Les souvenirs et les regrets aussi
Mes interventions sur le cinéma sont devenues rares mais à celle-ci je tenais. Je proposais au ciné-club ce lundi le dernier, peut-être l'ultime film d'Aki Kaurismaki, le relativement célèbre metteur en scène phare de Finlande. J'ai vu une bonne partie de ses films et j'adhère totalement à son univers. Cet homme sait à merveille marier l'émotion et une certaine fantaisie, dans un monde plutôt dur où les peines se conjuguent volontiers dans un coin de bistrot. Et ce qui pourrait paraitre quelque peu trivial est transfigiré par le regard de cet humaniste venu du Nord.
Une histoire d'amour, simplement. Tu vois, je n'ai pas oublié. Pas oublié ce ressort éternel et qui a séduit le public, assez nombreux, assez pour remettre en selle un vieux cinéphile, jusqu'à la prochaine chute. Helsinki selon A.K. est hors temps et bien que les mauvaises nouvelles sortant du transistor lui-même antédiluvien nous viennent d'Ukraine on pense plutôt années cinquante car le temps kaurismakien n'obéit qu'à son maître. Ansa (la femme) et Holappa (l'homme) sont des précaires, des fragiles. Enfin surtout l'homme. Uniquement l'homme, finalement. Le maillon faible. Interprétés par des fidèles du cinéma de Kaurismaki, les deux sont formidables.
Fibre sociale toujours chez notre ami Aki, bien sûr. Mais tellement aérienne, tellement "c'est comme ça" qu'on finirait par trouver drôles l'alcool, les conditions de vie, cette sorte d'ennui un peu pince sans rire, même si on ne rit pas vraiment on ne donne ni dans l'affliction ni dans la lamentation. Evidemment Helsinki by night n'est pas très glamour, le karaoké (importnace des chansons populaires) manque de paillettes et même la mafia locale ne donne que dans les minables trafics et le travail au noir, rien de "prestigieux". C'est un petit monde que celui de l'auteur mais il y a du coeur là-dedans et l'émotion s'installe confortablement.
Et puis là, c'est plus personnel quel régal de cinéphile que ce cinéma de quartier aux affiches succulentes et inattendues, Rocco, Le cercle rouge, Fat City, Le Mépris, tout cela en finnois. Et les plus anciens de reconnaître Brève rencontre, qui pourrait être le beau titre de ce film qui en a déjà un, très beau lui aussi, et qui sonne bien. C'est un film qui nous ressemble 🎶Sans parler du patron qui regarde tout cela, Sir Charles Spencer. Voyez vous-même si vous en avez l'occasion. Il ne manque rien à la geste nordique. Si, une apparition des légendaires Leningrad Cowboys. 🎸Et peut-être, ou je l'ai raté, une traditionnelle photo de Matti Pellonpaa, l'alter ego de Kaurismaki, parti depuis longtems là où Au loin s'en vont les nuages.