La poésie du jeudi, Julio Cortazar
Loi du poème
Amer est le prix du poème,
les neuf syllabes de chaque vers ;
l’une superflue, l’autre manquante
le font voler ou le condamnent.
Nous sommes l’échiquier d’un cours d’eau
la carte à jouer entre deux feux ;
tombent les faces tombent les piles
chaque fois que tourne le chemin
Tombe le rythme dans les vers,
pleuvent les larmes dans le souvenir,
tombe la nuit, tombe l’oiseau
tout est chute lente sans bruit.
Ô liberté de la prison,
coup de dés qui lance et détache
l’énigmatique toile d’araignée
des murs et des démarcations !
Comme ta bouche découvre la pomme
comme mes mains découvrent tes seins,
le papillon suivra le feu
pour sa dernière danse danser
Julio Cortazar, Crépuscules d'automne, Traduction de Silvia Baron Supervielle
J'adore le hasard qui préside souvent à mes choix pour la belle rubrique d'Asphodèle, La poésie du jeudi. Ainsi, ayant travaillé sur le cinéaste Antonioni cette semaine, je me suis aperçu qu'il avait adapté pour Blow up le livre Les fils de la vierge du romancier et poète franco-argentin Julio Cortazar (1914-1984). Il ne m'en fallait pas plus pour fouiller un peu et découvrir ce texte que j'aime beaucoup. Qu'en pensez-vous?