Eaux troubles
Je chronique presque tous les livres de Pierre Assouline qui m'a rarement déçu. Biographe remarquable il aborde souvent la grande histoire. Le paquebot, l'an dernier, racontait l'incendie du Georges Philippar en 1932 dans le Golfe d'Aden (Albert Londres en fut la victime la plus célèbre). Le nageur c'est Alfred Nakache, champion de natation, juif d'Algérie, médaillé aux sinistres J.O. de Berlin 1936, qu'une dénonciation conduisit à Auschwitz dont il revint, servi peut-être par sa constitution athlétique hors du commun.
Depuis son enfance à Constantine où certaines tensions s'amorçaient déjà jusqu'à son retour des camps Pierre Assouline suit ce sportif, qu'on ne disait pas encore de haut niveau, et nous fait revivre les performances du champion, les rivalités et les jalousies aussi dont l'une enverra Nakache en enfer. On apprend dans ce livre qu'Auschwitz organisait entre autres activité des combats de boxe et des compétitions de natation. A frémir, à vomir. L'auteur sait à merveille définir ces années au bord de l'abîme et en enfer. Une pièce de théâtre s'est jouée récemment à Paris sur ce sujet, interprétée par Amir Haddad, seul en scène. L'antisémitisme se portait bien. Peu de choses ont changé. Seul rescapé de sa famille Alfred Nakache reprit sa carrière. Homme de devoir il fut surtout un chantre de la résilience. Bien avant que ce mot ne fasse florès. A méditer.
J'en profite pour inviter chacun, s'il en a l'occasion, à voir l'extraordinaire film La zone d'intérêt qui vient de sortir. Vivre à Auschwitz, juste de l'autre côté du mur, pour la famille de Rudolf Höss, qui en fut le patron.