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etats-unis
30 mars 2018

Mots luxes

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                             Un très beau roman, qu'on dira souvent roman d'adolescence, d'initiation, mixte de L'île au trésor et de L'attrape-coeurs. Mais surtout fascinante incursion dans l'univers d'un préado de 13 ans, Miles O'Malley, qui vit à Olympia, extrême Ouest américain, modeste capitale du Washington, sur les bords du Pacifique, ou plus exactement du Puget Sound, bras de mer qui s'infiltre vers le continent. Cette zone est réputée pour sa faune de mollusques et de crustacés. Et Jim Lynch parvient à nous intéresser à l'ahurissante existence de ces curieuses bestioles. Sûr que l'on en apprend de belles sur les hôtes de ce rivage à nul autre pareil. Et c'est déjà une vraie joie de faire connaissance avec le panope, plus gros mollusque du monde, plusieurs kilos et une trompe de près d'un mètre (évidemment annexé comme aphrodisiaque en Asie). Connaissez-vous les dollars de sable (cousins des oursins) et les serpules ( vers ou fleurs, on ne sait pas trop)? Tout cela est d'une verve poétique inattendue. Et le savoir n'est jamais asséné mais distillé comme un doux ressac sur une plage nord-californienne

                            Mais ces côtes pacifiques ne le sont pas toujours et Miles, avec ses découvertes de monstres marins inhabituels, mais c'est le propre de cette microrégion que de receler des curiosités, va se trouver malgré lui au centre d'une polémique, tel un gourou annonciateur d'apocalypse. déferlent sur les plages des touristes, des scientifiques plus ou moins sérieux, l'inévitable secte catastrophiste, et bien sûr des journalistes. Miles, qui peine à grandir, et son copain  Phelps, évidemment une grande asperge, continuent d'arpenter les rivages et de filer à vélo pour recueillir des échantillons grouillants de la vie marine et sous-marine locale. Quoi que travaillé sur le plan hormonal notamment par les seins de sa voisine Angie, d'une vingtaine d'années, accessoirement fille de juge et bassiste vaguement hard rock, Miles en est encore à s'étonner de la présence de certains types de méduses. "Les cinq vélelles connurent un succès instantané. Les puissants vents d'ouest rejetaient fréquemment des milliers de vélelles sur les côtes sablonneuses de l'état du Washington. Sauf que ces petites méduses-qui ressemblent à des spinnakers de voiliers miniatures-avaient visiblement traversé le Paicgique et vogué jusqu'à l'entrée de Skookumchuck Bay, ce qui en faisait des championnes de la navigation."

                            Je l'ai dit plus haut. Je l'ai dit plus haut. Il y a du Jim Hawkins et du Holden Caulfield dans ce gamin de Miles O'Malley. Mais les prestigieux parrainages de Stevenson et Salinger ne doivent pas impressionner ni faire craindre trop de redites. Jim Lynch a su créer un très beau monde original avec des relents d'originel, comme une aube d'humanité, ode à la vie marine et à la vie tout court. A travers Miles et croisant le fer face aux incertitudes de la pollution et aux préjugés tenaces on se prend à espérer de beaux jours sur ces rives pacifiques nord. Et de belles heures à lire Les grandes marées (Gallmeister), premier roman de Jim Lynch, que quelques-uns ont peut-être déjà lu sous le titre A marée basse (Editions des Deux Terres, 2008).

                           

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19 février 2018

Mean woman blues

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Masse critique

                              Case biographie musicale avec Babelio qui m'a fait confiance une fois encore. Cette collaboration est maintenant ancienne et permet de lire ce que peut-être on n'aurait pas lu. Ce qui est évidemment à double tranchant. J'étais plutôt séduit à l'idée de lire une bio d'une des deux grandes prêtresses du blues féminin historique. Car je connais mal l'une comme l'autre (Bessie Smith, Billie Holiday). Au point que je les pensais de la même génération alors que Billie était la cadette de Bessie de vingt ans. Et le nom de Stéphane Koechlin m'évoquait les riches heures du Rock et Folk d'antan où officia longtemps son père Philippe. Mais ce blues s'est avéré un peu mineur et loin d'être indispensable.

                               Le parcours de Bessie Smith (1894-1937) est plutôt classique pour une native du Sud dans le premier tiers du XXème siècle. Chattanooga, Tennessee, famille pauvre et nombreuse, père mort lorsqu'elle avait six ans. De tout cela on se doute bien un peu, de même que l'on imagine les conditions de vie de Dixie et la précocité de Bessie pour certaines choses, le sexe et le show à dire vrai. Tout cela, pour un amateur de blues qui connait davantage les voix mâles, a fait que j'ai trouvé dans Bessie Smith des routes du sud à la vallée heureuse une constellation de noms de chanteuses, de musiciens, de producteurs, d'escrocs et aigrefins divers. Trop. Digressions, et, de blues, pas tant que ça à mon avis. Tant d'instrumentistes sont ainsi évoqués que Bessie finit par se fondre dans la masse. Ce bouquin est un peu comme un marais du Sud, un bayou dont on peine à sortir convaincu.

                              Et le style de Stéphane Koechlin n'est guère enthousiasmant. D'abord il y a quelques fautes d'orthographes disgracieuses. Et il croit indispensable de truffer le livre d'actualités, la plupart concernant des accidents d'automobiles, à l'évidence avant-coureurs de celui qui devait coûter la vie à Bessie Smith. La méthode est un peu curieuse. Ainsi va se disperser cette histoire d'une grande chanteuse, nous laissant sur notre faim et, personnellement, ne m'engageant guère à creuser du côté des autres livres de l'auteur, consacrés à Hendrix, Brian Jones ou Dylan. Et, dans ces cas-là, une seule solution, (re)plonger dans l'écoute de la grande dame pas commode que fut Bessie Smith.

                              En fait on en sait plus sur la solitude en écoutant Empty bed blues et sur la crise des années trente en écoutant Yellow Dog Blues. Vous savez ce qu'il vous reste à faire quant à Bessie, the Blues empress.

11 février 2018

C'est pas tout ça, rendez-moi les Beach Boys

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                            Ce bouquin est lauréat du Pulitzer 2016. Une référence. Méritée. C'est un grand livre. Et les chroniques ont été la plupart du temps très élogieuses. Je maintiens, c'est un grand livre, très bien écrit, qui ne vous lâche guère. A une condition, il faut être soi-même surfeur, et même, à mon avis, surfeur globe-trotter pour l'apprécier à sa juste valeur. William Finnegan, grand reporter,quand il n'était pas  sur les planches, a une plume magnifique pour épouser les rides, les droites et les gauches, décrire ses chevauchées sur les spots du monde entier. Mais vous n'arriverez pas à me faire croire que tant de lecteurs puissent sans s'estourbir le suivre dans ses encyclopédiques circonvolutions de short-board ou de pintail.

                            Nous sommes donc en présence, ça arrive de temps en temps, du chef d'oeuvre quasi illisible. Et pourtant je l'ai lu, j'en suis venu à bout, après force paquets de mer. Mais comme le temps m'a paru long à infiltrer des reefbreaks et à faire des duck-dives. J'en suis épuisé. Il m'a fallu un mois pour parcourir le monde entier en compagnie de Finnegan. J'en ai marre des outside de Madère, des lineup de Samoa, des cutback de Waïkiki. C'est le ton de Jours barbares et c'est peu dire qu'il reste assez peu de place, malgré 520 pages, pour la vie dans les îles du Pacifique Sud, voire les  écoles d'Afrique du Sud ou William Finnegan a trouvé un peu de temps pour enseigner.

                           N'empêche, ce récit a  du souffle, ce souffle vital aux surfeurs de Californie et du reste du monde. Ce monde qui semble tourner à 90% dans le but d'émouvoir les adeptes de ce sport, vaguement philosophie, plus sûrement addiction. On peut lire Jours barbares et le trouver assez fabuleux. C'est mon cas. On peut y avoir sué sang et eau salée. C'est aussi mon cas. On pourra aussi, syndrome d'Ulysse et Joyce, se montrer perplexe quant à ceux qui auraient pris leur pied (goofy foot ou regular foot) sans avoir parfois envie de sortir des rouleaux, un peu compresseurs.

                           M.Finnegan, vous êtes un grand auteur. Je  sais que vous étiez aussi au Soudan ou dans les Balkans. On surfe peu à Sarajevo. Si vous m'en parliez je vous écouterais volontiers. Les rares paragraphes non surfés, par exemple quelques lignes sur les autochtones de Madère, formidables, en sont témoins. En attendant rendez-moi un  le Surfin' U.S.A des Wilson Brothers. C'est un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup. "C'mon! Brian, Carl, Dennis,c'mon!"

                                     

 

11 janvier 2018

You know what? I'm lucky

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                           Ce film est une petite merveille, production modeste et qui se joue des clichés sur l'Amérique tout en utilisant quelques-uns de  ses  stéréotypes. J'ai été très heureux de le faire découvrir aux gens qui n'ont pas regretté d'avoir fait l'effort de sortir un soir de janvier. Premier film mis en scène par l'acteur John Carroll Lynch et dernière apparition du légendaire Harry Dean Stanton (faut-il rappeler le Travis de Paris, Texas?). Cet acteur à la dégaine inimitable n'aura eu dans sa longue carrière que deux premiers rôles. Précisément le film de Wim Wenders, devenu archétype de l'errance, et plus  de trente ans plus tard, ce Lucky. Ce film a été écrit pour le grand nonagénaire émacié et s'inspire de sa vie, disent les  scénaristes. Lucky, dans ce petit bled de poussière et soleil, vit un quotidien sans histoires entre jeux télé très moyens, mots croisés chez Joe's, et gym régulière en caleçon.

                           Au rayon des micro-évènements la disparition de President Roosevelt, la tortue de Howard (David Lynch, étonnant de simplicité), les petites querelles au bar d'Elaine, les insultes de Lucky à l'endroit d'Eve's, autre bar d'où il semble avoir été exclu pour avoir allumé une cigarette. C'est que Lucky joue parfois au misanthrope, en pure perte car en fait tout le monde l'aime bien. Ca pourrait même l'irriter un peu. Mais nous aussi, dans la salle, on l'adore cette petite communauté dans un ouest-sud américain assez bon enfant, même si tout cela  est un peu désargenté. Ancien marine, Lucky échange quelques mots au comptoir avec Fred (Tom Skerrit, pas vu depuis un siècle, formidable), quelques mots  sur la guerre du Pacifique et c'est bouleversant. Et la scène de l'anniversaire chicano est splendide. Lui-même folksinger à l'occasion, harmoniciste et amateur de musique mariachi, Harry Dean Lucky Stanton y est inoubliable. Il est un peu l'homme qui parle aux saguaros, aux criquets, et il restera au moins de ce beau film son sourire superbe, à peine désabusé, dernière image d'un personnage historique du cinéma américain.

                          Sourire également sur le visage des spectateurs, et enthousiasme pour ce film et sa philosophie. Quelqu'un a dit "Sur un cadre western les mots ont remplacé les colts". Un autre "On se prend d'affection pour ce pauvre Howard, esseulé depuis l'escapade de  sa tortue. Mais chut attendez la fin..." Ultime argument, décisif, on y entend Johnny Cash, pas longtemps, mais deux minutes de I see a darkness valent bien le déplacement.

                          Plus qu'ultime argument, je viens de lire chez Sentinelle que Ronnie adore ce film. Moi j'adore ce que dit Ronnie à propos de Lucky.

7 janvier 2018

Le vieux dossier texan

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                                Qu'a pensé mon amie Val (La jument verte de Val) de cette lecture commune? Ils vont tuer Robert Kennedy est un livre très fort, qui vous poursuit et vous amène à vous remettre en question. Depuis longtemps Marc Dugain interroge l'histoire, les gueules cassées de 14-18, Staline, Hoover. A l'heure où l'on vient d'ouvrir de nouveaux documents sur Dallas, ce dont chacun sait bien qu'il ne faut rien attendre, l'auteur a curieusement amalgamé, et je crois que c'est un beau travail, les recherches d'un professeur d'histoire contemporaine sur les assassinats des Kennedy d'une part, et la mort violente de ses propres parents d'autre part. Sa mère, suicidée? Son père, éminent spécialiste de l'hypnose, un an après, mort accidentellement sur la côte californienne? JFK, Dallas, sous les balles de Lee Harvey Oswald? Robert, candidat à la Maison-Blanche en 68, Los Angeles, sous celle de Sirhan Sirhan? Bien sûr, mon âge fait que je me souviens de ça mieux que d'hier. J'avais 14 ans. C'est un facteur qui facilite un peu la lecture de ce roman, car c'en est un. Mais tout de même cette immersion dans les méandres de l'histoire récente est un bain d'intelligence, cette intelligence fût-elle parfois avec l'ennemi, ennemi qui reste à définir.

                               Robert Kennedy est bien sûr la figure principale du livre et Marc Dugain, sans l'idéaliser béatement, en dresse néanmoins un portrait assez favorable. Est-ce justice de nous le décrire, lui, Bob, troisième choix pour le père Joe Kennedy, dont plus personne n'ignore les sinistres penchants carrément pro-hitlériens, comme un homme tout de bonne volonté, ayant à coeur de faire la paix au Vietnam et d'améliorer la vie des petites gens? Je ne me prononcerai évidemment pas. Ce qui est sûr, c'est que Marc Dugain est vraiment un grand écrivain, à la manière très élaborée dont il entremêle les innombrables interconnections de la société américaine des  sixties. On connait un peu les théories complotistes et on finit par se demander qui est complètement innocent de l'assassinat du président Kennedy. Le livre est très riche, Oswald et Ruby, simples marionnettes, ont-ils été utilisé? Et par qui?

                             400 pages après, on n'en sait pas plus sur les meurtres eux-mêmes. Ce n'était pas l'objectif. Mais on croit comprendre que l'assassin est bien identifié. Il s'agit de l'Amérique, immense arbre aux rameaux schizophrènes, et, accessoirement coupable idéal de tant de maux qui permettent à bien d'autres de s'exonérer un peu vite de tout défaut.

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30 octobre 2017

Un ange est passé, un peu maudit

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                             45 ans séparent la rencontre de Ligeia et des frères Bill et Eugene dans une bourgade des Appalaches, en Caroline du Nord, et la découverte des ossements de cette dernière. Elle avait dix-sept ans et su tourner la tête aux deux frangins sous la coupe de leur grand-père médecin et notable local, peu enclin aux nouveautés de la fin des sixties, ni en musique ni en libertés. Ligeia est presque un archétype, celui de la jeune fille moderne et qui se lance à corps perdu dans les expériences toute fraîches. Dame, c'est bon  de vivre cette époque du presque tout est permis. Manque un peu de jugeote la Ligeia. Et là intervient mon inamovible couplet sur la similarité entre la rebellion et la convention. A savoir que des milliers de jeunes crurent se singulariser en faisant appel à la chimie des paradis artificiels et tombèrent vite, très très vite pour certains, dans la triste banalité des chambres d'hôtel d'où l'on ne se réveille guère. Fin d'aparté.

                            Ron Rash n'a besoin que de 200 pages pour aller à l'essentiel. A savoir que c'est un peu un ange exilé qui a bouleversé la vie des frères.  L'ange exilé (Look homeward Angel) est aussi le titre du roman posthume de Thomas Wolfe, auquel Par le vent pleuré (The Risen) fait référence. Thomas Wolfe est une icône de la littérature américaine que peu de gens ont finalement lue. Je vais quant à moi essayer de pallier cette carence. Ce n'est pas vraiment la rivalité ni la jalousie qui vont dégrader la fratrie au contact de la très libérée Ligeia. Plutôt une différence d'appréciation peut-être due aux quelques années qui les séparent. Au bout du compte, quarante ans plus tard, l’écart entre les deux frères ne s'est plus jamais réduit jusqu'à leur mise en cause concernant l'éventuel meurtre de la jeune fille. Bill est un chirurgien réputé, engagé socialement, bon père de famille. Eugene est un écrivain qui n'a pas écrit grand-chose, alcoolique en rupture avec sa femme et sa fille. Caïn et Abel en quelque sorte.

                           Comme bercé pas les effluves rock  de Jefferson Airplane ou Moby Grape, et moi, rien que de lire ces noms dans un roman m'emporte déjà, le beau récit de Rash, sans être inoubliable, instille une petite musique qui m'a touché, de celles qui sinuent tout au long d'une vie, la mienne, ou celle de ces deux frères tout deux brisés, chacun à sa manière. Le fait que ce soit complètement ma génération n'y est bien sûr pas étranger.

L'avis d'Eva  Tu vas t'abîmer les yeux (que je viens  de découvrir).

16 octobre 2017

Subterranean rhapsody in blues

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                                     Encensé par la presse française lors de la rentrée littéraire Underground Railroad est effectivement un bon livre. Pas tout à fait l'oeuvre majeure comme le disent certains. Il faut dire que Ballades pour John Henry m'avait tellement sonné il y a quelques années que j'ai trouvé ce dernier roman un peu plus appliqué. Je crois que le sujet est un peu connu maintenant, du moins pour ceux qui suivent les parutions car on en a pas mal parlé et il se vend assez bien. Ce fameux Underground Railroad est en fait le réseau mis en place vers 1850 par les abolitionnistes américains pour faire évader les esclaves noirs des plantations du Sud. Point commun avec le working class hero John Henry, on finit par ne plus démêler le vrai du faux, la légende de la réalité. Alors imprimons la légende (John Ford mais vous savez tous ça).

                                   Cora est une jeune esclave en fuite qui traversera plusieurs états depuis la Georgie et connaitra des fortunes diverses tout au long de ce fameux réseau dont Colson Whitehead nous conte les détails de fonctionnement avec  ses gares, ses chefs de train, ses tunnels, tout cela avec une belle imagination. Mais du ferroviaire l'organisation possède surtout la terminologie  et c'est d'ailleurs assez fascinant. Quoi qu'il en soit Underground Railroad a le souffle d'une locomotive performante et les ramifications d'une carte secrète. Habilement construit tant sur le plan chronologique que géographique le périple de Cora s'avérera épique et dangereux, tributaire des mauvaises rencontres fréquentes et des bonnes volontés, plus rares. La haine et le mépris pouvant prendre différents visages, la crédulité aussi.

                                  Une  expérience de ferme participative dans l'Indiana sera cruciale dans  le destin de Cora. N'en disons pas trop, le voyage au coeur américain du XIXème Siècle, se lit comme un roman, un grand roman qu'il est, et qui explore en une parabole qui frôle le fantastique, voire plus, avec ce train fantôme surgissant de nowhere, la face sombre de la construction d'un empire presque galactique où le grandiose a souvent chevauché avec l'abject. Comme partout. Je crois savoir qu'une série devrait être tirée rapidement de ce chemin de fer clandestin, sous la houlette de Barry Jenkins (oscarisé pour Moonlight).

Ce qu'en  a pensé Claudialucia  ici

                                   

                          

                                  

 

 

 

2 juin 2017

West Coast Promotion

Un verre

                               Roman posthume de Don Carpenter, écrivain que l'on redécouvre ici, 10-18 en soit remerciée, Un dernier verre au bar sans nom est mon quatrième livre de cet auteur. J'ai chroniqué ces trois autres romans. Avec beaucoup d'enthousiasme La promo 49, avec ennui Deux comédiens, avec intérêt mitigé Sale temps pour les braves. Mais ce dernier verre m'a régalé. Je pense au Bison qui devrait apprécier ce tableau de groupe de la Côte Ouest, une douzaine d'années fin fifties début sixties. Don Carpenter arrive après la génération beat, Kerouac, Burroughs, Ginsberg. Il n'est pas un écrivain de la route, plus proche de Richard Brautigan. Comme beaucoup Carpenter a cafouillé un peu du côté d'Hollywood sans laisser beaucoup de traces.

                              Dans Fridays at Enrico's (en V.O.) il nous immerge dans la vie littéraire et libertaire de cette bohème californienne des années soixante juste avant l'explosion flower. Un couple, Jaime et Charlie, tous deux écrivains, Jaime plus douée que Charlie, entre succès d'édition et impuissance créatrice.  Tout ce bobo monde est remarquablement bien campé par Carpenter qui connait le sujet. Et puis il y les autres, les amis, souvent rivaux, Dick, Stan, parfois passés par la case prison, toujours par l'inévitable et si conformiste case paradis artificiels, ça  me fatigue ça. Certains feront même fortune, piscine et "parties", en quête de ce qui pourrait ressembler au bonheur. Cette "pursuit of happiness" se révèle la plupart du temps "so vain". Je sais, j'ai truffé de mots anglais mais honnêtement ce livre est tellement  West Coast... (tiens, je recommence).

                            C'est donc une formidable balade dans cet univers de marginaux parfaitement snobs, n'ayant pas peur des contradictions, mal à l'aise dans le milieu mais crachant rarement sur les royalties. C'est aussi un roman écrit par un Carpenter malade et déprimé qui, on le sait, rejoindra son vieux pote Brautigan dans l'ultime nuit volontaire. Le plus difficile dans ce beau roman est de ne pas s'effondrer de nostalgie, de ne pas céder aux sirènes du Pacifique et du c'était mieux avant. Et puis après tout on s'en fout. Ce texte est souvent très fort et on les aime ces semi-losers qui ont été là, sur Laurel Canyon, finalement au bon endroit au bon moment. Je vous conseille d'y faire un tour. Moi, j'ai aimé, bien que ma West Coast à moi soit plutôt seventies et se réfère surtout aux musiciens. 

30 mai 2017

Allman will be brothers now

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                            Gregg Allman (1947-2017). Deep down in rockin' South. Très modeste tribut.

6 mai 2017

A propos d'un balayeur des rues

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                                Cette fois ma chère  Val et moi nous sommes attelés aux 768 pages (en 10-18) de La mémoire est une chienne indocile, traduction littérale de The street sweeper, ahurissant n'est-il pas, de l'Australien Elliot Perlman. C'est une opération qui, en ce qui me concerne, a pris du temps. C'est un roman qui revient sur la Shoah, mais par des voies multiples qui égareraient presque le lecteur. Pourtant ce livre ne manque pas de grandeur pour peu que l'on s'attache avec soin aux différentes approches de l'horreur, de sa mémoire et de son enseignement. N'ayant pas lu Les bienveillantes de Jonathan Littell je ne peux comparer mais Elliot Perlman va très loin dans son analyse précise et quotidienne des camps. Parfois la sinistre comptabilité d'Auschwitz est insoutenable à la simple lecture et ce livre est vraiment très éprouvant. On mesure le travail de documentation qu'a dû effectuer l'auteur.

                              Mais la solution finale n'est qu'une des dimensions de cette oeuvre, fleuve et phare. Lamont Williams, balayeur des rues, est un modeste Afro-américain en probation post-prison qui recueille à l'hôpital les souvenirs d'un vieillard en phase terminale. Henryk Mandelbrot est un survivant d'Auschwitz. Par ailleurs, Adam Zignelik, professeur d'histoire, lui-même juif, exhume les premiers témoignages sonores de rescapés de l'Holocauste. Mais La mémoire... brasse bien d'autres thèmes et tisse une toile assez prodigieuse, laquelle enserre le lecteur et lui donne furieusement envie d'en savoir plus malgré la complexité parfois technique du texte. Notamment les pages sur la question, qu'Adam étudie aussi de très près, de la présence des noirs américains lors de la libération des camps. On connait la récurrence et le trouble de cette interrogation dans (une partie de) la société américaine.

                            Allant et venant sur les décennies, comme toute mémoire, The street sweeper photographie aussi l'Amérique de notre instant, difficulté de réinsertion de Lamont, racisme ordinaire, quelques beaux moments aussi sur le très grand âge quand Adam visite de très rares survivants dans une maison de retraite de Melbourne (les fameuses boîtes à mémoire, Hannah qui réclame de l'eau comme en douce, encore un peu à Auschwitz), rigidité de systèmes éducatifs, Adam mis en cause en tant qu'enseignant, tyrannie des publications. Et une foule d'autres choses sur le mal vivre de tous ces personnages, nombreux à traverser le siècle, certains très peu de temps, vivants, morts, conscients ou non. Ils sont juifs, ils sont noirs, d'ici ou d'ailleurs, leurs grands-parents, leurs ancêtres ont vécu l'horreur. Nul n'en est indemne. 

                         La mémoire est une chienne indocile. Elle ne se laisse ni convoquer ni révoquer,  mais ne peut survivre sans vous. Elle vous nourrit comme elle se repaît de vous. Elle s'invite quand elle a faim, pas lorsque c'est vous l'affamé. Elle obéit à un calendrier qui n'appartient qu'à elle, dont vous ne savez rien. Elle peut s'emparer de vous, vous acculer ou vous libérer. Vous laisser à vos hurlements ou vous tirer un sourire.

                        On ne résume pas un tel livre. C'est le livre qui vous prend dès les premières lignes, dans le bus de Lamont, et ne vous lâche plus beaucoup. Le voyage est long, parfois compliqué, emprunte des méandres et bute sur des impasses. Et puis un jour, un beau jour finalement, un historien juif, une jeune oncologue, nommée Washington, et un modeste balayeur décident de se parler. C'est une lecture indispensable. Et j'ai eu tort de persifler sur le titre français.

P.S. Je dédie cette chronique à Karel Schoeman dont j'apprends à l'instant la disparition (samedi 6 mai, 19h). Ce Sud-africain était un écrivain fabuleux. D'ailleurs sa photo est depuis longtemps ici présente, en bas à droite, en tête de mes écrivains majeurs. Et ses romans ne sont pas sans rapport avec la mémoire ou le racisme. Ils sont en tout cas d'une profondeur...

                           

 

 

 

                  

2 mai 2017

Sept fois deux

                         Je reviens juste avec quelques mots sur ce septennat cinéma que je viens de terminer. Il s'agissait d'explorer, modestement, l'alchimie très particulière, parfois l'osmose, entre un cinéaste et son actrice de référence. 10h30 d'intervention avec quelques extraits de films ne se résument pas facilement. Alors, en quelques lignes et quelques photos, si vous le voulez bien, mon sentiment. Et mes remerciements au public, constitué de fidèles essentiellement qui me suivent depuis pas mal d'années.

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                         Marlene ne serait rien sans Josef von Sternberg mais les films de Sternberg sans Marlene sont en général à peu près sans intérêt. Délaissant un peu L'Ange Bleu j'ai privilégié le mélo des sables Morocco. C'était un temps déraisonnable où la légion était de mise. Pour les beaux yeux de Gary Cooper Dietrich jette ses chaussures et rejoint l'escouade sur le sable chaud. Elle prend une chèvre en laisse et avec quelques autochtones accompagne les hommes. Filmé à travers cette ogive mauresque, inoubliable. Le film fut distribué en France sous le titre Coeurs brûlés. Si ça vous fait pas fondre...

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                        Ensemble séparés, souvent notre lot. Toute l'incompréhension entre Ingrid Bergman et George Sanders dans le sublime Voyage en Italie. Corps calcinés de Pompéi, âmes en perdition divisées par quelques marches. Le scandale du cinéma mondial de l'après-guerre. Roberto Rossellini maître du Néoréalisme, catholique père de (bonne) famille et la star suédoise adoubée et adulée par Hollywood. Plus dure sera la chute.

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                      Tourmente et tourments dans le cinéma et dans la vie d'Ingmar Bergman et Liv Ullmann. Ici dans L'heure du loup. L'île de Farö réceptacle idéal des interrogations du maître. L'occasion pour moi, pas le meilleur connaisseur de Bergman, loin s'en faut, de me familiariser un peu avec son oeuvre unique, et d'en proposer à l'auditoire une approche accessible. J'avais un bel outil pour ça, le DVD du metteur en scène indien Dheeraj Akolkar, bouleversant document sur le couple, guidé par Liv elle-même.

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                   Dernier volet de la tétralogie existentielle que d'aucuns considèrent comme nihiliste et que je tiens pour essentielle, le moins connu, Le désert rouge où Monica Vitti, dans la banlieue industrialisée de Ravenne, dynamite le personnage de la femme italienne. A sa manière, au début des années soixante, Michelangelo Antonioni changeait l'Italie. Loin des girondes Sofia ou Gina, des verbes hauts, et des rondeurs de marchés, ainsi parut Monica, ici dans la griseur des choses.

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                  John Cassavetes et Gena Rowlands, autre couple en fusion fission, nous ont conduits plusieurs fois aux lisières. Ce cinéma américain, en quasi autonomie, est une merveille d'étude clinique dans Gloria, dans Love streams et plus encore dans Une femme sous influence. Son personnage de Mabel, en permanence sur le fil du rasoir, nous bouleverse tant Gena parvient à maîtriser les excès souvent inhérents à ces types de rôle.

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                   Woody Allen m'avait téléphoné pour me proposer Mia Farrow. Je lui ai préféré Diane Keaton, si élégante dans Annie Hall (Hall était le vrai nom de Diane Keaton). Peut-être les plus belles années de M. Allan Stuart Konigsberg, où le célèbre piéton binoclard de Big Apple trouve à mon avis l'état de grâce. Elle irradie aussi dans Manhattan et dans l'hyperbergmanien et sans une once d'humour Intérieurs que je recommande spécialement à ceux qui l'ignoreraient.

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                   M. le Président du Festival de Cannes 2017 n'a certes pas constitué avec Carmen Maura un couple tel qu'on l'entend généralement. A titre exceptionnel j'ai inclus l'oeuvre commune de la riche héritière Carmen et du modeste fils d'une famille rurale de la Mancha dans ce florilège du syndrome de Pygmalion évoquant l'artiste et sa créature. Et c'est dans leur troisième film ensemble (il y en a sept), Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça! que j'ai trouvé la Maura réellement bouleversante. Assez éloigné de l'esprit BD des tout premiers opus ce film hisse l'actrice au rang d'icône, de mère courage, de femme forte dans un univers d'hommes, une Magnani espagnole, une oubliée de la Movida. Pour moi, le meilleur film de la première période d'Almodovar.

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                  Ce fut pour moi une belle expérience que d'assurer de mon mieux cette sorte de "formation continue" du Septième Art, sans aucune qualification que celle d'un amateur de longue date. C'est aussi pour moi la chance de revoir et rerevoir des films anciens, et dans l'immense majorité des cas, de les apprécier plus encore. Parfois aussi de mieux connaître l'univers d'un cinéaste que j'avais a priori pas mal négligé (Pedro Almodovar, allez savoir pourquoi, probablement parce que j'ai toujours coché la case Italie depuis des décennies de cinéma). Merci aux organisateurs de ces universités du temps libre (elles ont changé de nom) et merci à mes "étudiants" toujours très attentifs.

19 avril 2017

Géographie: codicille

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               Il y a de bonnes nouvelles parfois. Sunny afternoon today. Ray Davies, Sir Ray Davies (72 balais, maître à penser de The Kinks), sort un nouvel album. Called Americana. Des membres de Jayhawks l'accompagnent fort bien. On ne saurait mieux conclure pour garer le Greyhound. Et toi, Ray, es-tu enfin paisible?

               I wanna make my home

               Where the buffalos run

               In that green panorama

28 mars 2017

Chants du Cygne

Masse critique

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                               Snobissimo, le milieu dépeint par Melanie Benjamin, au coeur d'un New York palpitant, mais huppé puisque Les Cygnes de la Cinquième Avenue sont les femmes les plus fortunées, les mieux mariées, les plus élégantes de la Big Apple. C'est ainsi que les appelle le maître d'oeuvre de cette mise en scène, le grand ordonnateur des fêtes les plus dispendieuses en ces années soixante. Truman Capote, vous l'aviez reconnu, le célébrissime auteur de Breakfast at Tiffany's et de De sang froid, accessoirement connu comme une langue de vipère à la prose assassine. Je me méfiais bien un peu de cette incursion de plus de 400 pages au coeur de la jet set newyorkaise de cette époque, craignant de m'y sentir mal à l'aise et surtout de m'y ennuyer prodigieusement entre cocktails, défilés de mode et yachts caribéens. D'ailleurs je n'ai lu ce roman, en épreuves non corrigées, que dans le cadre de Masse critique de Babelio que je remercie. Or Les Cygnes de la Cinquième Avenue s'est révélé un excellent bouquin, bien plus profond que je ne l'imaginais.

                              La vie de Barbara "Babe" Paley, la plus emblématique de ces dames, toute entière vouée au luxe et au paraître, alors même qu'elle évoque très peu par exemple les quatre enfants de ses deux mariages, est distillée par Melanie Benjamin quaisment à l'aune, unique et exclusive, de sa rencontre et de son amitié avec Truman Capote, ce personnage ambigu, tout en fascination-répulsion, grand talent littéraire et insupportable cabotin. Il faut se rappeler l'omniprésence, au coeur de l'intelligentsia de la Côte Est, de Capote, à la fois histrion et intello, passionné par le meurtre gratuit perpétré par deux jeunes hommes dans le Kansas ( cela donna  De sang froid, livre de Capote, puis film de Richard Brooks), fashion victim, icône gay avant l'heure, ami de tout le gratin de Jackie Kennedy à Andy Warhol, bref de tout ce qui comptait dans la jungle urbaine branchée. Il faut lire notamment les pages sur le célèbre Bal en noir et blanc donné par Truman, où l'on croise Sinatra et Bacall (ce roman n'est pas avare en name dropping). Bouffi et extravagant, moulinant de grands gestes, Capote va finir par blesser la belle faune de là-bas, ses chers cygnes glissant apparemment sans effort de cocktails en vernissages. Son recueil Prières exaucées ne paraîtra vraiment qu'après sa mort. Mais quelques-uns des textes qui le composent seront lisibles dans le magazine Esquire. Devenu la caricature de lui-même, cynique et pathétique, il  dépeint, à peine masqué, ses chères et tendres amies dans la nouvelle La Côte Basque (c'est le nom d'un restaurant de prestige). Ce sera la fin de ses relations avec Babe, mais aussi les autres, Slim, Gloria, C.Z., etc...

                              Meurtris, ces fameux Cygnes de la Cinquième Avenue qui n'ont bien sûr rien d'oies blanches, vont ainsi vieillir, bientôt malades, et affronter un ennemi inachetable par leurs différents, successifs et richissimes époux. C'est toute cette histoire courant sur une douzaine d'années, et leurs rapports avec Truman Capote, grand écrivain et serpent venimeux, que raconte très bien Melanie Benjamin. C'est un éloquent portrait de groupe avec chute d'une société aux commandes, ou qui croit l'être, ce qui n'évite pas forcément l'essoufflement et le crash final.

                            "La poitrine de Truman ressemblait à celle d'un ange, si innocente, la peau si blanche, entièrement recouverte d'un  fin duvet doré qui semblait l'éclairer d'une lueur éthérée. Ses biceps étaient étonnament bien dessinés et, avec son visage boudeur, son regard rêveur, il aurait pu passer pour un Adonis, si ce n'atait ce ventre légèrement grassouillet".

 

17 mars 2017

Born on the bayou

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                     Pardon à mes amis de Creedence Clearwater Revival mais je n'ai pas résisté. Pour certains ce sera  plutôt Dead on the bayou dans cette aventure à la couverture illustrée  d'Al.E.Gator. La Barataria est le personnage central des Maraudeurs, sorte d'entité amphibie faite de bras morts, de mangroves, de pêcheurs de crevettes et de pétrole voisin. Mais attention, Katrina est passée par là. Ruine, pollution et déchets à toutes les profondeurs. Ajoutez des jumeaux, disons brutaux, un manchot chercheur de doublons datant de la splendeur pirate louisianaise, et quelques autres specimen de la faune locale au QI inférieur à l'oppossum si courant dans les cheniers des bayous. Ces gars là font pas dans la tendresse et le zydeco des cajuns n'a guère adouci leurs moeurs.

                    Quatre cent pages tambour battant, qui seront expédiées très vite tant les moustiques et les serpents mocassins vous talonneront les mollets et ainsi vous aurez vécu une super aventure au coeur des bayous du delta, sur les traces du boucanier français Jean Lafitte. C'est que la grande histoire s'invite aussi au festin de gombos et mint juleps et les noms français abondent dans ce festival où se cotoient les épices les plus fines et de méphitiques marais qui se referment bien vite sur certains protagonistes. C'est aussi un roman qui n'occulte pas les misères de ce Deep South et son quasi abandon depuis l'ouragan. James Lee Burke, entre autres, a beaucoup raconté le pays dans ses polars. La Nouvelle-Orleans, cette métropole déchue y apparait gangrenée comme jamais, et pas seulement sur le plan bactériologique. L'essentiel des péripéties des Maraudeurs se déroule dans la bourgade de Jeanette, où un bateau, si vieillot soit-il, constitue le meilleur moyen de survie, en même temps qu'un danger permanent vu les créatures visqueuses, venimeuses, ou squameuses qui hantent la Barataria.

                  Embarquez, moussaillons, sur l'un des rafiots du capitaine Tom Cooper, qui pour son premier roman, et avec quelle énergie, mêle allégrément coups fourrés, trafics divers, chasse au trésor, rêves de fortune et beaucoup d'humour. Méchamment hilarant, ne ment pas la quatrième de couv. Laisse le bon temps rouler!

7 mars 2017

Jackie and Chet

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                               C'est Jackie qui ouvrait le bal ce lundi 27 février, le film du Chilien Pablo Larrain (Neruda il y a peu) présenté par l'ami Philippe. Consacré uniquement à quelques jours de la vie de Jacqueline Kennedy après l'attentat de Dallas (1963) le film s'ouvre sur l'entretien d'un journaliste de Life avec la Première Dame. Qu'on ne s'y trompe pas, on ne sera pas dans la chronique d'un deuil en très haut lieu, à lire dans la salle d'attente du gynécologue. J'ai volontairement cité cette spécialité tant le propos aurait pu être typique d'un magazine féminin de ces années là. Bien sûr la garde-robe est réussie et la Maison-Blanche... blanche. Mais Jackie est un film vraiment intéressant, traquant au plus près l'après drame, cathodique pour la première fois.

                                Au fil de ces quelques heures le statut de Jackie pourrait très vite changer tant la Roche Tarpéienne est près du Capitole. Cette fragilité se juge à l'aune du pouvoir médiatique américain, omniprésent comme jamais avant ces années soixante. On sait maintenant ce qu'il peut en être, non bien sûr de l'assassinat de JFK, mais des risques induits par la spectacularisation de la politique. Le débat fut de bonne tenue à mon avis, entre les anciens, dont hélas je suis, qui ont connu l'évènement et savent tous précisément comment ils l'ont appris, et les plus jeunes qui n'ont jamais eu l'occasion de pratiquer le culte Kennedy, dont on sait maintenant qu'il était pour le moins excessif. Les icônes ont en effet tombées, après les hommes de chair et de sang. Et l'on sait tous le côté moins éclairé de cette monarchie à l'américaine, cette famille royale made in USA. Moins éclairé constituant une litote.

                               Une  excellente soirée où le public évoqua tour à tour le rôle assez odieux du père, Joseph Kennedy, les troubles relations de la famille, les addictions du président, l'incontournable J. Edgar Hoover, et la mort l'année précédente de Marilyn. Nous n'avons pas tout résolu. Mais Princeecrannoir et Sentinelle ont vu Jackie avant moi et vous en parlent fort bien ici  et .

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                               Pour Chet Baker, que je présentais avec un jazzeux du coin qui à l'habitude de conter l'histoire du jazz, le public était un peu différent de nos lundis usuels. Les fans de jazz, qui ne sont pas tous cinémanes, avaient grossi les troupes. Là,il me faut faire très attention. Je sais que notre ami Le Bison veille et qu'il ne plaisante pas avec le Chet. Born to be blue, premier film du Canadien Robert Budreau évoque quelques années de la vie du célébrissime trompettiste et chanteur, au moment de l'agression qui devait le briser pour pas mal de temps. Bon, y avait d'autres choses pour le briser tant Baker est l'archétype du surdoué, ange déchu, ravagé, flambeur, génial bien sûr mais irresponsable et naïf en même temps. Et, osons le dire, pas très futé le gars. On s'en balance d'ailleurs, l'intérêt de cet homme étant de l'entendre, ce qui devrait aller de soi s'agissant d'un musicien.

                               Born to be blue souffre comme tout biopic, ou biopic partiel, dirais-je, d'approximations avec la vérité ou la chronologie. Le cinéma suppose ses artifices et un sens du condensé inévitable. Notre ami spécialiste l'a clairement expliqué sans tomber dans l'intransigeance. Bien sûr Born to be blue n'est pas un document musical mais ne se présente d'ailleurs pas comme tel. Les flashbacks en noir et blanc, plastiquement réussis, ne s'intègrent pas très naturellement et je trouve que les inévitables scènes intimes entre Chet et Jane alourdissent le rythme du film mais le cinéma ne sait plus s'alléger de ces conventions. L'opposition musicale et culturelle Côte Ouest et Côte Est est bien ressentie mais Budreau abuse plusieurs fois de couchants sur Pacifique bien anodins. L'arrogance d'un Miles Davis par exemple, sa morgue nous paraissent exagérés. Pas tellement nous a confirmé notre interlocuteur, les musiciens ne s'étant pas  si souvent croisés.

                               Au crédit du film un retour de Chet dans sa famille et une belle scène de difficiles retrouvailles avec son père, modeste paysan de l'Oklahoma, effaré de la vie de son fils, et de sa dépendance ultime particulièrement gratinée. Parlons-en un peu, de la drogue, compagne fidèle et encombrante, moi, je dirais insupportable. Hello fear! Hello death! La vraie muse? On n'ose pas tant que ça dans un débat aborder le sujet. Le public a été très actif et les questions intéressantes, certains très familiers de l'univers de Chet Baker. Tout ne m'a pas plu dans les réactions et c'est bien ainsi. J'eusse aimé qu'on nous fasse grace de l'enfance difficile de l'artiste (sans plus je crois) et de la souffrance , mais alors "rien que de la souffrance" (je cite) du toxico. Un peu court, un peu facile. Mais il reste un film de qualité, encore trop peu en musique à mon sens, une porte ouverte pour en écouter davantage. Ethan Hawke plutôt bon, il chante lui-même, plutôt bien. Ecoutez le Chet, sa musique étant infiniment plus belle et plus passionnante que l'homme. Tiens pour la peine voir ci dessous. Ou plus exactement entendre ci dessous.

20 février 2017

Révélations, 10h30 de ma vie privée

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                   C'est un assez gros travail de préparation mais ça m'a passionné. Je ferai ça sur sept lundis à compter du 27 février. J'en dirai quelques mots ici très brièvement.

28 janvier 2017

Back to Ray

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                                 Trois nouvelles dans ce recueil. Je reviens de temps en temps visiter les durs à cuire américains, des histoires de privés, à l'humour pince sans rire, aux sous-entendus grivois et au whisky facile. Evidemment et comme d'hab. je n'ai rien compris aux intrigues tortueuses de Un tueur sous la pluie et Bay City Blues. J'ai presque compris Déniche la fille because moins de cadavres. Ces trois textes datent du mileu des annnées trente, avant la création de Philip Marlowe. Raymond Chandler est l'un des très rares que je puisse lire sans le comprendre. Y a aussi Joyce mais, naufragé de la page 45 de Ulysse, je l'ai éradiqué de ma vie. Rappelons que c'est parfois difficile de s'y retrouver, le Raymond ayant souvent repris des éléments de certains textes pour les refondre ailleurs dans les romans ou même d'autre textes courts. Sans importance puisque de toute façon on (enfin moi) n'y comprend goutte.

                                 Mais quelle putain d'ambiance dans ces histoires publiées en général dans les pulp magazines (Black Mask) et longtemps méprisées. J'en adore l'efficacité, terriblement cinoche, qui ne s'encombre pas de psymachin, ni d'élégance. Les types y sont des marlous, des corrompus, des vicelards. Et c'est ainsi qu'on les nomme. Quant aux femmes ce sont des, des, des... courtisanes, j'appellerai ça comme ça. Bref ca grenouille à tous les étages, californiens ou chicagoans. Tiens je vais le laisser jacter, le Ray, de toute sa verdeur et de toute sa poésie. " La blonde ôta ses dents de ma main et me cracha à la figure mon propre sang". " Je sortis ma flasque de bourbon et la posai en équilibre au bout de mon genou". "Il somnolait. Sa cravate plastron avait dû être nouée vers 1880 et la pierre verte qui en ornait l'épingle n'avait pas tout à fait le diamètre d'un fond de corbeille à papier".

                                Scénariste à Hollywood comme d'autres minables, Faulkner, Dos Passos, Fitzgerald, Chandler n'est guère crédité aux génériques. C'est aussi bien comme ça. Ses bouquins, c'est déjà du cinéma.

P.S. Marrant. Dans cette édition Carré Noir de 64 le verso est illustré d'une magnifique photo pub de cigarettes blondes  de luxe, comme en fument les femmes fatales de ces romans noirs. Je ne l'ai pas mise pour ne pas tomber sous le coup de la loi. O tempora o mores!

17 janvier 2017

Ma BD de l'année, roots and blues

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                               Le Bison m'a coûté 17 euros avec sa chronique. Je ne lui en veux pas car ce road-movie dans le Sud américain années trente m'a presque comblé. Deux auteurs espagnols, Angux et Tamarit, brodent une belle variation sur la fameuse légende du bluesman Robert Johnson (1911-1938, 29 titres gravés en tout et pour tout) qui aurait vendu son âme au diable. Ce mythe, célébrissime chez les blues addicts, est si beau qu'on l'imprime (je vous refais pas le coup de John Ford, Liberty Valance, célébrissime chez les western addicts) dans sa mémoire comme un grand moment de l'histoire de la musique et de l'Amérique. Mais les deux auteurs démultiplient habilement ce fameux pacte avec le diable. Attention à n'en pas trop dire.

                              Avery et sa guitare, quelque part dans le Mississippi, après une curieuse rencontre que vous imaginez, se trouvent sur les routes avec Johnny, gamin qui lui a emprunté sa guitare. Sur ces mêmes routes couleur poussière et whisky (citation Le Bison) on essaie de sauter dans un train de marchandises, on croise des cavaliers avec un drap sur la tête et qui n'ont pas l'air de nous vouloir du bien, on voit aux branches des Strange Fruits comme le chantera Billie, on apprend l'alcool et la promiscuité. Mais surtout on apprend le Blues, majuscules s'il vous plait. Des surprises attendent le lecteur dans cette aventure on the road again que je vous laisse découvrir.

                             Et comme tout bon blues se doit de se fendre d'une note un peu plus criarde, voire fausse, surtout d'ailleurs quand c'est moi qui joue (là on parle de canards), je me fendrai aussi d'une légère frustration. Pas assez à mon gré de scènes musicales proprement dites. A propos de canards, dans Avery's Blues, les corbeaux sont très nombreux et très bien et très noirs, surtout sur Crossroad. Allez Le Bison, courage, voir plus bas si vraiment tu y tiens pour un massacre en règle, celui de Love in vain.

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8 janvier 2017

Le grand hêtre pourpre

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                              Attention. Rien à voir avec d'insipides souvenirs de star ayant employé un nègre. Une oeuvre. Et là ce n'est pas que je pèse mes mots comme un bossfan que je suis. C'est que j'en revendique les qualités, une sorte de vita americana depuis les années cinquante, passionnantes d'un bout à l'autre depuis la très modeste Freehold, New Jersey, d'où tout partit, jusqu'aux mégaconcerts dont le Stade de France 2003 où j'ai eu la chance de voir le Patron et le E Street Band au complet. Une oeuvre. Comme toute la discographie et les concerts de Bruce Springsteen. Et qui a parfaitement sa place dans une rubrique littéraire. Où l'on sera cependant un peu plus à l'aise si l'on connait à peu près son petit Springsteen illustré, ou mieux encore, si l'on accompagne sa lecture d'une écoute sérieuse de quelques-unes de ses chansons.

                             Une famille prolétaire et catholique, les origines sont comme, tout le monde sur la Côte Est à ce moment, irlando-italiennes. Et vous vous étonneriez que je plonge là dedans, moi dont le blog consacre 30% de son activité à ces deux pays de mon coeur? Cette dualité marquera Bruce, né en 49. L'une des stars de la région, un certain Francis Albert Sinatra, voir Hoboken, sera pour le professionnalisme l'un de ses modèles. L'autre coup de grisou viendra d'Elvis Aaron, Memphis, Tennessee. Bruce a six ans. Moi aussi. Il raconte la vie de cette famille parmi d'autres avec parents et grands-parents, rythmée par les jeux dans les rues, les bagarres à la sortie de l'école, les premières cordes de guitare, et surtout les copains qui formeront bientôt les Castiles, première formation du futur maître, dans laquelle il n'est même pas chanteur. Et très vite l'écriture, du concret, du vécu, des histoires d'ados fugueurs, des amours laborieuses, de retour du Vietnam, ou de non retour. Springsteen n'élude pas les zones un peu curieuses, comme son astuce pour échapper à ce même Vietnam, qui apparemment ne lui causa pas trop d'états d'âme.

                           Car Springsteen vise avant tout à l'efficacité. Il raye d'un trait d'esprit le mot démocratie dans un groupe rock, où il faut un patron. Il y aura un patron et il saura le faire savoir. Les pages sont passionnantes sur les arcanes de sa création musicale. Sur ses rapports avec ses musiciens, tous d'exception. Sur sa ténacité et sa puissance de feu, sa spontanéité et sa générosité sur scène, par opposition à certains autres monstres, Neil Young ou Bob Dylan. Springsteen n'oublie jamais le show, y compris quand il reste quarante minutes seul avec sa guitare devant 80 000 personnes.

                          Mais tout cela, pour qui n'est pas trop branché sur Tin Pan Alley, pourra paraître trop technique voir rasoir. Foncez pourtant dans cette autobio, Born to run, pour d'autres raisons, terriblement humaines, presque ethno. Pour les portraits de son père Douglas Springsteen, un taiseux, même dans les différents pubs, part importante de son existence, qui aime ses enfants sans leur dire, c'est pas le genre de la maison du New Jersey. Les années cinquante pouvaient encore être rugueuses des deux côtés de l'Atlantique. Pour cette Amérique qu'il nous narre, pas mal corsetée, juste avant Brando, Dean, Presley. Pour cette splendide et abracadabrante vie d'un groupe rock, où la gestion des egos s'avère chaotique, où il faut parfois se séparer d'un des musiciens. Angoisse garantie, et noms d'oiseaux, rancoeurs et pardons. Born to run ou l'histoire d'un homme, Né pour courir, courir afin de vivre pleinement sa passion, viscéralement, sans perdre la raison, avatar si fréquent chez les rock stars.

                          Un livre, vrai, riche, bourré de peurs et d'énergie, la vie d'un homme, d'un roc(k), mais même les rocs un jour se fendillent. Comme le grand hêtre pourpre de Freehold, New Jersey, abattu récemment, comme le raconte Springsteen, lors d'une de ses balades en bagnole dans sa ville d'enfance, comme il en a tant chanté. Born to run, à lire, à écouter, à vivre. Je n'ai pas proposé d'extrait musical, il faudrait tout mettre de Racing in the streets à My home town, de The ghost of Tom Joad à Brothers under the bridge, de Born in the USA à My city of ruins

3 janvier 2017

En passant, pourquoi pas?

Tarcy

                                 Ne boudons pas notre plaisir car notre plaisir n'est pas si fréquent. Une amie de rando m'a prêté deux livres. L'un, le dernier de Bernard Werber, sans intérêt malgré mon grand intérêt pour les chats. L'autre, hyperclassique dans sa forme, bien agréable. L'innocence (Burning bright en V.O.), de Tracy Chevalier (La jeune fille à la perle), conte l'arrivée à Londres d'une modeste famille de menuisiers du Dorset. 1792, des idées nouvelles arrivent de la France où ça bouge pas mal. Les deux adolescents Kellaway vont découvrir la plus grande ville du monde, ses vertiges et ses dangers. Leurs aventures sont assez attendues, les personnages les plus intéressants étant le poète graveur épris de liberté William Blake et Philip Astley, patron de cirque, une sorte de magnat du show-business de ces temps-là.

                                Grace à ces deux, en quelque sorte "précurseurs" tant des idées que du spectacle, L'innocence prend un certain relief et lorgne vraisemblablement vers une suite, peut-être déjà publiée, je ne sais. Et là, ce faisant, ou ce écrivant, je m'aperçois que je n'ai rien de plus  à dire. Ce fut donc une lecture plaisante, un roman sur fond historique, où l'on ne voit pas le temps passer, j'oserai dire "glissament" car j'adore inventer des adverbes. Et puis on se dit qu'on n'aurait pas perdu grand-chose à l'ignorer. Et lire plus viscéral. Mais bref, pas si mal, et surtout pas si nécessaire. Je sais, ce sont des réflexions du temps qui presse un peu.

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