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BLOGART(LA COMTESSE)
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26 mars 2018

Grognard

Masse critique

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                                Le témoignage vivant d'un soldat qui a vécu toutes les campagnes de la Révolution et de l'Empire. C'est ainsi que se présente cette réédition du livre du Major Claude Le Roy. Je lis assez peu d'histoire, mais à l'occasion de l'offre Babelio (merci, je suis assez  souvent du lot des chroniqueurs) j'ai tenté les  souvenirs d'un officier du Premier Empire, qui fut à peu près de toutes les évènements, les plus glorieux comme les déroutes, Austerlitz comme la Bérézina. C'est en fait un journal, au plus serré des opérations militaires, et au plus trivial aussi, ravitaillement, soins, pillages aussi. La solidarité n'est pas toujours de mise. L'eau-de-vie, si. Je ne suis pas assez passionné par cette époque, bien que je reconnaisse l'extraordinaire énergie de l'Empereur, précurseur peu économe du sang de ses troupes.

                             J'ai donc trouvé le temps un peu long mais certains vétérans impériaux on dû aussi le trouver bien long, ce temps des campagnes d'Espagne, d'Autriche, de Russie, de Saxe, de France. Ce livre, tel un rapport, intéressera les assez nombreux historiens amateurs. Il possède les vertus du concret, presque du reportage avant l'heure. Bien sûr il n'y faut pas chercher la moindre remise en cause ni du régime ni de la guerre. N'oublions pas qu'il a été écrit par le Major Le Roy, après la chute de l'Empire, et essentiellement destiné à la descendance de l'officier Le Roy. Il ne fut d'ailleurs publié qu'en 1914. Nous en sommes pas tout à fait dans le domaine de la littérature, ce qui n'a rien de péjoratif. On a tout à fait le droit d'ajouter Dans les armées de Napoléon à une bibliothèque déjà bien fournie en documents, ce qui, je crois, sera le cas des acquéreurs de cet ouvrage. 

 

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28 février 2018

Fange rouge sang

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                               Sept nouvelles sont regroupées sous le titre La steppe rouge. C'est le tout premier livre de Jeff Kessel, un jeune homme de 24 ans qui deviendra le vieux lion à la crinière bien connue, voyageur, grand reporter, écrivain, académicien et grand pourvoyeur de scénarios très divers, Belle de jour, Les Cavaliers, La passante du Sans-Souci, L'armée  des ombres. C'est du brutal. La Russie, juste après la révolution bolchevique. On ne fait pas dans la  dentelle et Kessel n'est pas un délicat miniaturiste. Plutôt un arpenteur du monde entier, aux semelles souples et aux rudes vérités des horreurs planétaires, à cette époque à la case, russe pour cette fois, case tortures et dénonciations, démence et trahisons.

                              Les sept textes sont tous terribles de noirceur. C'est peu dire que le genre humain n'en sort pas grandi. Fedka le discret professeur devient tortionnaire en quelques jours, changeant de camp sans vergogne à l'occasion. Une cousine dénonce un enfant miraculeusement épargné une première fois. Les deux fous est le texte le plus fort à mon avis. Un médecin aliéniste cache un ami dans le pavillon des fous. Il lui faudra se méfier de son compagnon de cellule, à qui l'on a dit la même chose. "Et, dans la détente commune de leur émotion, sans dire un mot, les deux "furieux" s'étreignirent avec  des larmes  et des balbutiements."

                             L'innocence n'a plus cours, ni à Odessa, ni à Petrograd. Tout le monde est suspect, de la prostituée de treize ans au vieillard édenté, et le frère d'hier prêtera demain la main au bourreau pour un manteau et et un paquet de tabac. Joseph Kessel, qui aura tout connu, nous donne avec ce livre de jeunesse l'essentiel, en un style certes assez journalistique, d'une Europe ensanglantée et désespérante, qui hélas ne faisait que commencer son siècle hallucinant. Ce n'est pas dans les salons ni même les rédactions enfumées qu'il a puisé son inspiration. Mais cest une littérature qui vous empoigne, un peu à la hussarde.

23 février 2018

Petit prix, grand livre

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                                Magistral, clairvoyant, ce livre de 150 pages, et là je réitère mes sempiternelles stances à la brièveté qui a souvent déserté tant la littérature que le cinéma, est une pièce maîtresse pour qui veut mieux saisir l'avant-guerre. Un 20 février vingt-quatre grands industriels allemands sont réunis à Berlin. Soutenir le nouveau régime et en tirer les bénéfices, tel est leur credo. C'est le premier chapitre de la lente, parfois pas  si lente, adaptation d'une bonne partie du pays aux thèses du nouveau chancelier. Eric Vuillard revient ainsi sur quelques épisodes peu glorieux dont l''Anschluss, acte fondateur sur le plan international de la spirale de l'horreur. Tout cela fut donc bien, tôt ou tard à L'ordre du jour.

                                Presque désopilant si ce n'était pathétique, dérisoire et monstrueux, superbement écrit, L'ordre du jour n'épargne personne, surtout pas l'Autriche, même pas cramponnée à son mini-dictateur Schuschnigg, que j'ai longtemps pris pour un (vaguement) résistant. Vienne avant l'Anschluss, avec son national-catholicisme n'avait déjà pas brillé par sa démocratie. Mais nous allons à Londres aussi, plus précisément au 10, Downing Street, où le Prime Minsiter Chamberlain reçoit les adieux de l'ambasssadeur du Reich, Ribbentrop, tout sourire alors que les troupes nazies envahissent l'Autriche.

                               Cette dite invasion a d'ailleurs tenu, aussi, de la farce car on apprend que nombre de panzers sont tombés en rade sur la route impériale, sous les yeux d'un Hitler vociférant et furieux, plus que jamais le Hynkel de Chaplin. Nombre de décideurs de cetet décennie, pas tous allemands, loin s'en faut, ont été, entre autres, ridicules. Hélas le ridicule ne tue pas.

                               "Car au fond, le crime était déjà là, dans les petits drapeaux, dans les sourires des jeunes filles, dans tout ce printemps perverti. Et jusque dans les rires, dans cette ferveur déchaînée, Hélène Kuhner dut sentir la haine et la jouissance. Elle a dû entrevoir-en un raptus terrifiant-derrière ces millers de silhouettes, de visages, des millions de forçats. Et elle a deviné, derrière la liesse effrayante, la carrière de granit de Mauthausen."

                              Cet automne, chez Drouant, les convives ont couronné un bien beau livre. Ca leur arrive assez souvent.

19 février 2018

Mean woman blues

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Masse critique

                              Case biographie musicale avec Babelio qui m'a fait confiance une fois encore. Cette collaboration est maintenant ancienne et permet de lire ce que peut-être on n'aurait pas lu. Ce qui est évidemment à double tranchant. J'étais plutôt séduit à l'idée de lire une bio d'une des deux grandes prêtresses du blues féminin historique. Car je connais mal l'une comme l'autre (Bessie Smith, Billie Holiday). Au point que je les pensais de la même génération alors que Billie était la cadette de Bessie de vingt ans. Et le nom de Stéphane Koechlin m'évoquait les riches heures du Rock et Folk d'antan où officia longtemps son père Philippe. Mais ce blues s'est avéré un peu mineur et loin d'être indispensable.

                               Le parcours de Bessie Smith (1894-1937) est plutôt classique pour une native du Sud dans le premier tiers du XXème siècle. Chattanooga, Tennessee, famille pauvre et nombreuse, père mort lorsqu'elle avait six ans. De tout cela on se doute bien un peu, de même que l'on imagine les conditions de vie de Dixie et la précocité de Bessie pour certaines choses, le sexe et le show à dire vrai. Tout cela, pour un amateur de blues qui connait davantage les voix mâles, a fait que j'ai trouvé dans Bessie Smith des routes du sud à la vallée heureuse une constellation de noms de chanteuses, de musiciens, de producteurs, d'escrocs et aigrefins divers. Trop. Digressions, et, de blues, pas tant que ça à mon avis. Tant d'instrumentistes sont ainsi évoqués que Bessie finit par se fondre dans la masse. Ce bouquin est un peu comme un marais du Sud, un bayou dont on peine à sortir convaincu.

                              Et le style de Stéphane Koechlin n'est guère enthousiasmant. D'abord il y a quelques fautes d'orthographes disgracieuses. Et il croit indispensable de truffer le livre d'actualités, la plupart concernant des accidents d'automobiles, à l'évidence avant-coureurs de celui qui devait coûter la vie à Bessie Smith. La méthode est un peu curieuse. Ainsi va se disperser cette histoire d'une grande chanteuse, nous laissant sur notre faim et, personnellement, ne m'engageant guère à creuser du côté des autres livres de l'auteur, consacrés à Hendrix, Brian Jones ou Dylan. Et, dans ces cas-là, une seule solution, (re)plonger dans l'écoute de la grande dame pas commode que fut Bessie Smith.

                              En fait on en sait plus sur la solitude en écoutant Empty bed blues et sur la crise des années trente en écoutant Yellow Dog Blues. Vous savez ce qu'il vous reste à faire quant à Bessie, the Blues empress.

9 janvier 2018

Laissez tomber

Masse critique

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                        J'ai reçu ce livre dans le cadre d’une opération « masse critique spéciale» et je remercie Babelio et les éditions Albin Michel. Seulement voilà. Ce livre raconte ma génération, précisément. Alors, moi, je l'ai déjà écrit ce roman. Oh, pas sur papier, mais dans ma tête et dans mon coeur, dans les moindres replis de mon cerveau, j'y suis encore parfois. Alors je crois qu'il aurait fallu bien du talent pour que ce roman choral de quatre amis m'apparaisse autre chose que redondance, ce qui n'est pas grave, et facilités à tous les étages. Ca part très mal, c'est aussi banal qu'une chanson de Sheila et ça ne s'arrange jamais.  L'auteur a choisi un quatuor, une fille et trois garçons qu'il suit de 1963, le concert yéyé de la Nation, jusqu'à 2015. Une sorte de Jules et Jim et Jack + Catherine, en l'occurrence Michelle. Sévère je suis, j'ai trouvé que ce roman n'avait aucun intérêt.

                        Gérard de Cortanze égrène laborieusement tous les épisodes qu'ont vécus les baby boomers, les plus tardifs, promo 49. Tout y passe de leurs quatorze ans lors ce concert gratuit à la grande manifestation juste après Charlie, ils en ont alors soixante-six. C'est peu de dire que défilent, en bon ordre, nombre de poncifs insupportables sur le bac, les parents qui ne comprennent rien, les premières vacances "sans", la libération sexuelle pas toujours si libérée, les substances qui vous ouvrent un peu avant de vous occire beaucoup. On passe par les cases Woodstock 69 et Mur de Berlin 89. On passe par les cases Boulevard Saint Michel mai 68 ou mariage raté. Vous et moi en quelque sorte, même si Woodstock c'était à distance.

                        Je n'ai pas envie, encore moins besoin, qu'on me raconte ma promo. J'y étais. Je veux qu'un livre me fasse voyager dans le temps ou l'espace, joliment ou douloureusement. J'ai détesté cette rédaction appliquée et ces chapitres dont les titres sont extraits de bluettes des années  soixante, C'est ma première surprise-party ou J'irai pleurer sous la pluie. Non que je crache sur ces refrains de mes quinze ans, probablement nécessaires avant les choses autrement fondatrices du côté de Liverpool (curieusement presque passée sous silence, Liverpool). Mais ce catalogue systématique et à mon avis pas mal démagogique a glissé sur moi sans laiser la moindre trace. Un petit peu de temps perdu cependant, pas trop car ça se lit vite et s'oublie plus vite encore. Eddy chantait J'ai oublié de l'oublier et Johnny J'ai oublié de me souvenir de l'oublier. Moi, je n'oublierai pas le pensum de Gérard de Cortanze. Ou plutôt, si.

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7 janvier 2018

Le vieux dossier texan

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                                Qu'a pensé mon amie Val (La jument verte de Val) de cette lecture commune? Ils vont tuer Robert Kennedy est un livre très fort, qui vous poursuit et vous amène à vous remettre en question. Depuis longtemps Marc Dugain interroge l'histoire, les gueules cassées de 14-18, Staline, Hoover. A l'heure où l'on vient d'ouvrir de nouveaux documents sur Dallas, ce dont chacun sait bien qu'il ne faut rien attendre, l'auteur a curieusement amalgamé, et je crois que c'est un beau travail, les recherches d'un professeur d'histoire contemporaine sur les assassinats des Kennedy d'une part, et la mort violente de ses propres parents d'autre part. Sa mère, suicidée? Son père, éminent spécialiste de l'hypnose, un an après, mort accidentellement sur la côte californienne? JFK, Dallas, sous les balles de Lee Harvey Oswald? Robert, candidat à la Maison-Blanche en 68, Los Angeles, sous celle de Sirhan Sirhan? Bien sûr, mon âge fait que je me souviens de ça mieux que d'hier. J'avais 14 ans. C'est un facteur qui facilite un peu la lecture de ce roman, car c'en est un. Mais tout de même cette immersion dans les méandres de l'histoire récente est un bain d'intelligence, cette intelligence fût-elle parfois avec l'ennemi, ennemi qui reste à définir.

                               Robert Kennedy est bien sûr la figure principale du livre et Marc Dugain, sans l'idéaliser béatement, en dresse néanmoins un portrait assez favorable. Est-ce justice de nous le décrire, lui, Bob, troisième choix pour le père Joe Kennedy, dont plus personne n'ignore les sinistres penchants carrément pro-hitlériens, comme un homme tout de bonne volonté, ayant à coeur de faire la paix au Vietnam et d'améliorer la vie des petites gens? Je ne me prononcerai évidemment pas. Ce qui est sûr, c'est que Marc Dugain est vraiment un grand écrivain, à la manière très élaborée dont il entremêle les innombrables interconnections de la société américaine des  sixties. On connait un peu les théories complotistes et on finit par se demander qui est complètement innocent de l'assassinat du président Kennedy. Le livre est très riche, Oswald et Ruby, simples marionnettes, ont-ils été utilisé? Et par qui?

                             400 pages après, on n'en sait pas plus sur les meurtres eux-mêmes. Ce n'était pas l'objectif. Mais on croit comprendre que l'assassin est bien identifié. Il s'agit de l'Amérique, immense arbre aux rameaux schizophrènes, et, accessoirement coupable idéal de tant de maux qui permettent à bien d'autres de s'exonérer un peu vite de tout défaut.

24 octobre 2017

Tenue

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                                Je n'avais jamais lu La promesse de l'aube mais la prochaine sortie ciné d'une nouvelle adaptation du récit de Romain Gary, après celle de Jules Dassin avec Melina Mercouri, m'a donné envie de réparer cette négligence. Bien m'en a pris. C'est un hommage à sa Mère Courage, ça je le savais car l'histoire est un peu connue. Mais c'est aussi une formidable leçon de vie, de ténacité, voire d'humour, en même temps qu'un bel objet littéraire, devenu un classique. Gary (avec ses avatars) fait partie de ces écrivains qui n'ont pas oublié de vivre, des hommes d'action(s) au sens propre. C'est plus fréquent chez les écrivains journalistes, Hemingway, Kessel. mais Romain Gary, il est vrai, a eu plusieurs vies, qu'il a failli perdre à plusieurs reprises en avion notamment. Il parle rudement bien de ces aéroplanes du début de la guerre, hors d'âge.

                               Début du livre, 1960, Big Sur, Californie, ça a dû plaire à Patrick Villaseurat, Romain Gary revient sur sa jeunesse et sur sa mère, sa mère qu'il ne quittera jamais malgré ses voyages et ses combats, ses blessures et ses amours. Je parle là surtout de l'idée de sa mère. Ce livre a eu un grand succès. Mais connait-on si bien Romain Gary? Pilote, combattant, diplomate, couturé de balafres comme constellé de décorations, diplomate, romancier, cinéaste (vu aucun de  ses  deux films ce qui semble mieux ainsi), gaulliste, européen avant l'heure, un homme comme on en fait peu. Fou de la France par hérirtage maternel. La promesse de l'aube donne envie de citer des  centaines  de lignes du récit, et je vais y céder un peu. Moins envie de voir le film avec Pierre Niney, fin décembre. Plus envie encore de lire d'autres oeuvres de cet auteur protéiforme et insaisissable. J'avais déjà aimé il y a fort longtemps Clair de femme, et plus encore La nuit sera calme, un peu testamentaire. Je crois avoir hélas égaré le vieil exemplaire de mon père ce lecteur des Racines du ciel avant même de l'avoir lu. Ce n'est pas ce que j'ai fait de mieux. Le grand John Huston en a tenté l'adaptation et lui non plus, ce n'est pas  ce qu'il a fait de mieux.

                              Romain Gary fut parmi les écrivains qui choisirent leur nuit de départ. Nul doute qu'il ait retrouvé avec la grande paix la veste d'aviateur dont il parle si joliment dans La promesse de l'aube.

                             "Elle fumait trois paquets de gauloises par jour. Il est vrai qu'elle ne terminait jamais une cigarette, l'écrasant à peine entamée, pour en allumer aussitôt une autre. Elle avait découpé dans une revue la photo d'un défilé militaire et la montrait aux clientes, leur faisant admirer le bel uniforme qui allait être mien dans quelques mois." 

                               Cherchant un pseudo pour la carrière littéraire de son fils adolescent "Il faudrait quelque chose comme Gabriele d'Annunzio, dit ma mère. Il a dû faire souffrir la Duse terriblement."

                               "Nous passâmes une nuit paisible en mer dans la soute à charbon, bercés par des rêves de gloire inouïe. Je fus malheureusement réveillé par le clairon juste comme j'allais effectuer mon entrée à Berlin sur un cheval blanc".

22 octobre 2017

Dans la cité des anges

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                                Lecture commune avec ma chère Val, toujours prête à collaborer (La grâce des brigands – Véronique Ovaldé). Ce fut son choix cette fois et elle a bien fait de me présenter une auteure dont j'ai souvent vu les livres de ci de là, mais jamais rien lu. Il y a une certaine grâce chez les perdants, les plagiaires et les brigands. Je vous dévoile ainsi l'ultime sentence de ce roman. Il a beaucoup de charme. Véronique Ovaldé nous emmène en Californie dans les pas de Maria Cristina, devenue écrivaine après sa rupture avec mère et soeur. D'origine finlandaise elle a quitté l'improbable bled de Lapérouse, Canada à l'âge de 17 ans. Dans la tentaculaire Los Angeles elle fait vite la connaissance de Claramunt, écrivain qui n'écrit plus guère, nobelisable, enfin dit-il. Devenue sa secrétaire en attendant mieux elle cherche à lui faire lire ses propres textes.

                              Maria Cristina est une héroïne originale à mon sens. Car devenue assez célèbre elle n'est jamais dupe des faux semblants particulièrement prospères en Californie. Il n'y a pas dans La grâce des brigands une réelle unité fictionnellle qui permettrait un chemin assez balisé et on ne sait pas très bien où on va. C'est pas plus mal comme ça et c'est parfois surprenant, surprenant comme le pseudo d'un chauffeur au nom imprononçable, Oz Mithzaverzbki. Alors on l'appelle...Judy Garland. C'est un roman qui parvient à nous étonner, un regard français sur les mirages de la gloire. Comme un miroir aux alouettes, sans la naïveté qu'ont parfois les héroïnes de ces histoires. Parfois un peu désarçonné, j'ai cependant suivi avec plaisir cette Maria Cristina, pas vraiment sortie de la cuisse de Jupiter, mais qui va son chemin vaillamment jusqu'à une conclusion qui ménage la surprise, ce qui n'est pas  si fréquent dans l'art du roman.

                            Je conseille vivement ce California dreamin' qui parvient à éviter pas mal de clichés sur cette Babylone contemporaine, un prisme français, louvoyant comme dans une baie pacifique, nous permet vraiment de belles envolées.

18 août 2017

Passant par la Lorraine

Masse critique

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                    Merci à Babelio et à Gallimard. Ce cru découverte et avant-première est une assez belle réussite venant d'un auteur que j'ignorais et dont c'est le deuxième roman. Malheureusement et à mon avis, comme le cinéma, la littérature a oublié depuis longtemps les vertus de la concision,qui me sont si chères. Ainsi, et c'est dommage, le roman de Frédéric Verger s'essouffle par épisodes, étirant inutilement ses 442 pages. C'était pourtant très bien parti. Les rêveuses nous transporte dans la campagne lorraine de 1940, occupée par l'armée allemande.  Ces rêveuses, quant à elles, sont des nonnes que l'histoire locale a retenues et qui confinent à ces légendes qui existent partout. Mois de mai. Les armées de Hitler fondent sur la France. Peter, un jeune Allemand de dix-sept ans engagé dans l’armée française, prend l’identité d’un mort pour échapper aux représailles. Prisonnier, il croit avoir évité le danger quand on lui annonce qu’on va le libérer et le reconduire dans sa famille. Comment sera-t-il accueilli chez ces gens qui ne le connaissent pas?

                   Peter, que l'on croit Alexandre, va ainsi dans ses fuites et ses geôles rencontrer Hélène et Joséphine, soeurs ou cousines ruinées, un commandant allemand obèse et contradictoire, la vieille Russe Sofia qui joue les moribondes et que l'on imagine forcément comtesse, et se mettre en quête de Blanche que sa famille a internée dans un couvent qui ressemble beaucoup à celui d'Ourthières d'où s'envolaient les rêves des nonnes. La déraison, enfin la presque déraison sera toujours en lisière de notre histoire. Diiriez-vous sortilège?

                   Les rêveuses ne manque pas d'air ni d'ambition. J'avoue m'y être quelque peu égaré comme en une forêt vosgienne car les  sentiers y sont souvent sinueux et le fantastique sourd parfois sous la roche. Mais manifestement Frédéric Verger manie la prose avec dextérité, les cinquante dernières pages particulièrement riches, en grande partie aux bords de la rivière, occasion pour l'auteur de très belles métaphores, de bruissements et de musiques qui seraient élégiaques s'ils ne se déroulaient pas dans l'enfer belliqueux des années quarante, où les flammes, les plaies et la puanteur semblent annoncer des découvertes au delà de tout. Les rêveuses n'est pas loin d'être un très grand livre.  

9 juin 2017

Chantage peu enchanteur

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 Masse critique

                         Babelio et moi c'était polar cette foi, avec un roman français qui se déroule en Californie, et qui ne restera pas dans l'histoire. Un couple d'enquêteurs, un businessman véreux, de somptueuses villas fenêtre sur Pacifique, beaucoup, vraiment beaucoup de nouvelles technologies. Tom Riley et Tess Lorenzi, on brasse large, patronymes d'origines irlandaise et italienne. Trêve de persiflage ce Blackmail blues se lit bien et si l'on comprend tout de suite que la victime de cet homicide était une belle ordure on se désintéresse tout aussi vite de l'assassin. Maître chanteur multicarte, ce Pounds a bien mérité son sort. La quatrième de couv.: voitures de sport, bijoux, conquêtes féminines, voyages, n'a pas menti. Ajoutez grands vins et high whiskies. Bon, ça peut se lire, dans le train sauf que plus personne ne lit dans le train.

                        Je suis un peu acerbe, un peu injuste à la rigueur. Mais ces romans policiers finissent par se ressembler tellement. Ce genre littéraire est à bout de souffle et je crois, mais j'ai déjà dit ça sans vraiment tenir parole, que j'éviterai dorénavant la plupart des enquêtes que des éditions pléthoriques ne manqueront pas de proposer. C'est que tant d'autres ouvrages nous tendent leurs pages et, chemin faisant, j'aimerais bien que mes lectures à venir, forcément moins nombreuses que celles passées, me marquent un peu plus. Je m'aperçois que je n'ai même pas cité l'auteur(e) Chris Diehl. Voilà qui est fait, ne m'en demandez pas davantage.

24 avril 2017

Un été hongrois

Josse

                                 Sur les conseils d'Asphodèle j'ai découvert Gaelle Josse que j'avais souvent vue à l'honneur sur différents blogs. Ce court roman, presque un opuscule, se déguste comme un fruit frais à l'ombre d'un verger, comme un prélude romantique, comme une jeunesse déjà vacillante. Il y a des livres plaisirs sur lesquels on n'a pas envie de gloser. Un été à quatre mains, quelques mois de la vie de Franz Schubert, donnant des leçons à deux demoiselles aristocrates au coeur de la campagne hongroise, 1824, est un pur délice qu'on croque en une heure et demie. Franz n'a déjà plus que quatre ans à vivre.

                                La cadette Esterhazy, Caroline, vingt ans, sera pendant cette saison à la lisière de l'amour pour Franz. Leurs épidermes se frôlent à quatre mains. Conventions obligent, cette passion naissante n'aura pas le temps de vivre. Schubert, relativement connu à Vienne mais grassouillet, désargenté et malade, n'est manifestement pas un bon parti. Pour le peu de saisons qui lui reste, le vin frais des forêts viennoises, les amis musiciens qui l'aiment comme il est, et la musique qu'il écrira jusqu'à son dernier souffle seront ses compagnons. Les lieder de cet homme, ses trios, ses sonates, sont devenus autant de blues déchirants. C'est pour moi le plus merveilleux compliment.  Ici  Asphodèle tisse une jolie toile en musique pour remercier Gaelle Josse et Franz. Quant à moi j'ai du coup emprunté Le dernier gardien d'Ellis Island.

12 mars 2017

Les désenchantés

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                                Ma chère Val  ici  et moi nous sommes retrouvés pour Tout ce dont on rêvait. Ayant l'impudence d'être née longtemps après moi je ne suis pas sûr qu'elle ait rêvé des mêmes choses que moi. Le livre de François Roux est de ceux qu'on lit très vite. J'avais des réserves sur les premières pages, ne partageant guère d'empathie avec Justine, Alex et Nicolas les deux frères. Pour tout dire j'y croyais un peu trop sentir l'air du temps. Ce couple Nicolas et Justine, elle surtout, très night-club branchouille, ne m'inspirait guère. Le côté fêtard poudreux ne me plaisait pas beaucoup. Mais ce roman va assez vite et l'ellipse nous mène rapidement vingt bonnes années après, deux enfants, dont Adèle, parfaite donneuse de leçons comme je les abhorre, et la star incontestée, le chômage.

                               Nicolas, cadre dynamique approchant la cinquantaine, va connaître comme tant d'autres ce no man's land dont je crois qu'il est toujours difficile d'appréhender l'impact lorsque la menace ne s'en est jamais fait sentir dans sa propre vie. François Roux est habile à tisser ou plutôt à détricoter l'équilibre de Nicolas, en mal de repères aux abords de la cinquantaine et culpabilisant plus que jamais au sujet de la mort accidentelle de ses parents dans un crash aérien. Le couple fait plus que battre de l'aile et Justine s'en sort à première vue un peu mieux, psychologue assez à l'aise professionnellement. Au delà des apparences rien ne va plus. C'est bien normal. Car si elle a encore ses parents ses relations avec son père Joseph (vaguement célinien, pour faire court) sont exécrables et nous valent les meilleures pages, à mon avis, d'une violence verbale assez insoutenable, de  ce roman. En cela Tout ce dont on rêvait se révèle tragiquement ordinaire mais n'en est pas moins vraisemblable. Certes Adèle est tête à claque mais elle a dix-huit ans et on est tellement conformiste à dix-huit ans. Allez, on lui colle une baffe et on espère que ça s'arrangera.

                              Les attentats et la manif géante d'il ya deux ans font l'objet de quelques lignes, qui m'ont semblé particulièrement sans intérêt. Mais c'est le propre, inévitablement,  de tout ce qui a été dit et écrit sur ce sujet. Et j'ai sur ce gigantesque élan populaire un avis iconoclaste. Mais parfois il convient de se taire.

23 février 2017

La poésie du jeudi, François-René de Châteaubriand

 Poésie du jeudi

La forêt

Forêt silencieuse, aimable solitude,
Que j’aime à parcourir votre ombrage ignoré !
Dans vos sombres détours, en rêvant égaré,
J’éprouve un sentiment libre d’inquiétude !
Prestiges de mon cœur ! je crois voir s’exhaler
Des arbres, des gazons une douce tristesse :
Cette onde que j’entends murmure avec mollesse,
Et dans le fond des bois semble encor m’appeler.
Oh ! que ne puis-je, heureux, passer ma vie entière
Ici, loin des humains !… Au bruit de ces ruisseaux,
Sur un tapis de fleurs, sur l’herbe printanière,
Qu’ignoré je sommeille à l’ombre des ormeaux !

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Tout parle, tout me plaît sous ces voûtes tranquilles ;
Ces genêts, ornements d’un sauvage réduit,
Ce chèvrefeuille atteint d’un vent léger qui fuit,
Balancent tour à tour leurs guirlandes mobiles.
Forêts, dans vos abris gardez mes vœux offerts !
A quel amant jamais serez-vous aussi chères ?
D’autres vous rediront des amours étrangères ;
Moi de vos charmes seuls j’entretiens les déserts.

François-René de Chateaubriand, Tableaux de la nature

                                J'ai eu envie de relire un peu le Vicomte. Certes ses forêts sont plus bretonnes que valoises mais j'aime à m'y retrouver parfois. Ou à m'y perdre. Merci à Asphodèle pour tout, et plus encore. Par exemple pour m'avoir fait découvrir un autre poète, contemporain, François Cheng, ce vieux monsieur plein de jouvence, dont je ne résiste pas à vous faire découvrir quelques lignes sur la beauté des choses.

Quand la beauté t'habite

Comment l'assumes-tu?

L'arbre assume le printemps

Et la mer le couchant

Toi, comment assumes-tu

La beauté qui te hante?

26 janvier 2017

La poésie du jeudi, Alphonse Allais

Poésie du jeudi

                                N'ayant pas été particulièrement rigolo dans mes derniers textes j'ai cette semaine donné dans le sourire avec ce poème de l'homme qui voulait construire les villes à la campagne. et qui a écrit parmi des centaines d'aphorismes: "Partir, c'est mourir un peu, mais mourir, c'est partir beaucoup". Les Rimes riches à l'oeil (mais pas à l'oreille) sont un bijou de finesse qui évidemment ne riment à rien. Mais peut-être ces lignes ont-elles déjà été présentées dans notre chère Poésie du jeudi. Comme le temps passe. J'avais proposé il y a déjà trois ans la Complainte amoureuse, tout en imparfaits du subjonctif.

Rimes riches à l'oeil

L'homme insulté‚ qui se retient

Est, à coup sûr, doux et patient.

Par contre, l'homme à l'humeur aigre

Gifle celui qui le dénigre.

Moi, je n'agis qu'à bon escient :

Mais, gare aux fâcheux qui me scient !

Qu'ils soient de Château-l'Abbaye

Ou nés à Saint-Germain-en-Laye,

Je les rejoins d'où qu'ils émanent,

Car mon courroux est permanent.

Ces gens qui se croient des Shakespeares

Ou rois des îles Baléares !

Qui, tels des condors, se soulèvent !

Mieux vaut le moindre engoulevent.

Par le diable, sans être un aigle,

Je vois clair et ne suis pas bigle.

Fi des idiots qui balbutient !

Gloire au savant qui m'entretient

Alphonse Allais

                         Alphonse, également musicien, est l'auteur de cette partition hommage. Je la joue aussi à la guitare mais, lento rigolando comme précisé, ça manque un peu d'Allais, non, d'allant. Et once more thank you Asphodèle.

1280px-Marche_funèbre_composée_pour_les_funérailles_d'un_grand_homme_sourd_-_Alphonse_Allais

 

18 décembre 2016

Itinéraire d'un enfant perdu

 m

                              Chancelant sous les critiques si élogieuses et si nombreuses sur les blogs je me suis attelé à la roulotte du Garçon. En même temps que Valentyne, (La jument verte de Val) une compagne idéale pour ce voyage. Venant après des dithyrambes mon éloge sera un peu moins vibrant mais quand même, quel bouquin! Un flux torrentiel, lit-on parfois, mais un flux qui charrie des images magnifiques d'un bout à l'autre, poétiques, horrifiques parfois puisque Le garçon est aussi un roman sur la Grande Guerre. Parti de rien, puis cahotant avec un lutteur de foire, un hongre tout de sobriété et de cran, le garçon, qui restera sans identité, voyageur sans bagage, le garçon, donc, nous ne le lâcherons plus tant son histoire nous passionne. De champ de foire en marché, du sud au nord, le garçon finira par faire connaissance d'Emma. La passion sera torrentielle et nous vaudra de longues pages (un peu trop) et un enfer (les livres interdits) sur cet amour tant spirituel que charnel. Mais mutique restera le garçon dans identité et sans voix.

                            Extraordinairement écrit et très entraînant (j'aime bien cet adjectif pour un roman qui vous prend et vous emmène) Le garçon me semble idéal et tellement romanesque au bon sens du terme, jouant sur tous les tableaux et les émotions. Il y a dans ce livre du Sans famille, du Paul et Virginie, des réminiscences d'apprentissage, une belle leçon de vie. Et des instants de grâce, musique, érotisme, nature. Marcus Malte entretient avec la musique un rapport à la fois sacré et charnel. On le savait déjà mais là nous sommes dans la symphonie avec choeurs et orchestre sans être jamais noyés. Secoués, meurtris, bouleversés, oui. Nombre de blogs sont revenus sur Le garçon et en parlent souvent avec fougue et talent. Me précipitant sur l'occasion, je n'en citerai qu'un qui ne vous surprendra pas, Les lectures d'Asphodèle, ici .

1 décembre 2016

La poésie du jeudi, Eugène Dabit

Poésie du jeudi

                                 Eugène Dabit est bien oublié. Sauf pour L'Hôtel du Nord et encore, indirectement, car Hôtel du Nord pour l'essentiel, perdant son article au passage, c'est plus Carné, Jeanson, Jouvet, Arletty et une atmosphère. Il a pourtant écrit bien d'autres choses et en particulier ce texte. Je suis d'une région où fleurissent les cimetières, les nécropoles. Y flottent des drapeaux différents, allemand, anglais, français, australien (la mémoire de ce pays des antipodes est particulièrement impressionnante et soignée pour l'entretien de ces lieux de souffrance), canadien, américain, néo-zélandais, chinois (travailleurs civils). Il y a aussi, enterrés là des Sud-Africains, et des Africains pas du Sud. Le monde entier est inhumé près de chez moi.

J'ai été soldat

J'ai été soldat à dix-huit-ans

Quelle misère

De faire la guerre

Quand on est un enfant.

De vivre dans un trou

Contre terre

Poursuivi comme un fou

Par la guerre.

J'usais mon coeur

Aux carrefours crucifiés

Oh mourir dans la plaine

Au soir d'une sale journée.

J'ai connu des cris,

La haine

Des souffrances longues comme une semaine.

La faim, le froid, l'ennui.

Trois années ivres de démence

Plus lourdes à porter qu'un crime

Ma jeunesse est morte en France

Un jour de désespérance.

Tous mes amis ont péri

L'un après l'autre

En quelque lieu maudit

Est notre amour enseveli.

Défunt Lequel le parisien,

Masse et Guillaumin d'Amiens,

Pignatel dit le marseillais

Tous endormis à jamais.

On les a jetés dans un trou

N'importe où

D'en parler mon coeur saigne

Ah que la mort est cruelle

Mon Dieu était-ce la peine

De tant souffrir.

Las je reviens humble et nu

Comme un inconnu,

Sans joie sans honneur

Avec ma douleur

Les yeux brûlés

D'avoir trop pleuré

Pour mes frères malheureux

A ceux qui sont aux cieux

Contre la guerre

A ma mère

Adieu.

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Ecrit pendant la Guerre, Eugène Dabit (1898-1936)

                                   

                                 

3 novembre 2016

La poésie du jeudi, Alfred de Musset

Poésie du jeudi

                                C'est une délicieuse quête de s'en aller à la recherche d'un poème bimensuel. Bien souvent Maître Hasard guide mes pas. Ainsi vagabondais-je, encore un peu italien, sur les traces de quelque transalpin taquinant la muse. Tiens l'Alfred, que je n'avais guère fréquenté depuis des lustres passait par là, causant d'Italie avec son frangin. Hop là! Je leur emboîtai le pas. Mais le poème était un peu long et je décidai de trier un peu, d'élaguer quelques branches. Finalmente je n'eus pas le cran d'éliminer Ferrare ni Florence (ça on s'en serait douté), mais pas plus Milan, Ravenne, Padoue, Gênes, Venise, Syracuse... C'est ainsi que, mais c'est comme toujours la faute de notre si chère Asphodèle, vous serez amenés, enfin si vous le voulez, à lire dans l'intégralité A mon frère revenant d'Italie, sublime poème d'amour pour un pays, d'un des célèbres Enfants du Siècle avant-dernier. J'en aime les mots et j'en aime le rythme.

 

A mon frère revenant d'Italie

 

Ainsi mon cher tu t'en reviens

Du pays dont je me souviens

Comme d'un rêve 

De ces beaux lieux où l’oranger

Naquit pour nous dédommager

Du péché d’Ève.

 

Tu l’as vu, ce ciel enchanté

Qui montre avec tant de clarté

Le grand mystère ;

Si pur, qu’un soupir monte à Dieu

Plus librement qu’en aucun lieu

Qui soit sur terre.

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Tu les as vus, les vieux manoirs

De cette ville aux palais noirs

Qui fut Florence,

Plus ennuyeuse que Milan

Où, du moins, quatre ou cinq fois l’an,

Cerrito danse.

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Tu l’as vue, assise dans l’eau,

Portant gaiement son mezzaro,

La belle Gênes,

Le visage peint, l’oeil brillant,

Qui babille et joue en riant

Avec ses chaînes.

 

Tu l’as vu, cet antique port,

Où, dans son grand langage mort,

Le flot murmure,

Où Stendhal, cet esprit charmant,

Remplissait si dévotement

Sa sinécure.

 

Tu l’as vu, ce fantôme altier

Qui jadis eut le monde entier

Sous son empire.

César dans sa pourpre est tombé :

Dans un petit manteau d’abbé

Sa veuve expire.

 

Tu t’es bercé sur ce flot pur

Où Naples enchâsse dans l’azur

Sa mosaique,

Oreiller des lazzaroni

Où sont nés le macaroni

Et la musique.

 

Qu’il soit rusé, simple ou moqueur,

N’est-ce pas qu’il nous laisse au coeur

Un charme étrange,

Ce peuple ami de la gaieté

Qui donnerait gloire et beauté

Pour une orange ?

 Catane

Catane et Palerme t’ont plu.

Je n’en dis rien ; nous t’avons lu ;

Mais on t’accuse

D’avoir parlé bien tendrement,

Moins en voyageur qu’en amant,

De Syracuse.

oreille-de-denys

Ils sont beaux, quand il fait beau temps,

Ces yeux presque mahométans

De la Sicile ;

Leur regard tranquille est ardent,

Et bien dire en y répondant

N’est pas facile.

 

Ils sont doux surtout quand, le soir,

Passe dans son domino noir

La toppatelle.

On peut l’aborder sans danger,

Et dire :  » Je suis étranger,

Vous êtes belle.  »

 

Ischia ! C’est là, qu’on a des yeux,

C’est là qu’un corsage amoureux

Serre la hanche.

Sur un bas rouge bien tiré

Brille, sous le jupon doré,

La mule blanche.

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Pauvre Ischia ! bien des gens n’ont vu

Tes jeunes filles que pied nu

Dans la poussière.

On les endimanche à prix d’or ;

Mais ton pur soleil brille encor

Sur leur misère.

 

Quoi qu’il en soit, il est certain

Que l’on ne parle pas latin

Dans les Abruzzes,

Et que jamais un postillon

N’y sera l’enfant d’Apollon

Ni des neuf Muses.

 

Il est bizarre, assurément,

Que Minturnes soit justement

Près de Capoue.

Là tombèrent deux demi-dieux,

Tout barbouillés, l’un de vin vieux,

L’autre de boue.

 

Les brigands t’ont-ils arrêté

Sur le chemin tant redouté

De Terracine ?

Les as-tu vus dans les roseaux

Où le buffle aux larges naseaux

Dort et rumine ?

 

Hélas ! hélas ! tu n’as rien vu.

Ô (comme on dit) temps dépourvu

De poésie !

Ces grands chemins, sûrs nuit et jour,

Sont ennuyeux comme un amour

Sans jalousie.

 

Si tu t’es un peu détourné,

Tu t’es à coup sûr promené

Près de Ravenne,

Dans ce triste et charmant séjour

Où Byron noya dans l’amour

Toute sa haine.

Theodora_mosaik_ravenna

 C’est un pauvre petit cocher

Qui m’a mené sans accrocher

Jusqu’à Ferrare.

Je désire qu’il t’ait conduit.

Il n’eut pas peur, bien qu’il fît nuit ;

Le cas est rare.

cathédrale-de-Ferrare

Padoue est un fort bel endroit,

Où de très grands docteurs en droit

Ont fait merveille ;

Mais j’aime mieux la polenta

Qu’on mange aux bords de la Brenta

Sous une treille.

 

Sans doute tu l’as vue aussi,

Vivante encore, Dieu merci !

Malgré nos armes,

La pauvre vieille du Lido,

Nageant dans une goutte d’eau

Pleine de larmes.

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Toits superbes ! froids monuments !

Linceul d’or sur des ossements !

Ci-gît Venise.

Là mon pauvre coeur est resté.

S’il doit m’en être rapporté,

Dieu le conduise !

 

Mon pauvre coeur, l’as-tu trouvé

Sur le chemin, sous un pavé,

Au fond d’un verre ?

Ou dans ce grand palais Nani ;

Dont tant de soleils ont jauni

La noble pierre ?

 

L’as-tu vu sur les fleurs des prés,

Ou sur les raisins empourprés

D’une tonnelle ?

Ou dans quelque frêle bateau.

Glissant à l’ombre et fendant l’eau

À tire-d’aile ?

 

L’as-tu trouvé tout en lambeaux

Sur la rive où sont les tombeaux ? I

l y doit être.

Je ne sais qui l’y cherchera,

Mais je crois bien qu’on ne pourra

L’y reconnaître.

 

Il était gai, jeune et hardi ;

Il se jetait en étourdi

À l’aventure.

Librement il respirait l’air,

Et parfois il se montrait fier

D’une blessure.

 

Il fut crédule, étant loyal,

Se défendant de croire au mal

Comme d’un crime.

Puis tout à coup il s’est fondu

Ainsi qu’un glacier suspendu

Sur un abîme…

 

Mais de quoi vais-je ici parler ?

Que ferais-je à me désoler,

Quand toi, cher frère,

Ces lieux où j’ai failli mourir,

Tu t’en viens de les parcourir

Pour te distraire ?

 

Tu rentres tranquille et content ;

Tu tailles ta plume en chantant

Une romance.

Tu rapportes dans notre nid

Cet espoir qui toujours finit

Et recommence.

 

Le retour fait aimer l’adieu ;

Nous nous asseyons près du feu,

Et tu nous contes

Tout ce que ton esprit a vu,

Plaisirs, dangers, et l’imprévu,

Et les mécomptes.

 

Et tout cela sans te fâcher,

Sans te plaindre, sans y toucher

Que pour en rire ;

Tu sais rendre grâce au bonheur,

Et tu te railles du malheur

Sans en médire.

 

Ami, ne t’en va plus si loin.

D’un peu d’aide j’ai grand besoin,

Quoi qu’il m’advienne.

Je ne sais où va mon chemin,

Mais je marche mieux quand ma main

Serre la tienne.

Alfred de Musset (1810-1857)

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                                Si ces vers sont bien d'Alfred de Musset les voyages, eux, étaient bien ceux de Paul (1804-1880), son frère ainé qui fit de nombreux voyages en Italie et les relata en plusieurs volumes dans les années 1860.

31 octobre 2016

Comme un devoir

                                Ce trimestre, Valentyne Si le grain ne meurt – André Gide et moi avons fait dans le classique contemporain. Oui, nous avons lu Gide, qu'elle n'avait que peu abordé, et moi pas du tout. Le hasard est souvent notre complice et les disponibilités des bibliothèques  aussi. Ainsi ce fut Si le grain ne meurt (1920). Pourquoi pas? Il semble que ce livre ne soit pas forcément essentiel dans l'oeuvre d'André Gide, par rapport à L'immoraliste, Les faux-monnayeurs ou Les caves du Vatican. Mais personnellement je tenais à lire au moins une fois un de ces écrivains du siècle dernier, qui fut une star à sa manière, un maître à penser, le pape de la NRF. Un nom qui reste, un écrivain qu'on ne lit plus dans le métro. D'ailleurs on ne lit plus dans les transports. Gide fait dans Si le grain ne meurt le récit de ses jeunes années, austère famille protestante, enfance marquée et adolescence accablée, nerfs vulnérables. Le jeune Gide avait tout pour souffrir. Ne devait-il pas écrire "Familles, je vous hais" (Les nourritures terrestres)?

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                               Dans cet ouvrage il revient aussi sur son séjour en Afrique du Nord, doublement formateur, puisqu'il en revint guéri et conscient de sa différence à une époque où on ne parlait pas de coming out. Très bien, mais le problème est que tout cela non seulement ne m'a ni bouleversé ni même ému. Intéressé? En fait pas vraiment. Pourtant une soirée chez des paysans d'Uzès, l'évocation de son grand-père, le pasteur Tancrède, nous fait toucher du doigt quelques séquelles des persécutions de jadis en ces terres huguenotes. Quelque chose, là, m'a interpelé. Mais comme les complexes du jeune André, ses omissions et ses ruses vis à vis des médecins, comme les rapports avec ses condisciples de collèges, lycées, comme cette affection pour sa cousine sont restées loin de moi.

                              Lire Gide me fut un peu comme un devoir, une besogne me privant d'autre chose. Déjà au lycée, il y a cinquante ans, nous l'igniorions. Je crois que je je vais m'y remettre. Enfin je veux dire me remettre à l'ignorer. L'ignorer sachant que l'écrivain est immense probablement. Ce n'est pas trop mon affaire. On a le droit à ses errances.

21 octobre 2016

Comtesses au pied léger

Masse critique

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                                C'est pour une fois un livre d'histoire que j'ai reçu de Babelio, ce qui est toujours agréable. Ce rappel très documenté des années noires et de l'adaptabilité remarquable de certains hommes, et, surtout, de certaines femmes, croule sous les références, les noms et les pseudonymes si fréquents. Ainis l'on perd vite pied (enfin moi) devant tant de titres souvent faux, de fonctions dans telle structure ou tel bureau d'achats véreux qui firent florès durant l'Occupation. A un tel point que j'ai peiné à aller au terme de cette lecture.

                               On a vite compris que ces périodes troublées sont idéales aux traffics en tout genre, devises, stupéfiants, influences, marché noir. Que la collaboration horizontale se portait bien. Que des festins voisinaient avec les files d'attente et les jours sans. Mais ce livre s'adresse plus aux chercheurs qu'aux lecteurs. Les Comtesses de la Gestapo et leurs princes consorts, qui auront eu des fortunes diverses, ne m'ont pas convaincu. Plus catalogue de turpitudes vénales que créatures de chair et de sang. Mais c'est sûrement normal pour un livre d'historien.

14 octobre 2016

Beyrouth

Quatrieme mr

                                 J'ai peiné sur le premier tiers du roman de Sorj Chalandon Le quatrième mur. Les faits d'armes ultra-gauchistes m'ont toujours gonflé, insupportables de prétention et donneurs de leçons. Il en est question dans la vie de Georges vers 1980. Heureusement assez vite le roman oblique vers un tout autre évènement, la situation au Liban au moment des massacres de Sabra et Chatila, septembre 82. Sorj Chalandon y était jeune reporter pour Libération. Le fil conducteur du roman est la volonté de Samuel, juif et grec, malade, metteur en scène, de présenter en plein coeur du conflit israélo-palestinien Antigone, la pièce de Jean Anouilh.

                                Georges son ami finit par accepter de prendre le relais et de mettre en scène cette oeuvre créée en 1944 sous l'occupation et qui recueillit des avis très contrastés à l'époque. Variation sur le pouvoir et la révolte d'après Sophocle, Samuel et Georges trouvent à Antigone une totale actualité dans cette zone du monde toujours en ébullition. Rien n'est plus compliqué que ce Proche-Orient en ces années 80 et l'idée est de trouver des interprètes de toutes les minorités de la région. Faire jouer par des acteurs des différents groupes religieux qui s'opposent dans la guerre au Liban : une palestinienne, un chrétien, un druze, un chaldéen. Très difficile de vraiment faire la part des choses, celle de la raison et des fanatismes.

                               Mais quoi qu'il en soit ce voyage au centre de la guerre est poignant et rarement l'enfer sur terre n'aura été si bien évoqué. Le théâtre, le quatrième mur, pour, non pas sauver, mais simplement, oui simplement, pour souffler, modestement. Chalandon ne philosophe pas longuement. Il est homme d'action. De toute façon, là-bas, on n'a pas trop de temps pour ce luxe, la réflexion.

 

 

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