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BLOGART(LA COMTESSE)
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6 mai 2014

Géographie: Ventura, Californie

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                                                     America, trio puis duo maintenant antédiluvien nous entraîne, sans son Horse with no name cette fois sur le Ventura Highway, Californie du Sud. La ville de San Buenaventura est couramment appelée Ventura et compte 106 000 habitants. C'est l'une des nombreuses stations balnéaires du sud de l'état. Je ne suis pas sûr qu'il y en ait davantage à dire. Mais écouter America me semble toujours être une bonne idée. Ces Anglais d'Amérique ont longtemps passé pour des enfants sages du son West Coast. Vite dit. Rares étaient les enfants sages du début seventies dans ce coin du monde. (And the winner is ...Death)

 

 

 

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26 janvier 2014

Un livre, un film (énigme 84), la solution

film

                                      Manifestement rien d'Introuvable pour Keisha, Dasola, Pierrot Bâton,Nathalie,Asphodèle, Celestine, et probablement Nadine du Québec (bienvenue Nadine, il faudrait me préciser la réponse en courriel privé, merci). J'ai rajouté l'indice du premier paragraphe, un autre roman du Dash, un de mes auteurs de chevet. Le chien du duo Nick et Nora Charles, un sosie de Milou, s'appelle Asta. Le titre original, The thin man, se traduirait plutôt par L'homme transparent.

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21 mai 2014

Les verts dimanches d'Erin ou Curragh, bossons

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                                                           Et Dieu fit le dimanche... est un joli recueil du "Galway man" Walter Macken (1915-1967) dont j'ai déjà présenté ici Le Seigneur de la Montagne. Treize nouvelles plutôt rurales et insulaires, plutôt versant Ouest que Dublin. Publié en 1962 le livre est une délicieuse promenade dans ce versant océanique de l'Irlande  où rien ne manque. Bien sûr, ayant déjà beaucoup lu le pays, on retrouve des traits communs à d'autres auteurs dont le pays est si riche mais j'ai appris depuis bien longtemps qu'à trop chercher la singularité la littérature peut parfois se fourvoyer. Trêve d'exégèse, quelques nouvelles des nouvelles de Walter Macken en ce florilège dont je vous ai proposé une illustration en version originale non pas parce que je l'ai lu ainsi, ça me serait assez difficile, mais parce que je l'ai trouvé bien jolie.

                                                           On y rencontre de modestes pêcheurs réparant leur curragh, petit bateau traditionnel du côté de Dingle. On y rencontre un prêtre, élément à peu près obligatoire. Mais voilà, le Père Henderson, dit Solo, n'est pas le personnage torturé digne des Magdalen Sisters, mais un brave type courageux qui ne dédaigne pas le football gaélique et penche plutôt du côté de L'homme tranquille de Maurice Walsh mais annexé par John Ford. S'il faut défendre un simple d'esprit ou une fille perdue, deux autres figures très présentes dans les lettres irlandaises de ces années-là, il n'hésitera pas à faire le coup de poing (Solo et la pécheresse, Solo et le simple d'esprit). Ces histoires paraissent parfois presque naïves, dans leur rudesse, où de bons chiens de bergers sauvent les moutons, où les fameux "tinkers", ces nomades irlandais ne sont pas (trop) pourchassés,où même la lutte fratricide et séculaire des deux clans connait quelques relâchements individuels, quelques bonnes volontés. On n'est pas chez le O'Flaherty du Mouchard ou d'Insurrection.

                                                            Et puis Walter Macken décrit si bien les nuances de ce pays parfois âpre, tellement laborieux, mais si attachant. "De paresseuses volutes bleues montent des cheminées"."Les agneaux avaient l'air de ballons de laine blanche que les brebis poussaient à coups de pattes". Et Dieu fit le dimanche... est une délicate offre de voyage dans un pays qui n'existe plus tout à fait mais qui a cependant la chance d'avoir attiré assez tardivement les curieux pour savoir garder in extremis quelque chose en lui de Walter Macken.

24 mai 2014

Un livre, un film (énigme 96)

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                                       Très célèbre ce livre et là vous avez déjà une indication. Si, si. L'auteur aussi est resté très connu, un peu remis en question aujourd'hui, le taxant un peu vite d'impérialisme. Ce bouquin, publié à la fin du XIXème Siècle, est en fait un recueil de nouvelles,ce que l'on a un peu oublié. Se rappelle-t-on qu'un grand mouvement de jeunesse s'est fortement inspiré de ce livre? Par contre certains personnages sont restés très familiers des enfants, surtout grâce au cinéma. Le héros principal s'est trouvé une famille d'adoption et des amis. Pas mal d'ennemis aussi. Les deux plus célèbres adaptations datent de 1942 et 1967. Mais il y en a eu d'autres avec ces personnages. Très généreux en cette fin de saison, je vous offre un indice musical supplémentaire pour trouver le nom et l'auteur du livre. Le film porte le même nom. 

                                      Pieds qui ne font pas de bruits; yeux qui voient dans l'ombre; oreilles tendues au vent, du fond des cavernes, et dents blanches pour mordre : qui porte ces signes est de nos frères.

 

 

 

 

                                    

                                 

 

25 mai 2014

Un livre, un film (énigme 96), la solution

film  Très vite de charmantes panthères (je n'ai pas dit cougars) ont griffé leurs réponses: Rudyard Kipling et Le livre de la jungle. Elles ont nom Aifelle, Dasola,Valentyne, Pierrot Bâton. Plusieurs versions, la plus mythique, celle de 42, signée Zoltan Korda avec l'acteur indien Sabu. Très jeune j'adorais ces génériques sur un livre que l'on feuillette. La plus cocasse, celle des studios Disney, surtout pour ses numéros musicaux avec Baloo ou King Louis. Les autres sont à peu près sans intérêt à mon avis. Indice supplémentaire, mon cher Donovan chantait Riki Tiki Tavi, la mangouste héroïne d'un autre épisode du Livre de la jungle. Samedi 31 mai Claudia et Wens vous attendent de pied ferme tels Shere Khan guettant le petit d'homme.

 

 

 

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22 juillet 2014

Erin, exil

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                                         Les livres de Colum McCann sont tous passionnants. Romans (Le chant du coyote, Les saisons de la nuit) , nouvelles (La rivière de l'exil, Ailleurs, en ce pays). Et Transatlantic ne fait pas exception. Hardiment construit sur un siècle et nanti d'un long prologue sur les pionniers de l'aviation dans le sens Amérique-Irlande, Terre-Neuve-Connemara, Alcock et Brown en 1919, le beau roman chevauche habilement mais très émotionnellement aussi 150 années de l'histoire de l'Irlande. Dublin, 1845, Fredrick Douglass, esclave afro-américain en fuite, fait une tournée pour la cause de l'abolition, et arrive en Irlande quand la tristement célèbre famine fait rage, entraînant la mort d'un tiers des Irlandais et le difficile exil de beaucoup d'autres. Lily Duggan, jeune domestique le croise brièvement avant de s'embarquer elle-même pour l'Amérique.

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                                         Brassant Histoire et fiction (Colum McCann sait faire ça très bien comme dans Danseur ou Et que le vaste monde reprenne sa course folle), le roman est éblouissant et pas seulement pour les irlandophiles chroniques comme moi. La liberté est le maître mot qui court au long du livre. Que ce soit celle que revendique Douglass, le Dark Dandy qui incarne la lutte, visionnaire et mécomprise du peuple noir, avec une complexité qui éloigne toute facilité. Ou celle des filles, petite-fille et arrière petite-fille de Lily Duggan l'émigrée, qui chacune à leur manière ont changé les choses pour les femmes (pour ça, en Irlande , on partait de loin).

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                                            Autre personnage bien réel richement évoqué par Colum McCann, George Mitchell, le sénateur américain, infatigable artisan du processus de paix en Irlande, à la fin des années 1990. On a oublié cet homme qui semble bien avoir oeuvré au mieux, avec quelques autres, pour sortir l'Irlande  de cet historique magma Black and Tan versus IRA. Le portrait d'honnête homme qu'en fait l'auteur est magistral et nous aide à appréhender la complexité de cette longue quête vers quelque chose qui ressemblerait à la paix. Vivant sur les rives de l'Hudson depuis 25 ans, McCann se définit comme Irlandais de New York, une variété à part entière. Avouez que pour cet "homme à deux poches", dixit lui-même, quand on sait la richesse littéraire et de la Verte Erin et de la Grosse Pomme, on comprend aisément que nous naviguons dans une sphère littéraire de très haut vol.

27 novembre 2014

La poésie du jeudi, Gérard de Nerval

 Poésie du jeudi

                                        Je reviens à mon Gérard, mon pays d'Oise et de forêts, d'étangs et de biches. Il avait le vin gai, mon Gérard. Mon Gérard qu'as-tu fait là? Gérard, Gérard! Gérard, souviens-toi, nos frondaisons valoises, Sylvie, et la flèche de Senlis, là-bas, chez nous, avant que nous soyons veufs et inconsolés.

Gaieté

Petit piqueton de Mareuil,

Plus clairet qu’un vin d’Argenteuil,

Que ta saveur est souveraine !

Les Romains ne t’ont pas compris

Lorsqu’habitant l’ancien Paris

Ils te préféraient le Surène.

Ta liqueur rose, ô joli vin !

Semble faite du sang divin

De quelque nymphe bocagère ;

Tu perles au bord désiré

D’un verre à côtes, coloré

Par les teintes de la fougère.

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Tu me guéris pendant l’été

De la soif qu’un vin plus vanté

M’avait laissé depuis la veille ;

Ton goût suret, mais doux aussi,

Happant mon palais épaissi,

Me rafraîchit quand je m’éveille.

Eh quoi ! si gai dès le matin,

Je foule d’un pied incertain

Le sentier où verdit ton pampre !…

-Et je n’ai pas de Richelet

Pour finir ce docte couplet…

Et trouver une rime en ampre.

Gérard de Nerval

21 février 2015

Cinquante nuances de gris, surtout pas de refus

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                                Quatrième incursion chez ce grand de Norvège, Per Petterson et c'est vraiment un auteur passionnant qui se confirme. La Scandinavie nous offre bien d'autres choses que les polars, souvent bons d'ailleurs mais répétitifs. Tommy et Jim sont amis d'enfance nés vers 1955, près d'Oslo. Leur enfance n'a pas été facile et quand ils se croisent par hasard, Jim remballe son matériel de pêche et Tommy descend la vitre de sa Mercedes, il y a trente ans qu'ils ne se sont pas vus. "C'est bien toi, Jim?"-"C'est bien moi, oui."

                               Je refuse est un si beau roman qu'il entre en vous à travers les deux garçons qu'on ne voit pratiquement qu' à deux époques, 1966-70 et 2006, soit leur adolescence et leur âge de retrait(e). Il entre en vous comme les autres livres de Petterson, plus aigu encore, tant les artifices usuels de la littérature sont peu utilisés par l'auteur. Tommy est riche, et seul. Jim est en arrêt maladie, fauché, et seul. Rien de triomphant ni chez l'un ni chez l'autre. Tommy, berline rutilante et pardessus luxueux, n'est pas mieux loti que Jim qui a jadis connu le Bunker, ce centre psychiatrique des années 75. C'est d'ailleurs à partir de là qu'ils se sont perdu de vue.

                             Qui l'aurait cru? Jim, enfant unique d'une famille qu'on appelait pas monoparentale, surprotégé par une mère très pieuse, semblait mieux armé que Tommy, nanti de trois jeunes soeurs, abandonné très jeune par sa mère partie un jour du port d'Oslo pour Singapour ou Manille, et jeune encore par son père alcoolique et violent. Fameux modèle social nordique , il a pas mal de ratés. Je refuse n'est pas l'histoire d'une longue amitié, estimable récit lu maintes fois. Non, Je refuse serait plutôt le rendez-vous manqué de deux jeunesses avortées, où Tommy et Jim, finalement tout tordus par la vie ont comme composé chacun une partition du ratage qui, personnellement, m'a secoué. Je boirais bien un verre d'aquavit, fort, à leur adolescence charriée, à leur maturité décevante, à leur vie somme toute banale. Mais que voulez-vous, ils n'en ont qu'une, de vie. C'est comme moi,au fait. Je propose rarement un extrait mais celui-ci est si beau dans sa simplicité.Tommy croise son père, quarante ans après.

                            Mais c'était un vieillard. Il avait les cheveux longs, il portait une grande barbe et il était tout gris; ses vêtements étaient gris, ils étaient tachés de gris et la lumière crue de l'ampoule électrique éclairait violemment ses yeux grands ouverts et semblait s'y perdre.

                             L'avis enthousiaste d'Aifelle ici  Je refuse  et celui d'un lecteur curieux que je ne connais pas, tout aussi favorable D'une berge à l'autre: Je refuse - Per Petterson. Et aussi chez Luocine Je refuse  Et chez moi les chroniques des oeuvres précédentes Maudit soit le fleuve du temps et Pas facile de voler des chevaux

25 juin 2015

Pécheur d'Islande

absolution  Parfois comme une petite vanité me saisit à l'idée que je vais lire un livre probablement très peu lu en France. On se dit ainsi comme dépositaire d'un secret, d'un marché passé avec l'auteur, d'une merveille dont on serait l'intime. Fatuité du lecteur souvent car l'on a rarement le monopole total. J'ai choisi ce livre en bibliothèque en partie parce que l'auteur Olafur Johann Olafsson, Islandais devenu grand patron en Amérique, présente un visage très différent de la plupart des écrivains. Il a écrit ce livre à trente ans et ainsi donc, on peut être businessman et homme de lettres. Et j'aime cette idée. Publié d'abord en islandais puis immédiatement réécrit en anglais Absolution a des accents que certains ont qualifiés de dostoievskiens.

                                   Par les matins clairs, quand tout est baigné de soleil et que rien n'échappe à la vue, il est difficile pour notre esprit de pallier l'absence de zones d'ombre. Je préfère le crépuscule, les récits inachevés, les alliances de lumière et de ténèbres.

                                   Peter (Petur) Peterson, homme âgé, riche solitaire misanthrope, vit à New York avec une "jeune personne" cambodgienne. C'est toujours ainsi qu'il la définit. Il ne fréquente plus depuis longtemps les Islandais de la ville. Ses deux mariages ratés sont aux oubliettes, ses deux enfants aussi ou presque. Peter Peterson n'est pas un type très sympathique et il n'en est que plus intéressant. Torturé par le cauchemar récurrent d’un petit crime, c'est son expression,  qu’il aurait commis cinquante ans plus tôt par dépit amoureux, un crime qui a eu une influence décisive sur sa vie, il vit mal ses dernières années. Oscillant de l'Islande de sa jeunesse au Danemark de l'occupation allemande et à l'Amérique de 1990, ce mini Crime et châtiment est très bien orchestré, assez en froideur et en distance, Peterson ayant écrit ses mémoires en islandais,destinés à être publiés posthumes, mais traduits après sa mort en anglais par un compatriote plus jeune.

                                 Culpabilité, rédemption, remords, obsessions. Vu ainsi cela semble un peu tordu et très nordique, un peu expressionniste, bergmano-strindbergo-ibsenien. Ca l'est mais c'est surtout un très bon roman que le businessman Olafsson a écrit il ya déjà plus de vingt ans, que j'ignorais tout à fait et pour lequel les mânes du grand Fedor peuvent être, toutes proportions gardées, éventuellement évoqués.

23 juin 2015

Fin de saison cinéphile

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                             Je boude facilement le cinéma d'Arnaud Desplechin, c'est souvent ce que je n'aime guère et je suis injuste. Pourtant Trois souvenirs de ma jeunesse m'a intéressé. Le problème est qu'il me semble l'avoir déjà oublié, vu il y a une douzaine de jours. Qu'est-ce que ça veut dire? Paul Dédalus, on saisit évidemment la référence à Ulysse car l'on est intellectuellement outillé quand on va voir un film de Desplechin, hautement clivant, Paul Dédalus, donc, est anthropologue au Tadjikistan. Je sais pas pour vous mais moi, je me vois mal parti dans la vie pour rencontrer un anthropologue spécialiste du Tadjikistan. Mais pourquoi pas, les anthropologues spécialistes du Tadjikistan sont des êtres humains. Enfin je crois. Mathieu Amalric, car il y a Mathieu Amalric dans ces films-là, c'est contractuel, est crédible, ses souvenirs aussi. C'est un film pas mal. Il dure deux heures.

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                                Le partbiopic, néologisme bien français inventé par mes services pour bout de biographie, Selma, d'Ava DuVernay, sorti il y a quelques mois avec un total insuccès, est un film pas mal. Décidément tout est pas mal en cette fin de saison. Martin Luther King y apparait lors de la marche de Selma, Alabama, qui avait pour but de faciliter l'inscription des noirs sur les listes électorales. Car ils avaient déjà parfaitement le droit de vote, sauf que tout était fait pour les décourager en amont. Le débat suivant le film était intéressant mais comme la plupart des débats, un avis même légèrement contraire n'était pas si facile à défendre. L'acteur anglais David Oyelowo est pas mal du tout.

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                                Enfin j'ai vu deux fois avec pas mal d'intérêt le volatile suédois de Roy Andersson, Lion d'Or vénitien,dont ma critique vous éclairera peu mais vous libérera vite. Cependant, et personnellement, je suis plutôt client. Pour le reste...

???

                              

       

11 juillet 2015

Longue lumière malouine

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                                De très bonnes critiques pour ce pavé américain dont les deux personnages principaux Marie-Laure et Werner ne se rencontrent que peu avant la page 500. La jeune aveugle et l'orphelin surdoué des communications sont observés tout le long (long) de Toute la lumière que nous ne pouvons voir comme en champ contre-champ à parts égales, en chapitres très courts, un peu feuilletonesques, qui nous mènent du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris à la campagne de Russie, des bombes sur Saint Malo aux ruines fumantes de Berlin. Bien construit, ce qui permet de lire sans peine cette belle histoire, le roman d'Anthony Doer se veut assez sentimental en ce sens pas du tout péjoratif que Werner et Marie-Laure demeurent dans l'adversité des modèles très positifs sans aucune mièvrerie, ce qui était le risque.

                               Magnifiques, y compris, pour les profanes les digressions sur les mollusques fossiles, les ammonites et les anatifes, sujet peu porteur a priori. Même les éléments techniques sur les transmissions, transfigurés par Werner, s'avèrent d'une belle essence romanesque. Là encore c'était loin d'être évident, surtout pour moi qui maîtrise si mal anode et cathode. Et puis le patronage du grand Jules Verne et de 20 000 lieues sous les mers vogue sur toute la distance du livre, si abondamment cité et que Marie-Laure lit en braille depuis son enfance. Grand livre de l'imaginaire avec la quête de l'Océan de Flammes, un diamant légendaire, avec le rôle de la lumière pour cette enfant de l'ombre guidée dans la ville par les maquettes citadines de son père maintenant disparu, avec Saint Malo ville reconstruite de toute part comme un studio prêt à l'emploi, Toute la lumière que nous ne pouvons voir est un roman superbe, qui ressemble aux romans pour adolescence d'antan sans céder à aucune de leurs facilités.

                               Nanti du prestigieux Prix Pulitzer et déjà acheté par Hollywood, nous aurons l'occasion de voir en chair et en os tous les personnages de cette fresque de guerre et d'espoir. Mais aucune jeune actrice ne saura nous toucher comme la Marie-Laure de Toute la lumière que nous ne pouvons voir. Ce prénom m'est cher.

13 mars 2016

Le cinéma, mon vélo et moi/11/Un beau dimanche

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                                            Domenica d'agosto, le délicieux film de Luciano Emmer, date de l'an 1949. Journée de plein air du petit  peuple romain direction les bains de mer d'Ostie.Ce n'est pas l'Ostie de Pasolini. Non c'est bien plus simple. Et surtout c'est la vie dans toute sa splendeur et ses petits arrangements. Ce n'est pas encore le miracle économique. Au moins on vit en paix dans cette synthèse du Néoréalisme et de la Comédie italienne. Mastroianni, en tout petit sur l'affiche, n'a pas encore rencontré Fellini. Les maillots de bain y sont d'une pudeur. Veille la mama. Ho quattro mesi. Si. E la ringrazio la mia cara Asphodèle per Lo cinema, la mia bicicleta é mi.

Le cinéma,mon vélo et moi

8 novembre 2016

Un beau soir d'Aurore

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                                 Je n'en menais pas large, disons-le. Au Ciné-Quai c'est la première fois que nous programmions un film ancien, en dehors des burlesques accompagnés au piano (en décembre prochain par exemple Le mécano de la General, Buster Keaton). On m'avait bien dit de ci de là, un film muet, les yeux exorbités, les grands gestes, tu sais, je sais pas  si je viendrai... Mais ils sont venus, assez nombreux. Ma ville n'est qu'une sous préfecture de 60 000 habitants. Ce qui n'est pas une honte en soi, mais je le précise car certains blogs à mon sens ignorent superbement les inégalités de choix d'un pays. Quoi qu'il en soit, je le répète, l'offre ciné ici s'est considérablement améliorée.

                                Certains avaient déjà vu L'Aurore, d'autres en avaient entendu parler, d'autres encore ne le connaissaient pas du tout. Mais tous ont apprécié, ce qui est rarement le cas, et c'est bien normal. Je ne reviendrai pas sur les multiples beautés du film de Murnau. Mais quelle satisfaction de recevoir les remerciements de spectateurs pour ce spectacle cinématographique hors d'âge, hors mode et hors normes. L'Aurore, comme Metropolis, Nosferatu ou Potemkine, fait dorénavant partie de ces oeuvres qui tournent pour leur propre compte, souvent nanties de musiques originales live, sûres d'être maintenant et pour l'éternité au firmament du Septième Art, de l'Art tout court. Comme La Joconde, comme les vitraux de Chartres, comme le Requiem de Mozart, comme Macbeth... L'Aurore en Picardie, hier, fut vraiment l'occasion d'une belle soirée. Les encouragements de Newstrum et de 1001 bobines  y sont sûrement pour quelque chose.

29 novembre 2016

Novembre au cinéma

for    Assez pesante variation de la Suissesse Paule Muret sur l'incommunicabilité existentielle entre une groupie amoureuse et une star du rock somme toute banalissime entre mépris et overdose. Par contre musicalement une découverte pour moi, Carl Barat, ex Libertines. Peut-être plus à écouter qu'à voir. Enfin c'est mon avis. A noter Ardant dans son propre rôle, trois minutes, grotesques à mon sens, sensibles pour d'autres. C'est le propre des débats. 

AFFICHEPRINCESS  Grand succès national en Finlande, ce qui surprend quand on a vu le film, l'histoire d'Anna Lappalainen, nous plonge dans les années cinquante et l'univers de l'hôpital psychiatrique avec son arsenal thérapeutique d'époque. Schizophrène et se voulant princesse de la famille royale d'Angleterre, Anna, Princess, jouera ainsi un rôle important et finalement bénéfique pour nombre de résidents de l'établissement. Le débat a permis de pointer quelques anachronismes gênants mais a le mérite de revenir sur la brutalité assumée des traitements, en aucun cas spécifique à l'Europe du Nord. Princess est l'oeuvre d'un documentariste, Arto Halonen et c'est sa première fiction, pas tout à fait fiction d'ailleurs.

cOURGETTE   Le film est très soigné, animation artisanale d'orfèvre pour une histoire édifiante d'orphelins image par image. Après viennent les appellations officielles, plaidoyer pour la différence, humanisme, citoyenneté. Nanti de son quota minorités pour les sept pensionnaires, Ma vie de Courgette est un bien joli film et le monde ne changera pas.

myst   Il y a floraison sur grand écran de documents depuis quelques années. Et c'est à mon avis très bien comme ça car un film de montage ou un essai cinématographique sont souvent plus intéressants que les fictions de toutes sortes parfois sempiternelles. En ce qui concerne la peinture après les assez radicaux Breughel, le moulin et la croix et Shirley:visions of reality (sur Edward Hopper), respectivement de Lech Majewski et Gustav Deutsch, nous arrive Le mystère Jérôme Bosch tout entier consacré au Jardin des délices, Prado de Madrid. Evidemment le tryptique se prête à toutes les interprétations. Le metteur en scène José-Luis Lopez Linares ne s'en prive pas, donnnant la parole à quelques célébrités, Onfray, Rushdie, William Christie, et à quelques spécialistes qui éclairent pour nous ce chef d'oeuvre inclassable. L'important étant surtout ce que vous, vous pensez du tableau et de l'émotion qu'il vous procure, ou non. Une immersion plutôt réussie.

lfdb_affichedef_jpeg_dbdesk  Remarquable film dossier que La fille de Brest sur le scandale du Mediator. Ce film se suit comme les meilleurs thrillers politiques à l'américaine. Jamais alourdi par un quelconque temps mort ou une dérive sentimentale attendue, d'une rare efficacité, les faits essentiellement les faits, jamais parasités, ce film est de plus porté par la formidable actrice danoise Sidse Babett Knudsen, toute en précision et en colère. Exemplaire, évitant la si fréquente pesanteur des films à thèse.

                                  Dans mes billets sur le cinéma actuel je ne parle pratiquement que de films assez peu distribués. La plupart des autres films sont abondamment chroniqués sur la toile.

 

 

8 janvier 2017

Le grand hêtre pourpre

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                              Attention. Rien à voir avec d'insipides souvenirs de star ayant employé un nègre. Une oeuvre. Et là ce n'est pas que je pèse mes mots comme un bossfan que je suis. C'est que j'en revendique les qualités, une sorte de vita americana depuis les années cinquante, passionnantes d'un bout à l'autre depuis la très modeste Freehold, New Jersey, d'où tout partit, jusqu'aux mégaconcerts dont le Stade de France 2003 où j'ai eu la chance de voir le Patron et le E Street Band au complet. Une oeuvre. Comme toute la discographie et les concerts de Bruce Springsteen. Et qui a parfaitement sa place dans une rubrique littéraire. Où l'on sera cependant un peu plus à l'aise si l'on connait à peu près son petit Springsteen illustré, ou mieux encore, si l'on accompagne sa lecture d'une écoute sérieuse de quelques-unes de ses chansons.

                             Une famille prolétaire et catholique, les origines sont comme, tout le monde sur la Côte Est à ce moment, irlando-italiennes. Et vous vous étonneriez que je plonge là dedans, moi dont le blog consacre 30% de son activité à ces deux pays de mon coeur? Cette dualité marquera Bruce, né en 49. L'une des stars de la région, un certain Francis Albert Sinatra, voir Hoboken, sera pour le professionnalisme l'un de ses modèles. L'autre coup de grisou viendra d'Elvis Aaron, Memphis, Tennessee. Bruce a six ans. Moi aussi. Il raconte la vie de cette famille parmi d'autres avec parents et grands-parents, rythmée par les jeux dans les rues, les bagarres à la sortie de l'école, les premières cordes de guitare, et surtout les copains qui formeront bientôt les Castiles, première formation du futur maître, dans laquelle il n'est même pas chanteur. Et très vite l'écriture, du concret, du vécu, des histoires d'ados fugueurs, des amours laborieuses, de retour du Vietnam, ou de non retour. Springsteen n'élude pas les zones un peu curieuses, comme son astuce pour échapper à ce même Vietnam, qui apparemment ne lui causa pas trop d'états d'âme.

                           Car Springsteen vise avant tout à l'efficacité. Il raye d'un trait d'esprit le mot démocratie dans un groupe rock, où il faut un patron. Il y aura un patron et il saura le faire savoir. Les pages sont passionnantes sur les arcanes de sa création musicale. Sur ses rapports avec ses musiciens, tous d'exception. Sur sa ténacité et sa puissance de feu, sa spontanéité et sa générosité sur scène, par opposition à certains autres monstres, Neil Young ou Bob Dylan. Springsteen n'oublie jamais le show, y compris quand il reste quarante minutes seul avec sa guitare devant 80 000 personnes.

                          Mais tout cela, pour qui n'est pas trop branché sur Tin Pan Alley, pourra paraître trop technique voir rasoir. Foncez pourtant dans cette autobio, Born to run, pour d'autres raisons, terriblement humaines, presque ethno. Pour les portraits de son père Douglas Springsteen, un taiseux, même dans les différents pubs, part importante de son existence, qui aime ses enfants sans leur dire, c'est pas le genre de la maison du New Jersey. Les années cinquante pouvaient encore être rugueuses des deux côtés de l'Atlantique. Pour cette Amérique qu'il nous narre, pas mal corsetée, juste avant Brando, Dean, Presley. Pour cette splendide et abracadabrante vie d'un groupe rock, où la gestion des egos s'avère chaotique, où il faut parfois se séparer d'un des musiciens. Angoisse garantie, et noms d'oiseaux, rancoeurs et pardons. Born to run ou l'histoire d'un homme, Né pour courir, courir afin de vivre pleinement sa passion, viscéralement, sans perdre la raison, avatar si fréquent chez les rock stars.

                          Un livre, vrai, riche, bourré de peurs et d'énergie, la vie d'un homme, d'un roc(k), mais même les rocs un jour se fendillent. Comme le grand hêtre pourpre de Freehold, New Jersey, abattu récemment, comme le raconte Springsteen, lors d'une de ses balades en bagnole dans sa ville d'enfance, comme il en a tant chanté. Born to run, à lire, à écouter, à vivre. Je n'ai pas proposé d'extrait musical, il faudrait tout mettre de Racing in the streets à My home town, de The ghost of Tom Joad à Brothers under the bridge, de Born in the USA à My city of ruins

24 décembre 2016

Géographie: Erie, Pennsylvanie

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                               Mnémotechnie oblige, je n'ai pas oublié les Grands Lacs nord-américains, Supérieur, Michigan, Ontario, Huron et... Erie. Ca sent bon son Dernier des Mohicans. En fait la ville d'Erie, Pennsylvanie, 100 000 habitants, fait surtout référence au canal, ce canal qui relie l'Hudson au lac, et qui fut un axe de communication crucial vers l'Ouest avant le rail. On pinaille là. Mais on pinaille pas musicalement puisque c'est le Boss qui s'y colle en personne en cette fin d'année.

                            La chanson Erie Canal, aussi nommée Low bridge,est un traditionnel à la gloire des ouvriers... et des mules qui ont bâti l'ouvrage. Composée par un certain  Thomas  Allen en 1905. Bruce Springsteeen l'a enregistrée en 2005 à Dublin sur son mémorable album de reprises, We shall overcome/ The Seeger sessions. Le même et grand Pete Seeger et des pointures folk, Kingston Trio par exemple, l'ont aussi beaucoup chantée dans les années 50. Mais sur la toile on peut en écouter des versions datant de 1912. Attention ça grince. La toute dernière version date d'aujourd'hui, en tout petit face au Boss. Elle grince un peu aussi. Mais c'est une version courte dont vous me saurez gré, vu que ces chansons du patrimoine américain durent parfois dix minutes.

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                          Evidemment cela a peu à voir avec le Joyeux Noël et les Heureuses Fêtes que je souhaite à tous ceux qui me font l'amitié de passer par chez moi. Mais on n'est pas obligé de passer tous les ans par Jingle bells ou Silent night.

 

 

 

12 janvier 2017

La poésie du jeudi, Edualc Eeguab

Poésie du jeudi

Ecriture

Tes doigts, noir et blanc

Octaves, tant d'émotions

Oui, Rachmaninoff

 

                          Je crois que les haïkus n'ont pas de titre. Pas eu vraiment le temps de faire long. Mais comme j'aime Serguei. Puis, prenant conscience  de ma pingrerie...

Elle a dit -"paresse"

"C'est pas un peu court, jeune homme?"-

-"Mais bien sûr. Pardon."-

 

 

 

 

28 janvier 2017

Back to Ray

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                                 Trois nouvelles dans ce recueil. Je reviens de temps en temps visiter les durs à cuire américains, des histoires de privés, à l'humour pince sans rire, aux sous-entendus grivois et au whisky facile. Evidemment et comme d'hab. je n'ai rien compris aux intrigues tortueuses de Un tueur sous la pluie et Bay City Blues. J'ai presque compris Déniche la fille because moins de cadavres. Ces trois textes datent du mileu des annnées trente, avant la création de Philip Marlowe. Raymond Chandler est l'un des très rares que je puisse lire sans le comprendre. Y a aussi Joyce mais, naufragé de la page 45 de Ulysse, je l'ai éradiqué de ma vie. Rappelons que c'est parfois difficile de s'y retrouver, le Raymond ayant souvent repris des éléments de certains textes pour les refondre ailleurs dans les romans ou même d'autre textes courts. Sans importance puisque de toute façon on (enfin moi) n'y comprend goutte.

                                 Mais quelle putain d'ambiance dans ces histoires publiées en général dans les pulp magazines (Black Mask) et longtemps méprisées. J'en adore l'efficacité, terriblement cinoche, qui ne s'encombre pas de psymachin, ni d'élégance. Les types y sont des marlous, des corrompus, des vicelards. Et c'est ainsi qu'on les nomme. Quant aux femmes ce sont des, des, des... courtisanes, j'appellerai ça comme ça. Bref ca grenouille à tous les étages, californiens ou chicagoans. Tiens je vais le laisser jacter, le Ray, de toute sa verdeur et de toute sa poésie. " La blonde ôta ses dents de ma main et me cracha à la figure mon propre sang". " Je sortis ma flasque de bourbon et la posai en équilibre au bout de mon genou". "Il somnolait. Sa cravate plastron avait dû être nouée vers 1880 et la pierre verte qui en ornait l'épingle n'avait pas tout à fait le diamètre d'un fond de corbeille à papier".

                                Scénariste à Hollywood comme d'autres minables, Faulkner, Dos Passos, Fitzgerald, Chandler n'est guère crédité aux génériques. C'est aussi bien comme ça. Ses bouquins, c'est déjà du cinéma.

P.S. Marrant. Dans cette édition Carré Noir de 64 le verso est illustré d'une magnifique photo pub de cigarettes blondes  de luxe, comme en fument les femmes fatales de ces romans noirs. Je ne l'ai pas mise pour ne pas tomber sous le coup de la loi. O tempora o mores!

13 juin 2017

Lisbonne et Varsovie

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                                Composé pour le texte presque entièrement des véritables lettres de l'écrivain portugais Lobo Antunes durant la guerre d'Angola, le film d'Ivo M.Ferreira ne se laisse pas apprivoiser facilement. Vers 1970 le grand écrivain était alors âgé de 28 ans et, médecin militaire, servait en Afrique dans ce pays qui devait accéder à l'indépendance en 1975. Près de 300 lettres furent ainsi écrites à sa femme et constituent la trame du film. Souvent lues par la voix féminine, ces missives déstabilisent au début du film et l'artifice prend un peu de temps à convaincre. Mais le noir et blanc et la lumière de Lettres de la guerre finissent par fondre le spectateur et comme une hypnose nous emporte dans une certaine fascination.

                               Malgré tout Lettres de la guerre reste un film de genre, et son genre c'est la guerre. J'ai trouvé, mais tout le monde n'était pas de cet avis, que le film échappait assez bien à la thèse anticolonialiste, situant le débat au delà de la repentance si stérile. A sa manière il n'est pas si éloigné des grands films américains sur le Vietnam. L'Afrique de l'Ouest y est bien belle au cépuscule. Crépuscule qui est aussi bien sûr celui d'une certaine idée de l'Afrique vue d'Europe.

                               Mais ce film reste également une histoire d'amour, dont l'intérêt littéraire est magique tant la prose de Lobo Antunes (accessible au contraire de ses romans, semble-t-il, car je ne l'ai jamais lu) est magnifique, d'une ardeur poétique qui nous ferait presque regretter que les images soient si belles. Car le dilemme est là et se pose tout au long du film à moins d'être parfaitement lusophone. Le texte à lire est très fort. Comment n'en rien perdre si l'on regarde les images? Et vice-versa. Pas résolu, mais le public a aimé le film dans son ensemble. Une personne avait même lu un peu Lobo Antunes, ce qui n'est pas si fréquent. Une autre a évoqué la longue attente de Drogo dans son cher désert qui m'est, vous le savez bien, très cher aussi. Réactions intéressantes alors que notre saison d'animation ciné se termine bientôt.

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                     Bon. Ca dure 81 minutes. Ca s'appelle Onze minutes. Mais le temps a pu paraître long pour queqlues-uns. Tant de bruit et de fureur pour cette variation sur le hasard et la violence. Impossible d'en dire trop sur le film de Jerzy Skolimowski. Expérience à vivre, qui laisse comme en apnée, selon un spectateur. Une quinzaine de personnages dans une Varsovie comme hors lieu, ou au moins hors Pologne. Je l'ai vu deux fois en 48 heures. Il fallait bien ça pour (en partie) réunir les fils ténus de ces gens pour la plupart antipathiques. Assez ébouriffant pour certains dont je suis. Parfaitement insupportable pour d'autres, et nanti d'une musique industrielle à l'avenant.

                   Nous sommes assez nombreux cependant à avoir trouvé des beautés à Onze minutes. La multiplicité des points de vue et le montage sévère, la misanthropie qui en émane, les aliénations dont font preuve la plupart des protagonistes sont ainsi condensés en une concision dont feraient bien de s'inspirer les apôtres des 180 minutes qui nous intoxiquent régulièrement. Pourtant c'est ce film court qui a mis deux ans à sortir petitement sur nos écrans. Cependant c'est à vous de voir.

30 octobre 2017

Un ange est passé, un peu maudit

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                             45 ans séparent la rencontre de Ligeia et des frères Bill et Eugene dans une bourgade des Appalaches, en Caroline du Nord, et la découverte des ossements de cette dernière. Elle avait dix-sept ans et su tourner la tête aux deux frangins sous la coupe de leur grand-père médecin et notable local, peu enclin aux nouveautés de la fin des sixties, ni en musique ni en libertés. Ligeia est presque un archétype, celui de la jeune fille moderne et qui se lance à corps perdu dans les expériences toute fraîches. Dame, c'est bon  de vivre cette époque du presque tout est permis. Manque un peu de jugeote la Ligeia. Et là intervient mon inamovible couplet sur la similarité entre la rebellion et la convention. A savoir que des milliers de jeunes crurent se singulariser en faisant appel à la chimie des paradis artificiels et tombèrent vite, très très vite pour certains, dans la triste banalité des chambres d'hôtel d'où l'on ne se réveille guère. Fin d'aparté.

                            Ron Rash n'a besoin que de 200 pages pour aller à l'essentiel. A savoir que c'est un peu un ange exilé qui a bouleversé la vie des frères.  L'ange exilé (Look homeward Angel) est aussi le titre du roman posthume de Thomas Wolfe, auquel Par le vent pleuré (The Risen) fait référence. Thomas Wolfe est une icône de la littérature américaine que peu de gens ont finalement lue. Je vais quant à moi essayer de pallier cette carence. Ce n'est pas vraiment la rivalité ni la jalousie qui vont dégrader la fratrie au contact de la très libérée Ligeia. Plutôt une différence d'appréciation peut-être due aux quelques années qui les séparent. Au bout du compte, quarante ans plus tard, l’écart entre les deux frères ne s'est plus jamais réduit jusqu'à leur mise en cause concernant l'éventuel meurtre de la jeune fille. Bill est un chirurgien réputé, engagé socialement, bon père de famille. Eugene est un écrivain qui n'a pas écrit grand-chose, alcoolique en rupture avec sa femme et sa fille. Caïn et Abel en quelque sorte.

                           Comme bercé pas les effluves rock  de Jefferson Airplane ou Moby Grape, et moi, rien que de lire ces noms dans un roman m'emporte déjà, le beau récit de Rash, sans être inoubliable, instille une petite musique qui m'a touché, de celles qui sinuent tout au long d'une vie, la mienne, ou celle de ces deux frères tout deux brisés, chacun à sa manière. Le fait que ce soit complètement ma génération n'y est bien sûr pas étranger.

L'avis d'Eva  Tu vas t'abîmer les yeux (que je viens  de découvrir).

27 janvier 2018

Le vitrail de Galway

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                                Desmond Hogan est un auteur irlandais que je ne connaissais pas du tout. Il semble qu'il ait tendance à fuir les soleils médiatiques. Le titre Les feuilles d'ombre évoque Walt Whitman et ce n'est bien sûr pas un hasard. Il y est même cité nommément. Irlande, fin des années 40, deux amis, Sean le narrateur et Liam, privilégiés, rapidement pris dans la tourmente des amours incertaines et les douleurs intestines irlandaises. Et les femmes de leur vie, enfin d'une partie de leur vie, Christine et Sarah. De leur ouest de l'île à Dublin, une Dublin encore très "bonnes soeurs" toute en rigidité, de leur jeunesse qu'on dirait bobo à leurs maturités souvent frustrées, de la Californie prometteuse à un monstère en Suisse, leur amitié ne faillira (presque) jamais.

                              Un fantôme fait partie de la distribution, celui de la mère de Liam, exilée russe à Galway, qui un jour entra dans la rivère et n'en sortit pas. On ne peut pas ne pas penser à Virginia Woolf. Son souvenir pèsera lourd. Ecrit dans une langue se poète, Les feuilles d'ombre se déguste justement comme ça, en reprenant à plaisir un paragraphe de temps en temps. "Oui, allez un jour dans les Wicklow, parcourez ces sentiers, ces lieux féériques, sortis des contes de Grimm et d'Andersen, et pensez à nous, à Christine sans solennité, vierge grassouillette pédalant à la traîne, à Sarah, svelte papillon gardant le rythme, à Jamesy toujours dans  sa roue, sans effort excessif, à Liam en plien envol, magnifique face au temps, et doté d'une allure qui tournait la tête des fermières et souvent troublait les vaches ruminantes". Jolie balade vélocipédique, non?

                             A ceux qui auraient peur d'un folklore irlandais un peu envahissant, chose qui arrive, je préciserai que ce n'est pas  du tout le cas. Desmond Hogan ne verse pas dans l'imagerie. Pourtant comme le pays y est présent, d'un bout à l'autre, de fond  en comble. De l'attrayante et répuisive Londres aux sirénes atlantiques, du mysticisme de barde aux avirons sur la Liffey, l'Irlande est l'héroïne de ce grand roman méconnu. A plusieurs reprises on y évoque le vitrail et c'est bien ça, Les feuilles d'ombre s'apparente à la dentelle de Chartres. Desmond Hogan n'est pas un jeune auteur. Né en 1950 il a publié ce Leaves on grey en 1980. Paru en France en 2016.

                            "La promenade était tailladée de mots d'amour, d'intiales sur les arbres, les bancs. Un garçon, assis sur un banc rouge, lisait Keats en buvant du Coca. Une fille, debout sous un arbre, les cheveux noués par un ruban, rassemblait des mots en fixant le lointain". Hogan a écrit ça. Pourtant il ne connaissait pas Celestine.

                            

28 juin 2018

In the name of rock/Emily

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                                      Bien qu'il soit tard, bien tard, je la cherche encore. Sur un banc du parc, mais pas un jour où criaillent les enfants. Elle n'aime pas les enfants. Au marché du jeudi matin, mais pas trop tard. Le monde lui déplait. Où? Et quand? Et comment? Là-bas! Sa silhouette? Inchangée, rude et parfois hautaine. Non. Elle a pris tant de coups. Beaucoup sont venus de moi. Pluie, plaie, pleurs et puis grands risques d'aridités.  Pauvre fou que j'étais qui n'a su garder l'or que touchaient mes doigts.

 

                                       For Emily whenever I may find her n'a jamais cessé de résonner à mes oreilles. C'est peu dire que souligner l'intemporalité de cette chanson. Art Garfunkel la chante encore. L'émotion est intacte. Seul le cheveu manque à son profil d'aigle. Pour le cheveu, moi, je tiens encore le coup.

 

                                  Même les rudes Red Hot Chili Peppers, pourtant à mille lieues de la ballade, l'ont interprétée. Torse et âme à nu. Mais il y a eu bien d'autres versions. Celles de Johnny Rivers ou Glenn Yarbrough. Et, plus étonnant, celle du saxophoniste Paul Desmond sur un album consacré aux chansons de Simon et Garfunkel.

 

                            La chanson est extraite du magique Parsley, sage, rosemary and thyme, troisième album du somptueux duo. Sur le même disque ils citent une autre Emily, la poétesse Emily Dickinson, dans le délicat The dangling conversation. Une merveille sur l'incompréhension qui s'est installée, une conversation banale, un peu plus que le début d'une fin. Il y est question de nature morte, de couplets hors de rythme et de refrains hors de rime. Out...Mais je parle d'un temps...

 

                            A peu près à la même époque une aube pinkfloydienne (Syd Barrett, Nick Mason, Rick Wright, Roger Waters) voyait aussi son Emily. Regardez-la jouer. See Emily play. Et si vous la voyez, vous savez où me trouver.

 

 

 

 

 

 

16 novembre 2020

Fjord ever

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                   Très grand cru que ce pavé nordique que l'on m'a prêté. Auteur inconnu pour moi. Kim Leine est dano-norvégien, mais surtout un grand écrivain très apprécié en Scandinavie, et très engagé pour l'autonomie du Groenland. Morten Falck, fils de pasteur, a suivi lui-même des études de théologie, et quitte Copenhague où il n'a pas fréquenté que des enfants de choeur. Sa quête d'un certain absolu, parfois de dissolu, le mène jusqu'aux terres glacées du Groenland. Il y assez peu de romans situés dans cette région ultime, en dehors des récits de science-fiction. Nous le suivrons pendant trente ans, à partir de 1782, cela inclut 1789 et ce n'est pas un détail. Car Rousseau, Voltaire et la révolution Française sont passés par là. Et c'est peu dire que Morten Falck, pasteur, aventurier, escroc, est une figure romanesque ambigüe, complexe et passionnante. 

                 Après les frasques de la jeunesse de Morten c'est le voyage vers le Nord, rude et fascinant. La seule amie de Morten à bord est une vache laitière, Roselil, au destin tragique. L'humour n'est pas absent dans Les prophètes du fjord de l'Eternité. Devenu homme de Dieu, très tolérant sur certains plans, et digne d'un film de Bergman auquel on ne peut pas ne pas penser un peu, Morten débarque sur l'île continent, avec la charge de convertir les autochtones. Ces derniers sont parfois récalcitrants, ayant déjà subi la loi des colons du royaume du Danemark, où il y avait déjà quelque chose de pourri un siècle plus tôt (Shakespeare ne prend plus de droits d'auteur). Les femmes, la foi, la débauche, l'alcool, l'ignorance font bon ménage, façon de parler, dans ce bout du monde glacé, où l'on se parfume à l'urine et à la graisse de phoque. 

               Morten Falck a une mission, mais tout est difficile en ce pays. Il y a notamment des dissidents dans une île isolée et les fragiles idéaux de Morten vont se heurter aux croyances et moeurs pour le moins différentes de ces insulaires. Différents des continentaux, pas forcément pires. Une société arctique brutale et primitive face à la colonie danoise, policée en apparence mais tout aussi dangereuse. Paraphrasant l'un des grands Bergman, je dirais que L'heure du loup n'est jamais loin. Et Morten Pedersen Falck n'exorcisera jamais complètement le sang sur ses mains.

               Mais Les prophètes du fjord de l'Eternité ne se limite pas  à ces questions. Le roman d'aventures, secret et initiatique, est tout aussi présent dans ce bouquin magistral. Un coup de maître. Par exemple les 80 dernières pages sont consacrées au légendaire incendie de Copenhague (Morten y est alors de retour) en 1795. Le souffle sur les braises en est hugolien. Rien de moins. Et ce gros livre se lit sans peine, presque feuilletonnesque, un compliment sous ma plume. 

               KIm Leine, né en 1961, a vécu quinze ans au Groenland, terre qu'il aime mais dont il ne cache pas les revers. Eternelle dualité qui fit de lui un écrivain majeur, mais aussi, c'est bien sûr lui qui le dit, un toxicomane qui dut regagner la métropole pour se sevrer. Les sirènes nordiques ne sont pas toutes aussi fraîches que celle d'Andersen dans le port de Copenhague.

11 mars 2021

Envoyé spécial au delà du Nil

Abys  C'est toujours un plaisir de voyager avec Jean-Christophe Rufin. Ca fait du bien de rouvrir un livre qu'on a laissé 20 minutes plus tôt et de se retrouver happé par le souffle de l'auteur. L'Abyssin est son premier roman. Elle est fort bien troussée, cette histoire de Jean-Baptiste Poncet, médecin, pas très officiel, au Caire, à la fin du règne de Louis XIV, période où le Roi-Soleil finissait sa vie confit en dévotions, et où les Jésuites exerçaient une grande influence. Il est amené à devenir ambassadeur auprès du Négus, souverain d'Ethiopie, alors Abyssinie.

                           Rufin a la plume aisée et nous entraîne dans cette aventure qui tient de Dumas pour la truculence et de Voltaire pour l'esprit frondeur. Bien que trop long à mon gré d'une centaine de pages, on se régale des héros et des fourbes. Les premiers, Poncet, son ami Juremi, maître d'escrime et protestant, la belle Alix, fille du consuL du royaume de France au Caire, sont dignes de toute notre estime. Les ennemis sont évidemment à chercher du côté des Jésuites et des Capucins, par ailleurs très querelleurs entre eux. On connait bien l'auteur, médecin, diplomate, académicien, marcheur, longtemps au coeur de plusieurs ONG. Il aime raconter, Rouge Brésil, Le grand Coeur, et virevolte joliment autour de la vérité historique.

                          Mais quelle joie de plonger et replonger dans ce roman, 700 pages en poche, et de retrouver le climat de liberté et de tolérance, sans message lourdaud, que le futur prix Goncourt distille tout au long du récit. Précisons à nouveau que Louis XIV sur sa fin n'était plus qu'une ombre souffrante, l'objet des manipulations d'un catholicisme outrancier. Après deux romans un peu punitifs, l'un suédois, l'autre néerlandais que j'ai renoncé à vous présenter (mon goût pour la découverte d'auteurs européens inconnus me conduit parfois à quelques déconvenues), je ne peux que conseiller ce joli voyage en Afrique précoloniale. Cet adjectif s'applique mal à l'Abyssinie qui ne connut qu'un bref épisode italien. Quoi qu'il en soit, en selle!

2 décembre 2022

Revoir Naples et mourir

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                François Garde est un romancier qui me réjouit toujours. Quel bonheur, si l'on est un peu amateur d'histoire, de se plonger dans ce joli roman qui explore la galaxie des maréchaux d'empire, ces soldats souvent sortis du rang que Janus Napoléon sut élever sur des trônes et renier tout aussi naturellement dans nombre de cas. Joachim Murat, roi de Naples, fut l'un des plus prestigieux. Modeste fils d'aubergiste du Sud-Ouest il devint le beau-frère de l'empereur en épousant Caroline Bonaparte.

                Octobre 1815, quatre mois après Waterloo, Napoléon navigue vers un caillou perdu en plein Atlantique. Murat, désormais ex-roi, tente de revenir en grace auprès de ses anciens sujets. Dans la grande débandade qui suit la fin de l'empire chacun essaie de sauver sa fortune et sa peau. Fait prisonnier par les fidèles des Bourbons il va vivre six journées de réclusion, un procès bâclé, une exécution sans délai. Le prince Joachim Murat se penche sur sa vie. Et c'est absolument passionnant. Roi par effraction, habilement bâti avec alternance du court emprisonnement du souverain de circonstance et des années de conquêtes, de victoires et de déboires, est une sacrée aventure, digne de Dumas, probablement sertie de quelques libertés avec la grande histoire. Peu importe, les Français qui aiment justement l'histoire, que je crains peu nombreux tant règne l'ignorance, se régaleront. Rares sont les époques où l'ascenseur social, certes assez guerrier, pouvait fonctionner. Sachant qu'un ascenseur peut parfois vous envoyer par le fond.

               Murat, en quelques jours de geôle, réinterprète les étapes de sa vie exceptionnelle, de son enfance gasconne aux batailles impériales, de son mariage dans l'ombre de Napoléon au palais de l'Elysée qui fut sa résidence. Murat, une vie d'action, de hauts et de bas, des brutalités de sa répression en Espagne (Goya) aux rêves d'unité italienne. En quelques sorte un précurseur même si cela tourna court. Joachim Murat, roi de Naples périt sous les balles des Bourbon, jugement pour le moins expéditif.

               Roi par effraction, à lire comme un feuilleton de cape et d'épée, chevauchées et intrigues, trahisons et ingratitudes, une Europe à feu et à sang, et l'extraordinaire destin d'un gamin d'un village du Quercy. L'Aigle déchu dans son île hors du monde avait au moins permis ceci. Il arrive que les aigles ressemblent aux vautours. 

              

 

 

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