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19 février 2015

La poésie du jeudi, Charles-Augustin Sainte-Beuve

Poésie du jeudi

                                Chers amis des potins de la commère cette semaine, foin de poésie, nous allons dire du mal des célébrités et fouiner dans leur vie privée. Vous connaissez ma passion pour les tabloïds et les cancans. Et puis distiller un goût de fiel envers les "people" fussent-ils du XIXème Siècle ne peut que nous faire du bien. Enfin moi c'que j'en dis...

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À Victor Hugo (II).

Votre génie est grand, Ami ; votre penser

Monte, comme Élysée, au char vivant d'Élie ;

Nous sommes devant vous comme un roseau qui plie ;

Votre souffle en passant pourrait nous renverser.

 

Mais vous prenez bien garde, Ami, de nous blesser ;

Noble et tendre, jamais votre amitié n'oublie

Qu'un rien froisse souvent les cœurs et les délie ;

Votre main sait chercher la nôtre et la presser.

 

Comme un guerrier de fer, un vaillant homme d'armes,

S'il rencontre, gisant, un nourrisson en larmes,

Il le met dans son casque et le porte en chemin,

 

Et de son gantelet le touche avec caresses ;

La nourrice serait moins habile aux tendresses ;

La mère n'aurait pas une si douce main.

Sainte-Beuve (Les Consolations, 1830)

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                                 Alors voilà, mes amis. Figurez-vous que ce Mr. Sainte-Beuve  a certes bien du talent pour tresser ainsi des lauriers à Mr.Victor, mais, et c'est de source sûre, j'vous dis, moi qui vous parle, que des rumeurs bien-fondées circulent sur ses relations avec Mme Adèle, épouse de Mr.Victor. Alors flatter le mari pour séduire l'épouse... Et puis ce Mr.Victor, un modèle conjugal comme chacun sait. Enfin, moi j'dis ça, j'dis rien, vous me connaissez.

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17 février 2015

Du côté obscur

brouste

                                 La vie de Shelley, Byron, Mary Shelley et autres soeurs, demi-soeurs, anciens et nouvelles, leurs différents ménages à trois ou quatre ou cinq, c'est fatigant. La perpétuelle fuite du poète, les créanciers, les scandales, le beau-père, le laudanum, ça finit par peser. Le cercle des tempêtes de Judith Brouste, qui se met quelque peu en scène dans ce roman, de façon assez pénible pour moi, mêle la mort des jeunes enfants du noyau quelque peu maudit, et qui s'en portait fort mal donc fort bien chez ces adeptes du malheur talentueux, et les pulsions d'une sexualité qu'on dirait maintenant rude et variée, enrubannées de tendances suicidaires et de goûts pour le morbide.

                                Prométhée délivré côté Percy, Frankenstein côté Mary, on doute de l'équilibre de la maison Shelley. De tous côtés mutilations et aberrations, sorte de théâtrographie de la tératographie (je sais, deux outrecuidances). Quant à ce qui pourrait être une version début XIXème des Kindertotenlieder, de ces enfants, on peine à savoir précisément de qui ils sont la progéniture (le terme progéniture est quelque peu inadéquat) tant les relations des personnages ont été... diverses. Calèches vers le Sud, nuits d'alcools, partances toujours, le romantisme de ces gens-là, les convictions trop tôt prolétariennes et peu nuancées de Percy Bysse Shelley, enfin la fascination pour la mer toujours recommencée, tout cela ne pouvait que noyer le poète sur une côte quelconque. La côte fut ligure et le cimetière italien, pas si loin de John Keats. Byron, ami et rival, devait lui survivre, mais guère plus que Robespierre ne survécut à Danton.

                                Si vos tendance apocalyptophiles sont assez fortes pour voyager avec eux, libre à vous. Mais qu'est-ce que ça m'a fatigué. Volontairement j'ai fait ce billet un peu à leur manière,pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? Mais je ne relirai pas Judith Brouste. Mais quelques lignes de Shelley, pourquoi pas? A doses cependant restreintes.

J’ai rencontré un voyageur venu d’une terre antique
Qui m'a dit : « Deux immenses jambes de pierre dépourvues de buste
Se dressent dans le désert. Près d’elles, sur le sable,
À moitié enfoui, gît un visage brisé dont le sourcil froncé,

La lèvre plissée et le sourire de froide autorité
Disent que son sculpteur sut lire les passions
Qui, gravées sur ces objets sans vie, survivent encore
À la main qui les imita et au cœur qui les nourrit.

Et sur le piédestal il y a ces mots :
"Mon nom est Ozymandias, Roi des Rois.
Contemplez mes œuvres, Ô Puissants, et désespérez !"

À côté, rien ne demeure. Autour des ruines
De cette colossale épave, infinis et nus,
Les sables monotones et solitaires s’étendent au loin. »

5 février 2015

La poésie du jeudi, Victor Segalen

Poésie du jeudi

                             Victor Segalen, né et mort dans le Finistère (1878-1919), a pourtant bien bourlingué. Médecin de la Marine, poète, romancier, Polynésie et surtout Chine ont eu une très grande influence sur son oeuvre. J'aime beaucoup ce poème qui évoque une sirène peut-être, une aquafemme oserai-je, insaisissable...

Mon amante a les vertus de l'eau

Mon amante a les vertus de l'eau:

un sourire clair, des gestes coulants,

une voix pure et chantant goutte à goutte.

 

Et quand parfois, malgré moi -

du feu passe dans mon regard,

elle sait comment on l'attise en frémissant:

eau jetée sur les charbons rouges.

Mon eau vive, la voici répandue, toute, sur la terre!

Elle glisse, elle me fuit; -

et j'ai soif, et je cours après elle.

sEGALEN

De mes mains je fais une coupe.

De mes deux mains je l'étanche avec ivresse,

je l'étreins, je la porte à mes lèvres:

Et j'avale une poignée de boue.

Victor Segalen (Stèles)

22 janvier 2015

La poésie du jeudi, Paul Eluard

Poésie du jeudi

                                Elle et moi, c'est vrai, je l'avoue. Vous vous en doutiez bien un peu? Mais avant de me condamner laissez-moi vous expliquer.J'ai des circonstances atténuantes.

Eluard

                                  Elle...c'est la Poésie. Non mais! Qu'est-ce que vous croyiez?                

15 janvier 2015

La poésie du jeudi, Claude Roy

Poésie du jeudi

                                Asphodèle m'a redonné le goût de la poésie et depuis j'adore muser  et picorer dans cette lande  presque infinie. Le hasard est pour beaucoup dans mes choix ou le presqu'hasard, une drôle d'entité qui m'éperonne et me conduit parfois en terre très classique, parfois du côté de l'humour, parfois chez les stars du genre, Gérard, Arthur, Paul et les autres, parfois chez des auteurs moins connus, méconnus, inconnus. Je partage avec l'auteur d'aujourd'hui un prénom impérial et romain même si Claude empereur n'a pas la notoriété d'un Auguste ou d'un Marc-Aurèle. Claude Roy (1915-1997), écrivain, poète, essayiste, journaliste a à peu près tout vécu de Je suis partout au Parti Communiste. Ca ne l'a pas empêché d'écrire par exemple...

Roy

Bestiaire des animaux à l'aise dans leur peau

Très oiseaux les oiseaux sont très sûrs d'être oiseaux     

L'écureuil sait très bien son métier d'écureuil     

Les chevaux dans leur peau de cheval sont chevaux     

Le lézard sait par cœur l'art de vivre en lézard     

La fourrure du chat tient le chat tout entier     

Le renard est renard tout le long de l'année     

Le poisson est dans l'eau comme un poisson dans l'eau     

Mais moi je m'évapore et me perds et me trouve et ne suis jamais sûr d'être ce que je suis

Claude Roy

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11 décembre 2014

La poésie du jeudi, Anatole France

Poésie du jeudi 

                                       Extrait du recueil Poèmes dorés,un sonnet de facture très classique. Triste sort de ce gallinacé. Dans ce même ouvrage plutôt bucolique, Les cerfs, Les sapins,Le chêne abandonné.

La perdrix

Hélas ! celle qui, jeune en la belle saison,

Causa dans les blés verts une ardente querelle

Et suivit le vainqueur ensanglanté pour elle,

La compagne au bon cœur qui bâtit la maison

 

Et nourrit les petits aux jours de la moisson,

Vois : les chiens ont forcé sa retraite infidèle.

C'est en vain qu'elle fuit dans l'air à tire-d'aile,

Le plomb fait dans sa chair passer le grand frisson.

LES

Son sang pur de couveuse à la chaleur divine

Sur son corps déchiré mouille sa plume fine.

Elle tournoie et tombe entre les joncs épais.

 

Dans les joncs, à l'abri de l'épagneul qui flaire,

Triste, s'enveloppant de silence et de paix,

Ayant fini d'aimer, elle meurt sans colère.

Anatole France (1844-1924, Poèmes dorés)

27 novembre 2014

La poésie du jeudi, Gérard de Nerval

 Poésie du jeudi

                                        Je reviens à mon Gérard, mon pays d'Oise et de forêts, d'étangs et de biches. Il avait le vin gai, mon Gérard. Mon Gérard qu'as-tu fait là? Gérard, Gérard! Gérard, souviens-toi, nos frondaisons valoises, Sylvie, et la flèche de Senlis, là-bas, chez nous, avant que nous soyons veufs et inconsolés.

Gaieté

Petit piqueton de Mareuil,

Plus clairet qu’un vin d’Argenteuil,

Que ta saveur est souveraine !

Les Romains ne t’ont pas compris

Lorsqu’habitant l’ancien Paris

Ils te préféraient le Surène.

Ta liqueur rose, ô joli vin !

Semble faite du sang divin

De quelque nymphe bocagère ;

Tu perles au bord désiré

D’un verre à côtes, coloré

Par les teintes de la fougère.

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Tu me guéris pendant l’été

De la soif qu’un vin plus vanté

M’avait laissé depuis la veille ;

Ton goût suret, mais doux aussi,

Happant mon palais épaissi,

Me rafraîchit quand je m’éveille.

Eh quoi ! si gai dès le matin,

Je foule d’un pied incertain

Le sentier où verdit ton pampre !…

-Et je n’ai pas de Richelet

Pour finir ce docte couplet…

Et trouver une rime en ampre.

Gérard de Nerval

16 novembre 2014

Liffey

Liffey

 

Ce fleuve là n'est pas en couleurs

Vous qui rêvez de Nil et d'Amazone

Vous qui ne jurez que par l'Ol' Man River

Vous qui bouquinez sur les quais de Seine

O'Connell Bridge moins long que large

L'enjambe en quinze pas

Remontez votre col en novembre

Longtemps la rivière a eu faim

Ses enfants l'ont maudite et loin là-bas

Ouest atlantique,ne l'oublient pas

La passerelle est bondée, le clochard assis

Patient et souriant n'a pas encore trop froid

Il n'est pas si tard, mais le ciel hibernien

Se désole et décline

Belle et sombre mine, la rivière

Se méfie d'un quelconque traître,

Si longtemps éventrée

De mouchards et de filles trop bavardes

Mais je l'aime en sa grise heure

Et je connais ces silhouettes

Si loin de l'émeraude

Elles n'écrivent pas toutes, mais comme elles savent dire

Leur douleur et leurs haines

Entre leurs doigts poisseux.

Certains midis elle s'embleuit

J'y arpente les planches

Les grues à l'est, vers Laoghaire

Y jouent avec les nuages

Sous le regard d'Albion la méfiance

Des siècles de mépris

Des phalanges frappent le bodhran

Virevolte le banjo

Désinvolte et mutin

Claquent les pieds de Moira

Quand bien même les enseignes ont changé

Là sur le pont danse-s-y

Improbable rencontre, et pourtant

Ulysse pourrait y aimer Molly

Des feuilles rousses sous leurs chaussures

Plaignent le coeur de ville

Statufiés, les héros d'hier

S'offrent à chaque regard

Poètes et musiciens

Rodent encore, à la harpe parfois

Ou bondissants flûtistes

Liffey de chaque instant

Modeste jusques en ton lit

Mais aux tendres fantômes

Aux noirs contours, aux joues creuses

Vois, j'ai tenu serment

Comme j'ai parlé de toi.

 

13 novembre 2014

La poésie du jeudi, Patrick Kavanagh

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Adresse à un vieux portail de bois

Abîmé par le temps et les intempéries, à peine bon

A faire du bois de chauffe ; il ne reste plus une écaille

De peinture pour masquer ces rides, et ces grincements

Font un cri rauque qui déchire le silence – gonds rouillés :

Du barbelé agrippé à un bras pourri

Remplace le vieux verrou, avec un charme mesquin.

Le peuplier sur lequel tu t’appuies est mort,

Et tout le charme de sa jeunesse est oublié.

Ce fossé devra bientôt trouver un autre gardien,

Sinon les vaches iront errer dans les champs.

Elles riront de toi, vieux portail de bois, tes membres,

Elles les disloqueront, les pousseront dans la bouillasse.

Alors je ne pourrai plus m’appuyer sur ton sommet

Et penser, rêver de galets sur la grève,

Ou regarder les colonnes féériques de la fumée de tourbe

Monter des cheminées chaulées en spirales célestes.

Ici j’ai toujours honoré le tendre rendez-vous, et de tout cœur

Quand nous étions tous deux amants, et que tu étais neuf.

Et de nombreuses vois j’ai vu l’œil rieur

De l’écolier à cheval sur ton dos robuste.

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Mais la longue main argentée du Temps a touché notre front,

Je suis celui dont se moquent les femmes – toi, les vaches.

Comment pourrais-je aimer les portails de fer qui gardent

Les champs des riches fermiers. Ce sont de durs

De froids objets, un battement autour des piliers de béton,

Le bout du doigt pointé comme les vieilles lances

Mais toi et moi sommes de la même race, Portail en ruines,

Car tous les deux nous avons souffert le même destin.

Patrick Kavanagh

                                                        J'aime beaucoup ce texte. N'avons-nous pas tous comme ça un mur, un coin de rue, un vieil arbre, un pont, là, dans notre mémoire et notre coeur? A Dublin Patrick Kavanagh (1904-1967) a comme tout le monde sa statue, près du canal. Né dans le nord de l'Irlande, mais pas en Irlande du Nord, il est très honoré notamment à Trinity College où il étudia bien qu'ayant quitté l'école à treize ans.Les Dubliners ont mis en musique Raglan Road, l'un de ses textes les plus connus.

 

30 octobre 2014

La poésie du jeudi, Seamus Heaney

South from Inishbofin

Apparitions

 

Inishbofin un dimanche matin.

Soleil, fumée de tourbe, mouettes, diesel, cales des navires.

On nous aidait à descendre l’un après l’autre

Sur une embarcation que chaque passager faisait tanguer

Dans un vacillement sinistre, avant de nous serrer

Sur les bancs de traverse, par petits groupes craintifs,

Obéissants et mal à l’aise ; nul ne parlait que l’équipage

À chaque immersion des plats-bords

Qui semblaient près de prendre l’eau.

Malgré le calme de la mer,

Les secousses du moteur obligeaient le pilote

À maintenir son équilibre en manoeuvrant la barre :

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La réticence et le poids de l’embarcation m’emplissaient D’épouvante.

Cela même qui garantissait notre salut

- soubresauts, légèreté, mouvement -

Faisait ma terreur. À chaque instant

De cette traversée, à la surface régulière

D’une eau profonde et calme, dont on voyait le fond,

C’était comme si j’observais la scène de très haut,

Sur un autre bateau voguant parmi les airs, effaré

Par les périls de cette plongée dans le matin,

Et j’avais pour nos têtes nues,

Courbées, comptées, un inutile amour.

trad. Patrick Hersant

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                                         Seamus Heaney, (1939-2013), Nobel 95, est né en Ulster. Inishbofin est une petite île au large de Galway dans l'Ouest irlandais. J'ai eu l'occasion de m'y promener un peu il y a bien longtemps. Comme une peur d'enfance, sinistre, effaré, épouvante, craintifs, périls sont les mots du poète. Rien de rassurant...Mais comme je trouve ça magnifique j'ai voulu vous le proposer. Merci à Asphodèle sans qui les choses ne seraient que ce qu'elles sont.

16 octobre 2014

La poésie du jeudi, Max Jacob

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Le Phare d’Eckmühl

 

Si tu as perdu ta route sur la lande tu regardes à droite ou à gauche

et tu vois où est Saint-Guénolé.   

 

Depuis que je vous connais, Marie Guiziou,

j’ai cherché vos yeux sur toutes les mers de cette terre-ci.   

 

Mais vos yeux tournent de côté et d’autre

partout où il y a des amoureux.

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Marie Guiziou, Marie Guiziou !

La vie est comme la lande pour moi

et vous êtes pour moi comme le phare d’Eckmühl.                                                                      

 

Marie Guiziou !

Ma vie est comme l’océan autour de Penmarch !

et si je ne vois vos yeux, je suis un naufragé sur les rochers

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                                                                                   Non loin de son Quimper natal, le phare de l'enfance de Max Jacob,des mots simples, presque enfantins. Juif,Breton,poète, peintre, Max Jacob mourut en 1944 au camp de Drancy.

18 septembre 2014

La poésie du jeudi, Knut Hamsun

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Ainsi je vagabonde encore

Que veut mon cœur, où vont mes pas ?

La forêt sera solitaire ?

Je viens de laisser ma maison,

je flâne à travers les villages

et je m’arrête tard la nuit.

 

Je vois un monde qui sommeille,

si silencieux à mon oreille.

La ville est si grande et si grise

et tous, oui, tous veulent y aller,

et mon amour, que vais-je faire ?

Un bruit ? Est-ce le clocher sur la colline ?

 

Ainsi je vagabonde encor dans la paix de la forêt

en pleins minuits.

Je sais l’endroit qu’un merisier parfume

où j’étends ma tête dans la bruyère

où je m’endors dans la forêt sauvage.

 Un bruit. C’est le clocher sur la colline.

Knut Hamsun (1859-1952)

 

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                                                        Knut Hamsun, le Norvégien, Prix Nobel 1920, n'est maintenant guère plus connu que pour l'extraordinaire roman La faim, et son engagement prohitlérien sans ambiguité. Il a cependant écrit quelques poèmes dont ce vagabondage d'inspiration plutôt romantique. Merci à Asphodèle qui remet sur orbite ces incursions bimensuelles en pays de poésie.

 

24 juillet 2014

La poésie du jeudi, José Maria de Heredia

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Un coucher de soleil sur la côte bretonne

Les ajoncs éclatants, parure du granit,

Dorent l'âpre sommet que le couchant allume.

Au loin, brillante encore par sa barre d'écume,

La mer sans fin, commence où la terre finit !

A mes pieds, c'est la nuit, le silence. Le nid

Se tait. L'homme est rentré sous le chaume qui fume ;

Seul l'Angélus du soir, ébranlé dans la brume,

A la vaste rumeur de l'Océan s'unit.

Alors, comme du fond d'un abîme, des traînes,

Des landes, des ravins, montent des voix lointaines

De pâtres attardés ramenant le bétail.

L'horizon tout entier s'enveloppe dans l'ombre,

Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre,

Ferme les branches d'or de son rouge éventail

José Maria de Heredia (1842-1905)

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                                         En guise de vacances et avant de fermer ce lieu à compter du 2 août, et jusqu'en septembre, quelques vers du XIXème, hommage à une belle région. Mais toutes les régions ne sont-elles pas belles? Merci de tout coeur à Asphodèle, initiatrice et organisatrice de cette très belle année en poésie. La poésie, je l'avais pas mal négligée. J'avais tort. 

10 juillet 2014

La poésie du jeudi, Francis Picabia

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Picabia

Labyrinthe

             La volonté attend sans cesse

Un désir sans trouver.

Le cran d'arrêt passionne

l'absence de gaudriole.

Une cicatrice vers la nuit

profane la réflexion.

Il n'y a que détachement incrédule.

On me fait souffrir

parce que je sais l'indifférence

Banalités embarquées

sans cesse sur elles-mêmes :

Les horizons attirent les yeux

de nos sentiments.

Francis Picabia (1879-1953)

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                                                       Touche à tout aristocratique Francis Picabia fut surtout peintre. Dada, Surréalisme, et autres sympathiques sornettes eurent sa visite. Poète aussi, à sa manière, qui ressemble à celle de Picabia peintre. Pour preuve ce Labyrinthe aussi clair que Parade amoureuse, le tableau ci-dessus. En fait Picabia ne voulait surtout pas rater le dernier train à la mode. Maintenant on dirait hype, ou branché. Ainsi fut-il fou de l'automobile et du cinéma, tous deux frémissants. On est en droit d'apprécier. En droit aussi de penser qu'il se fout de nous. Allez savoir! A dire vrai, moi, de Picabia, j'aime surtout son duo avec Erik Satie dans le surréalistissime Entr'acte de René Clair.

 

 

 

                                           


 

 

 

 

 

25 juin 2014

La poésie du jeudi, Marie Krysinska

chromo-oiseau-couronnc3a9-ana-rosa1                                             Voulez- vous danser, blogueuses?

                                                                                      Voulez-vous giguer, charmeuses?

                                                                                      Marie la Polonaise

                                                                                      Vous met à l'aise

La gigue

 

Les Talons

Vont

D'un train d'enfer,

Sur le sable blond,

Les Talons

Vont

D'un train d'enfer

Implacablement

Et rythmiquement,

Avec une méthode d'enfer,

Les Talons

Vont.

Cependant le corps,

Sans nul désarroi,

Se tient tout droit,

Comme appréhendé au collet

Par les

Recors

 

sans-titre

 

La danseuse exhibe ses bas noirs

Sur des jambes dures

Comme du bois.

Mais le visage reste coi

Et l'oeil vert,

Comme les bois,

Ne trahit nul émoi.

Puis d'un coup sec

Comme du bois,

Le danseur, la danseuse

Retombent droits

D'un parfait accord,

Les bras le long

Du corps.

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Et dans une attitude aussi sereine

Que si l'on portait

La santé

De la Reine.

Mais de nouveau

Les Talons

Vont

D'un train d'enfer

Sur le plancher clair.

Marie Krysinska (1857-1908)

                                     Née à Varsovie Marie Krysinska fut une apôtre du vers libre. Et l'une des très rares femmes à adhérer à des cercles littéraires florissants dans le Paris de la fin du XIXème Siècle, les Zutistes, les Hydropathes et aussi  pensionnaire un temps du célèbre Chat Noir de Montmartre. Danseur tout en raideur que je suis, euphémisme, cette fantaisie aux talons qui claquent m'a pas mal réjoui.

11 juin 2014

La poésie du jeudi, Pierre-François Lacenaire

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                                         Lacenaire, je le connais depuis si longtemps. Enfin par le biais du merveilleux Les enfants du paradis, de Carné et Prévert  Alors j'ai voulu le lire au moins une fois ce gandin poète assassin. Et là, vive le net, j'ai trouvé quelques vers dont cette truculente pétition. Qui lui va comme un gant, du moins si on l'imagine comme Marcel Herrand dans ce rôle. Lacenaire, le vrai, (1803-1836, guillotiné) aurait inspiré Dostoievski pour Crime et châtiment mais il est aussi évoqué par Stendhal, Balzac, Gautier, Baudelaire et Lautréamont. Excusez du peu. Allez je vous laisse en bonne compagnie.

Pétition d'un voleur à un roi voisin

Sire, de grâce, écoutez-moi :

Sire, je reviens des galères...

Je suis voleur, vous êtes roi,

Agissons ensemble en bons frères.

Les gens de bien me font horreur,

J'ai le coeur dur et l'âme vile,

Je suis sans pitié, sans honneur :

Ah ! faites-moi sergent de ville.

Bon ! je me vois déjà sergent :

Mais, sire, c'est bien peu, je pense.

L'appétit me vient en mangeant :

Allons, sire, un peu d'indulgence.

Je suis hargneux comme un roquet,

D'un vieux singe j'ai la malice ;

En France, je vaudrais Gisquet :

Faites-moi préfet de police.

Grands dieux ! que je suis bon préfet !

Toute prison est trop petite.

Ce métier pourtant n'est pas fait,

Je le sens bien, pour mon mérite.

Je sais dévorer un budget,

Je sais embrouiller un registre ;

Je signerai : " Votre sujet ",

Ah ! sire, faites-moi ministre.

Sire, que Votre Majesté

Ne se mette pas en colère !

Je compte sur votre bonté ;

Car ma demande est téméraire.

Je suis hypocrite et vilain,

Ma douceur n'est qu'une grimace ;

J'ai fait... se pendre mon cousin :

Sire, cédez-moi votre place.

Pierre-François Lacenaire

 

 

28 mai 2014

La poésie du jeudi, John-Antoine Nau

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                                       Ce grand méconnu n'est resté un tout petit peu dans l'Histoire que pour avoir obtenu le premier Goncourt avec Force ennemie en 1903. Américain né à San Francisco de parents français, marin et  voyageur ayant vécu en Martinique, Espagne, Portugal, il ne vécut jamais de sa plume et ses poèmes restent largement ignorés. Très marqué par la mer il mourut  à Tréboul, Finistère, d'un océan à l'autre. Ca m'a amusé de découvrir un peu ses vers très "olfactifs" au moins dans ce sonnet. Merci Asphodèle de m'avoir ramené dans le sillage de la poésie.

Sur l'arc vert de la plage apaisée

 

Sur l'arc vert de la plage apaisée

Où le matin mélodieux descend,

Ta maison pâle entre les palmes balancées

Est un sourire las sous un voile flottant.

 

Ces longs stores sont des paupières affligées ;

Des fleurs se meurent dans la nuit des banyans,

Des fleurs du violet velouté si souffrant

De tes doux yeux couleur de pensée.

 

Ces lourds parfums égarants, confondus,

Des bosquets fragrants comme des temples d'Asie... ...

Brouillards embaumés sur l'horizon défendu ?

John-Antoine_Nau

 Est-il vrai qu'il soit cruellement revenu,

Cédant à quelque nostalgique fantaisie,

Trop tard, le trop aimé que tu n'attendais plus ?

 

John-Antoine Nau (1860-1918)

 

15 mai 2014

La poésie du jeudi, Alphonse Allais

Complainte amoureuse

Oui dès l'instant que je vous vis

Beauté féroce, vous me plûtes

De l'amour qu'en vos yeux je pris

Sur-le-champ vous vous aperçûtes

Ah ! Fallait-il que je vous visse

Fallait-il que vous me plussiez

Qu'ingénument je vous le disse

Qu'avec orgueil vous vous tussiez

Fallait-il que je vous aimasse

Que vous me désespérassiez

Et qu'enfin je m'opiniâtrasse

Et que je vous idolâtrasse

Pour que vous m'assassinassiez

Alphonse Allais (1854-1905)

Recolte_de_la_tomate_

Plût à Asphodèle qu'elle  permit

Qu'Allais-grément je satisfis

A ce que l'humour ainsi saillît

Et, ce jovial jeudi, jaillît

E.E.Guab (dates inconnues, enfin pour moitié)

                                                                             On le sait peu, le facétieux natif d'Honfleur, fut aussi peintre. On lui doit notamment une série de sept magnifiques monochromes dont celui que je vous propose et que l'hilarant natif de Senlis a rebaptisé Mercurochrome plutôt que Cinquante nuances de rouge.

1 mai 2014

La poésie du jeudi, Robert Walser

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                                         C'est avec un immense plaisir que je fouine chaque quinzaine pour cette superbe idée d'Asphodèle. Cette fois c'est outre Rhin que j'ai voyagé. Je me suis souvenu de Robert Walser, que j'ai peu lu mais dont Vie de poète m'avait enthousiasmé Couleurs en marche.

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Temps

Je suis couché, j’ai bien le temps,

je réfléchis, j’ai bien le temps.

Le jour est sombre, il a le temps,

plus de temps que voulu, du temps,

j’en ai à mesurer, du temps, du long temps.

La mesure croît avec temps.

Une seule chose dépasse le temps,

c’est le désir, car aucun temps

n’égale du désir le temps.

Robert Walser (1878-1956)

                                               Robert Walser, Suisse de langue allemande (1878-1956) fut un promeneur fragile. Après quelques années de bohème à Berlin il mena en Suisse une vie d'errance et de solitude. Sa faiblesse mentale le conduira à un internement psychiatrique dès 1929. Il n'écrira plus. Admiré par les grands Germains, Hesse, Hoffmanstahl, Musil, il est considéré comme un maître du minimalisme. Cela apparaît bien dans ce court texte sur le temps. Pour Stefan Zweig Walser était "le miniaturiste par excellence". Grand marcheur, il mourut le jour de Noël 1956, tombé dans la neige de son pays qu'il avait tant arpenté.

3 avril 2014

La poésie du jeudi, Giacomo Leopardi

                                    Un amour infini pour l'Italie, pour le romantisme, et quand c'est l'immense Vittorio Gassman qui dit, que demander de plus? Rien, qu'une pensée pour Giacomo Leopardi (1798-1837), solitaire, maladif, suicidaire, "sombre amant de la mort, pauvre Leopardi " (ainsi disait  de lui Alfred de Musset). Il existe plusieurs traductions de ce texte. J'ai choisi celle de René de Ceccaty qui rend bien compte de la douleur et du pessimisme de Leopardi. Cela me permet de rejoindre le challenge Il viaggio, maintenant chez Eimelle (lecture-spectacle)

chants

L'infini

J'ai toujours aimé ce mont solitaire

Et ce buisson qui cache à tout regard

L'horizon lointain. Mais quand je m'assieds

Pour mieux observer, je me représente

Au fond de mon cœur l'espace au-delà :

Calme surhumain, très profonde paix.

Il viaggio

Pour un peu, je suis perdu d'épouvante

En entendant geindre, entre les feuillages,

Le vent, je compare cette à voix-là

L'infini silence et je me souviens

De l'éternité, des mortes saisons,

Et de la présente, et de la vivante.

Et de sa rumeur. Ainsi dans l'immense

Sombre de ma pensée. Et dans cette mer

Il m'est doux enfin de faire naufrage

        Giacomo Leopardi (Canti,1819)
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