance.Ne se met-il pas, sous prétexte d'éditer la littérature de son pays, à écumer la région en compagnie de la femme de Christian,avocate réputée?Quant au fils de la famille il ne se prive pas de xénophobie.Ajoutez à cela des difficultés d'ordre pédagogique au lycée pour Christian,et l'apparition d'un membre d'une commission pas très nette et un peu barbouze. Vous obtiendrez un roman auquel je trouve un petit air de cinéma d'Europe Centrale indépendant,têtu, drôlatique et qui dit pas mal de choses sur les lendemains de fins d'empires.Infiniment moins intéressant cependant que des auteurs comme Arno Geiger ou le nouveau venu Von Schirach,pour n'évoquer que des écrivains de la nouvelle génération.
Sous forme de nouvelles Ferdinand von Schirach revient sur onze affaires criminelles qu'il a eu à traiter,avocat de la défense à Berlin.Ce recueil est passionnant,ces brèves histoires vraies devenant par le style même de l'auteur, sèches et précises,comme écrites au scalpel.Le titre,en toute sa sobriété, Crimes,est à prendre au sens large,pas forcément meurtrier.Von Schirach n'a pas travaillé ses textes comme un polariste,ni cherché à recréer un climat quelconque urbain,banlieusard ou professionnel.Pas d'esbrouffe, pas d'enquêteurs à la vie privée agitée,alcooliques ou névrosés,comme on en lit tant.Non,juriste exemplaire, Ferdinand von Schirach parvient à faire de ses rapports circonstanciés,à la prose glaciale de réalité,des contes cruels dont on finit par ne plus savoir la part de l'imaginaire et celle de l'authentique.
Lisière de folie,comme ce gardien de musée qui disjoncte toute sa vie parce qu'une statue essaie d'ôter une épine de son pied.Fétichisme limite zoophilie inexplicable,et qui le restera.Invraisemblable barbarie du meurtre d'une femme pas son mari,à qui on finit par néanmoins donner presque raison.Là,un zeste de cannibalisme régressif.Le voyage est ainsi constitué de petites étapes,toutes passionnantes,avec leur lot de surprises.Crimes est effrayant dans cette banalisation de l'horreur,celle qui surgit dans la rue voisine,le métro ou l'université.Un très bon livre,signé de quelqu'un dont l'expérience technique évidente court au long d'un volume qui reste cependant un bel objet littéraire. Parfois ça fait du bien de s'éloigner des récurrents encombrants.