Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BLOGART(LA COMTESSE)
Derniers commentaires
Pages
18 août 2017

Passant par la Lorraine

Masse critique

G00912

                    Merci à Babelio et à Gallimard. Ce cru découverte et avant-première est une assez belle réussite venant d'un auteur que j'ignorais et dont c'est le deuxième roman. Malheureusement et à mon avis, comme le cinéma, la littérature a oublié depuis longtemps les vertus de la concision,qui me sont si chères. Ainsi, et c'est dommage, le roman de Frédéric Verger s'essouffle par épisodes, étirant inutilement ses 442 pages. C'était pourtant très bien parti. Les rêveuses nous transporte dans la campagne lorraine de 1940, occupée par l'armée allemande.  Ces rêveuses, quant à elles, sont des nonnes que l'histoire locale a retenues et qui confinent à ces légendes qui existent partout. Mois de mai. Les armées de Hitler fondent sur la France. Peter, un jeune Allemand de dix-sept ans engagé dans l’armée française, prend l’identité d’un mort pour échapper aux représailles. Prisonnier, il croit avoir évité le danger quand on lui annonce qu’on va le libérer et le reconduire dans sa famille. Comment sera-t-il accueilli chez ces gens qui ne le connaissent pas?

                   Peter, que l'on croit Alexandre, va ainsi dans ses fuites et ses geôles rencontrer Hélène et Joséphine, soeurs ou cousines ruinées, un commandant allemand obèse et contradictoire, la vieille Russe Sofia qui joue les moribondes et que l'on imagine forcément comtesse, et se mettre en quête de Blanche que sa famille a internée dans un couvent qui ressemble beaucoup à celui d'Ourthières d'où s'envolaient les rêves des nonnes. La déraison, enfin la presque déraison sera toujours en lisière de notre histoire. Diiriez-vous sortilège?

                   Les rêveuses ne manque pas d'air ni d'ambition. J'avoue m'y être quelque peu égaré comme en une forêt vosgienne car les  sentiers y sont souvent sinueux et le fantastique sourd parfois sous la roche. Mais manifestement Frédéric Verger manie la prose avec dextérité, les cinquante dernières pages particulièrement riches, en grande partie aux bords de la rivière, occasion pour l'auteur de très belles métaphores, de bruissements et de musiques qui seraient élégiaques s'ils ne se déroulaient pas dans l'enfer belliqueux des années quarante, où les flammes, les plaies et la puanteur semblent annoncer des découvertes au delà de tout. Les rêveuses n'est pas loin d'être un très grand livre.  

Publicité
5 octobre 2017

Rien vu à Hiroshima

 AFFICHE_LUMIERE_ETE-20170905-173759

                             Audience très correcte, public attentif et plutôt conquis par le beau et calme film du documentariste Jean-Gabriel Périot. Je trouve que Lumières d'été porte bien son titre. Lumineuse en effet, cette variation sur le devoir de mémoire prend la forme d'un conte presque ludique malgré le sujet pour le moins difficile et qui porte un nom qui zèbre l'histoire de noir, Hiroshima. Akihiro,  metteur en scène nippon francophone, personnage très proche de Jean-Gabriel Périot, recueille dans un studio le témoignage d'une survivante de la tragédie, soixante-dix ans après. Il rencontre dans un parc de la ville une jeune femme, Michiko, curieuse, bavarde, mutine. Elle semble bien connaître le passé. Plus loin un enfant et son grand-père, Hiroshima serait une ville comme les autres.

                            C'est certes un film bien peu spectaculaire que Lumières d'été. Mais c'est une jolie balade qui trouve son rythme en deuxième partie après la relativement longue interview de la vieille dame, à cet instant on sent dans le public une certaine impatience. Mais le film se transforme tout en douceur en une sorte de walk-movie, peu prolixe en péripéties, un peu trop en dialogues à mon gré même si ces derniers ne sont jamais assénés comme on aurait pu le craindre d'une oeuvre "à thèse". J'ai aimé ce film, plus à la seconde vision, certains traits m'ayant échappé la première fois.

                           L'ami Martin a plutôt apprécié ce film discret Revoir Hiroshima. Les spectateurs du CinéQuai aussi et les échanges ont été assez riches. En majorité ils ont aimé la façon qu'a le film de parler de l'indicible sans images choc, sans même archives, rien que par la grâce de la rencontre de quelques personnages, de tous âges. Alors on parle bien sûr de devoir de mémoire, de plus jamais ça, bref on parle de raison. On n'évite pas toujours les à peu près, voir les erreurs. Mais somme toute proposer un tel film est déjà une petite victoire. Ca dure 1h23, timing idéal, juste quelques pas dans une ville célèbre, qui aurait tant aimé l'anonymat.

                          Le cinéma japonais, encore maintenant, ne cesse de multiplier les références ou au moins les allusions à ces horreurs. De retour de Berlin, notamment du Mémorial aux Juifs assassinés d'Europe, le fait d'évoquer le Genbaku, Dôme de la Bombe d'Hiroshima, est évidemment encore mois anodin. Pas anodins non plus, ces bruits de bottes nucléaires non pas au Pays Du Soleil Levant, mais dans l'inquiétant voisinage du Pays du Matin Calme.

11 octobre 2017

Envie de bâcler

 barbara_slider-3

                              Pas envie de faire du zèle mais de l'expéditif. J'aime souvent les chansons de Barbara. Elles n'ont nul besoin de l'affligeant et prétentieux pensum nommé Barbara de Mathieu Amalric qui nous brode une variation sur la création, mise en abyme comme on dit si souvent, etc... Attention, ce n'est que mon avis.

                              Le Redoutable, de Michel Hazanavicius, au moins, est un peu cocasse. Pas de quoi cependant cocasser trois pattes à un canard. Bien sûr le film n'aborde que l'année 68 ou à peu près mais si JLG vous intéresse mieux vaut revoir ou tenter de revoir ses fulgurances réelles et ses inepties non moins réelles. Ceci est au moins partiellement de mauvaise foi car j'ai vu trop peu de films de Godard, ils sont nombreux, pour émettre un avis un tout petit peu, pas beaucoup, éclairé.

                             Ce billet ne restera pas dans les annales. Les deux films expressément cités, enfin cités express, non plus. Mais ce n'est... que mon avis. Pour paraphraser la grande dame en noir, si la photo est petite...la chronique aussi. Mais nous avons tous le droit à la petitesse. Je sais, certains en abusent.

tournage-du-film-le-redoutable-de-michel-hazanavicius-avec-louis-garrel-et-stacy-martin-a-paris-le-18-aout-2016-le-film-figure-en-competition-au-festival

 

28 septembre 2017

Cher libraire

LibraireAmsterdam

                                Plus qu'un bon roman historique Le libraire d'Amsterdam est un livre qui agite des idées au moins autant que des faits. J'ai choisi ce livre en bibliothèque (avant fermeture pour travaux, c'est toujours embêtant), sans en connaître rien que la couverture mais le thème m'a attiré. L'Italo-iranienne Amineh Pakravan a publié ce livre en 2006 et je ne sais par quel hasard il s'est retrouvé dans les rayons publics seulement maintenant. Nous entrons avec ce livre dans le bouillonnant univers des imprimeurs, libraires, cartographes dans l'Europe du XVIème siècle, période où l'on peut parler de naissance de l'humanisme. Un beau roman qui nous conduit des ateliers de Troyes, Paris, Amsterdam, Anvers jusqu'au Nouveau Monde, en ces dizaines d'années de Guerre de Religions. Guillaume Pradel retrace la vie de son père et de son grand-père, leurs haine réciproque et leur foi parfois fanatique.

                              Règnent encore la peste noire et l'obscurantisme mais pourtant les hommes changent, certains du moins. A travers les progrès de l'astronomie notamment, et l'amélioration des communications, c'est un monde  en devenir qui se construit. Quelques hommes éclairés, Guillaume est de ceux-là, imprimeurs, cartographes (quel beau titre que cartographes), mais aussi poètes et médecins, s'appliquent à changer le monde. Très peu connu, Le libraire d'Amsterdam est un ouvrage hautement recommandable, un livre qui fait appel à l'intelligence sans les grosses, parfois très grosses ficelles sentimentales qui alourdissent les romans historiques.

 

4 décembre 2017

A la Dame des Mille

Chat guitare

                       Elle se reconnaitra, la Dame des Mille, qui m'enchante tous les jours depuis longtemps déjà. Elle se reconnaitra dans ce clin d'oeil, ce clin d'oreille, référence à une autre dame. Il va de soi que la version qui suit rappelle le niveau du ver de terre face à l'étoile, chers à Victor Hugo dans Ruy Blas. Je laisse à votre sagacité le soin de savoir qui est qui. Et j'espère qu'elle me pardonnera mon outrecuidance de salon*

* Citation de la Dame des Mille Mille plumes au vent de Göttingen

 

 

 

Publicité
15 février 2018

En équilibre

EL_PRESIDENTE

                                On connait la vivacité du cinéma sud-américain et El presidente en est un bel exemple. Santiago Mitre mêle vie publique et vie privée, en l'occurrence celle du président argentin Hernan Blanco lors d'un sommet sud-américain. Plus ou moins rattrapé par une affaire de corruption le président doit aussi composer avec la dépression de sa fille qui le rejoint dans cet hôtel de la Cordillère chilienne qui abrite pour quelques jours les maîtres du continent latino-américain. Face à la crise qui affecte l'équilibre de sa fille, il fait appel à la psychiatrie. Mais il lui faut aussi, fraîchement élu et sans véritable stature internationale, négocier avec ses partenaires, notamment les géants brésilien et mexicain.

                                 Le cadre majestueux et glacial des Andes solennise surtout la solitude impressionnante du pouvoir. Santiago Mitre dit que le président, dans ces régime du moins, se trouvant par définition au sommet, ne peut avoir qu'un abîme de chaque côté. J'aime beaucoup cette formule. Outre les différentes options proposées par les plus grands quant à la création d'une sorte d'OPEP ibéro-américaine, compliquées, l'Oncle Sam, on s'en doute, se veut de la partie. Alors, contacté par Washington, Hernan Blanco, qui n'est qu'un homme, hésite. Gouverner c'est aussi s'adapter. La real-politique, ça existe. Que penser de l'attitude du président? Certains dans le public y verront un peu vite une certaine trahison. Je suis pour ma part beaucoup plus mesuré. C'est que, voyez- vous, le politique-bashing et les divers populismes ne me plaisent guère.

                                 Ricardo Darin, une idole en Argentine et que l'on commence à bien connaître en Europe, apporte sobriété et vérité à ce beau personnage, d'homme ordinaire, peut-être pas tant que ça, que les graves conflits familiaux n'empêchent pas d'essayer de faire au mieux pour son pays, peut-être pas tant que ça. Ca fait, peut-être, beaucoup de peut-être. Peut-être que c'est ça, le monde. Le doute est permis, l'ambiguité patente, les manipulations plausibles. Comme c'est complexe. Vous n'aurez pas réponse à tout à voir El Presidente. Mais vous aurez des questions et d'autres questions. Toutes valent le déplacement.

17 mars 2018

La vie procuration

product_9782072689499_195x320

                              150 pages, non pas d'une confession, mais d'une sorte de conversation intime entre deux femmes, ou plutôt d'un monologue puisqu'Ellinor, 70 ans, s'adresse à Anna, sa meilleure amie, morte lors d'une avalanche avec Henning, le mari d'Ellinor, quatre décennies plus tôt. La veuve s'est remariée avec le veuf, Georg, qui vient de mourir. On pourrait s'attendre à un réglement de comptes. Après tout, on le sait dès le début, Anna et Henning étaient amants. Mais le propos de Jens Christian Grondahl est tout autre.

                              Ellinor, ci-devant femme du mari d'Anna, mère de substitution de Morten et Stefan les jumeaux, a en quelque sorte vécu à la place d'une autre. Bien sûr ce fut le mieux possible, et pour la plus belle des causes. Il se trouve que j'ai vécu, enfant, quelque chose d'assez proche et c'est l'une des raisons qui m'ont intéressé à ce roman. Je connais un peu J.C. Grondahl, ayant lu et apprécié Virginia et Les Portes de Fer.

                              Ellinor, tutoyant longuement Anna, revient sur sa relation à sa propre mère, tondue à la libération. Ellinor est une fille de boche. Alors elle raconte les tentations de la rancoeur, les regrets, un zeste de jalousie. Et ce lointain passé resurgit, mais calmement, posément. Et Ellinor de refaire le deuil, de son mari, de ses maris, peut-être de sa presque soeur, de sa non-maternité. Les mots sont magnifiques et Grondahl est vraiment un auteur passionnant, et à l'écoute de ses créatures. Et le feeling passe bien entre le lecteur et cette femme assez âgée, simple mais non sans noblesse qui décide au soir de sa vie et à l'aube d'une nouvelle solutude de regagner le quartier de sa jeunesse modeste.

                             "Les mots s'adressent toujours à quelqu'un. Sinon ils restent dans le dictionnaire à attendre qu'il cesse de pleuvoir. On a le droit de  s'en saisir à condition de les retransmettre tout de suite. On ne peut pas les garder pour soi, sinon, là, ils  sont insignifiants." Quelques avis...que je partage.

Cathulu

Maufil

 

9 février 2018

Rames et pagaies ludiques, la solution

 swampwater8

                                         Avant de lire les résultats, une petite idée de cette 22ème image? Merci à tous ceux qui ont participé. Par ordre d'entrée  en scène

  1. Cézanne et moi
  2. La nuit du chasseur
  3. L'aurore
  4. La terre tremble (non identifié)
  5. Contes de la lune vague après la pluie
  6. Monsieur Verdoux
  7. Manhattan
  8. Le diable au corps
  9. Stromboli
  10. L'amour extra-large
  11. L'énigme de Kaspar Hauser
  12. Le retour
  13. Le cheik blanc
  14. N'oublie jamais
  15. L'Atalante
  16. Le Casanova de Fellini
  17. Comme un homme (non identifié)
  18. Ni vu, ni connu
  19. Une partie de campagne
  20. Titanic
  21. Dead man

 

 

 

19 février 2018

Mean woman blues

9791027801428

Masse critique

                              Case biographie musicale avec Babelio qui m'a fait confiance une fois encore. Cette collaboration est maintenant ancienne et permet de lire ce que peut-être on n'aurait pas lu. Ce qui est évidemment à double tranchant. J'étais plutôt séduit à l'idée de lire une bio d'une des deux grandes prêtresses du blues féminin historique. Car je connais mal l'une comme l'autre (Bessie Smith, Billie Holiday). Au point que je les pensais de la même génération alors que Billie était la cadette de Bessie de vingt ans. Et le nom de Stéphane Koechlin m'évoquait les riches heures du Rock et Folk d'antan où officia longtemps son père Philippe. Mais ce blues s'est avéré un peu mineur et loin d'être indispensable.

                               Le parcours de Bessie Smith (1894-1937) est plutôt classique pour une native du Sud dans le premier tiers du XXème siècle. Chattanooga, Tennessee, famille pauvre et nombreuse, père mort lorsqu'elle avait six ans. De tout cela on se doute bien un peu, de même que l'on imagine les conditions de vie de Dixie et la précocité de Bessie pour certaines choses, le sexe et le show à dire vrai. Tout cela, pour un amateur de blues qui connait davantage les voix mâles, a fait que j'ai trouvé dans Bessie Smith des routes du sud à la vallée heureuse une constellation de noms de chanteuses, de musiciens, de producteurs, d'escrocs et aigrefins divers. Trop. Digressions, et, de blues, pas tant que ça à mon avis. Tant d'instrumentistes sont ainsi évoqués que Bessie finit par se fondre dans la masse. Ce bouquin est un peu comme un marais du Sud, un bayou dont on peine à sortir convaincu.

                              Et le style de Stéphane Koechlin n'est guère enthousiasmant. D'abord il y a quelques fautes d'orthographes disgracieuses. Et il croit indispensable de truffer le livre d'actualités, la plupart concernant des accidents d'automobiles, à l'évidence avant-coureurs de celui qui devait coûter la vie à Bessie Smith. La méthode est un peu curieuse. Ainsi va se disperser cette histoire d'une grande chanteuse, nous laissant sur notre faim et, personnellement, ne m'engageant guère à creuser du côté des autres livres de l'auteur, consacrés à Hendrix, Brian Jones ou Dylan. Et, dans ces cas-là, une seule solution, (re)plonger dans l'écoute de la grande dame pas commode que fut Bessie Smith.

                              En fait on en sait plus sur la solitude en écoutant Empty bed blues et sur la crise des années trente en écoutant Yellow Dog Blues. Vous savez ce qu'il vous reste à faire quant à Bessie, the Blues empress.

31 janvier 2018

Rames et pagaies ludiques

                      Une ou deux fois l'an j'aime taquiner non le goujon mais le cinéphile. Cette fois j'ai décidé de vous embarquer. Enfilez donc un gilet de sauvetage et jetez vous à l'eau. Honnêtement ça me semble assez difficile pour une bonne moitié mais j'en connais quelques-uns  qui devraient bien s'en sortir. De toute façon, vu la photo 20 il me paraît impossible d'avoir 0. Je vous demande d'avoir la gentillesse de me donner les réponses en privé après un bref commentaire d'ordre général pour que l'on puisse jouer un moment. Merci.

  1. céza
  2. 73F669-la-nuit-du-chasseur3
  3. jeu

  4. jeu

  5. jeu2

  6. verdpoux

  7. jeu5

  8. jeu7

  9. jeu6

  10. jeu3

  11. jeu 2

  12. jeu 4

  13. JEU 5

  14. jeu

  15. jeu 5

  16. jeu2
  17. emile-berling-sur-une-barque_jpg_500x630_q95

18jeu

19jeu2

20jeu3

21jeu4

 

 

 

 

 

15 avril 2018

L'autre cinéma

                      Vu récemment quelques films différents. Je ne polémiquerai pas et je n'ai rien contre un cinéma populaire qu'il m'arrive de fréquenter. Mais j'en ai un peu marre des comédies franchouillardes, des films d'adoaccrorésosocio, des franchises américaines d'une durée de 2h45, des épouvantes hebdomadaires, des animations pour certaines assez consternantes.

                     Faisons ensemble si vous voulez La juste route, film hongrois de Ferenc Török. En août 1945, au cœur de la Hongrie, un village s’apprête à célébrer un mariage de notable tandis que deux juifs orthodoxes arrivent, chargés de lourdes caisses. Un bruit circule qu’ils sont les héritiers de déportés et que d’autres, plus nombreux peuvent revenir réclamer leurs biens. Leur arrivée questionne la responsabilité de certains et bouleverse le destin des jeunes mariés.

Affiche LA_JUSTE_ROUTE

                     Un très beau noir et blanc pose un regard sur la mauvaise conscience d'un pays qui n'en finit guère avec ses fantômes. Bien que salubre et efficace La juste route n'asssène pas son discours mais ses images fortes et ses personnages complexes en disent long sur les violences secrètes et les culpabilités rampantes. 1945 est le titre original. Et 1945 ne fut nulle part une année facile. Le film a suscité beaucoup d'enthousiasme, à mon sens mérité. La juste route se déroule presque en temps réel, quelques heures d'une journée au départ festive, qui se muent en moments d'inquiétude, de méfiance, lors que bien des villageois craignent pour leur tranquillité ou leurs biens. Ce portrait de village hongrois nous ramène à un antisémitisme ordinaire, pas forcément spectaculaire mais bien réel. Rappelons-nous que les spoliations n'ont pas concerné que les tableaux de maîtres et les oeuvres d'art des grandes familles juives.

                    Je ne peux que vous conseiller le chemin de La juste route, ce qui ne sera pas facile vu la distribution parcimonieuse du film. Mais vous n'oublierez pas l'ambiance rumeur et sous-entendus, peur qui change de  camp, jeep russe arrogante, marche tout au long du film du père et du fils, quasi muets et droit devant suivant la carriole et les caisses contenant... Rarement l'époque charnière très courte ou la Hongrie aurait pu croire à un virage positif a été abordée au cinéma. Elle aura eu droit en fait à un simple changement de tyrannie, mais ceci est une autre histoire. Pour moi l'un des meilleurs films de cette saison.

Affiche England_is_mine

                    Pour son premier film l'Anglais Mark Gill a pas mal séduit avec England is mine (Steven Patrick Morrissey), sorte de biopic partiel, ça se fait beaucoup, sur Morrissey, icône des eighties, leader des Smiths, groupe célèbre malgré une courte carrière et un seul concert en France. Mais l'on n'entendra jamais The Smiths ni Morrissey solo car ce n'est pas le propos du metteur en scène. Ce qui intéresse Gill ce sont les jeunes années de Steven Patrick, à 18 ou 20 ans, sujet de sa Majesté mal dans  sa peau et peu enclin au moule thatchérien, peu enclin au boulot, diront certains, et sous les influences de Mark Bolan, David Bowie ou Oscar Wilde.

                   J'ai lu que si l'on n'entend pas The Smiths c'est aussi que cette biographie pas vraiment autorisée n'a pas recueilli ou pas pu financer l'acquisition des  droits. A la limite peu importe, j'ai aimé ce tableau d'une Angleterre qui s'ennuie à nouveau (la fois d'avant ça avait donné la Brit Pop, ça vaut parfois la peine de s'ennuyer). Et puis j'ai tant de sympathie pour les obscurs gratouilleux et les besogneux songwriters qui s'escriment dans leur chambre d'étudiant ou de chômeur, la plupart risquant d'y rester, qu'il est facile de s'y retrouver au moins en partie.

                  Les jeunes acteurs d'England is mine sont convaincants et la bande musicale du film est assez étonnante. Elle reflète les goûts du jeune Steven Patrick Morrissey, curieusement fan des groupes vocaux féminins du début des années 60, Martha and the Vandellas, Marvelettes, Shangri-Las, une musique assez stéréotypée considérée comme ringarde depuis au moins dix ans au moment de l'action, milieu des seventies. Ajoutez Marianne Faithfull, Françoise Hardy. D'accord. Mais il y a surtout The Sparks, et Mott the Hoople, alors rien que pour ça....

 

finding_phong

                Par ailleurs les assos SOS Homophobie et Prendre Corps nous ont présenté le très bon documentaire vietnamien Finding Phong, histoire authentique de Phong, fille prise au piège dans un corps de garçon. On assiste sans voyeurisme aucun à sa métamorphose jusqu'à la chirurgie dite de réattribution sexuelle. Et curieusement il émane de ce film pas mal de bonne humeur et aussi moins d'ignorance en sortant grâce à un débat très bien mené et très instructif.

               Milos Forman et Vittorio Taviani n'étaient guère distribués non plus lors de leurs débuts. Les choses ne changent pas vite.

 

               

 

 

25 juin 2018

Recherche argentine

cvt_Le-chanteur-de-tango_489

                                La nature du roman d'Amérique Latine est souvent complexe. Le chanteur de tango de Tomas Eloy Martinez n'échappe pas à cette règle. Sur les traces d'un chanteur de tango légendaire, et tout ça me fait inexorablement penser aux bluesmen tout aussi légendaires, Bruno, un jeune Américain sillonne Buenos Aires, 2001. L'idée du Chanteur de tango m'avait séduit. La quête, l'immersion dans la ville, le vrai, le faux mêlés, les longues dérives dans la ville, et surtout les égarements, les perditions. Il semble que la grande métropole argentine soit idéale pour y perdre le Nord. J'étais donc partant mais manifestement il manquait un tampon sur mon passeport à la page hémisphère sud. Il faut, pour goûter à 100% la cuisine littéraire de là-bas, des diplômes de lecteur que je ne possède pas. Moi, je connais surtout, dans ce coin là, Francisco Coloane ou Luis Sepulveda. Pas vraiment le registre à la Borges. Voilà, le nom est lâché, de l'immense aveugle argentin mort à Genève. En  référence quasi constante à la célèbre nouvelle L'Aleph, les pérégrinations de Bruno dans l'espace et le temps au coeur des quartiers de Santísima Trinidad y Puerto de Nuestra Señora del Buen Ayre (ouf), m'ont parfois semblé ardues. Dame, je ne me promène pas sur Constitucion tous les jours, moi.

                               Julian Martel, le mythique chanteur que poursuit Bruno, un peu le Graal, un peu Moby Dick, se révèle loin d'être un bellâtre. Et les autres rencontres que fait Bruno sont tout aussi étonnantes. Sauf qu'assez rapidement je ne me suis plus trop étonné de l'ultra-baroquisme de cette immersion citadine. Que d'ombres, le péronisme, les militaires, la méga-crise économique. Et je me suis faufilé subrepticement, car à Buenos Aires comme ailleurs il faut se méfier des apparences, les oreilles ennemies menacent, vers l'aéroport pour ma vieille Europe. J'avais pris la précaution, cependant, de finir ce roman qui chaloupe comme un tango et balance parfois comme au bout d'une corde. Pour ce bouquin de Tomas Eloy Martinez, comme à mon avis pour les plus grands du continent (Borges, Garcia Marquez, Vargas Llosa, Bioy Casares, etc...) il faut être d'une autre étoffe que moi, un poco léger pour la grande aventure des lettres d'Amérique du Sud. Certains seront envoûtés comme par le rythme du tango. Ce même tango que, je vous l'avoue, je danse moyen moyen.

 

7 août 2019

L'Ecrivraquier/21/ Tout allait pour le mieux

L'Ecrivraquier

                             Plus personne n'était capable de se rappeler le fonctionnement des aiguilles et pour tous la trotteuse n'était qu'une jument à Vincennes ou Chantilly. Les éditoriaux se pâmaient devant un gamin, quelque part en Asie Centrale, qui était capable de réciter la table des neuf, au moins jusqu'à neuf fois sept. On avait retrouvé aux Iles Féroé trois pages d'un dictionnaire d'équivalences danois-féroien, depuis pieusement sous globe au musée de Torshavn. Le dernier traducteur de serbo-croate de chair et d'os venait de mourir, quelque part en Voïvodine, sans un mot, un comble pour ce métier. Il faut dire que c'était le dernier traducteur tout court. Le nounours des chambres enfants comptait moins d'exemplaires que ses congénères des Pyrénées. Et un célèbre dessin, maintenant préhistorique, le représentait, accompagné d'une poupée, baluchon sur l'épaule, quittant les larmes aux yeux une chambre où deux enfants vautrés  sur la moquette s'escrimaient sur une console. Décidément le jeu, l'enfance, la langue, le temps lui-même n'étaient plus ce qu'ils étaient. Les rachis avaient retrouvé l'époque bénie des  attitudes scoliotiques, et les périmètres de marche moyens s'apparentaient à ceux d'une maison de retraite du XXème siècle.

                           Ainsi l'homme avait oublié et les choses du corps et celles de l'esprit. Ce monde était épargné dorénavant par les viols, ou presque, depuis qu'hologrammes et avatars avaient commencé de combler les sexualités. Comme étaient épargnées toutes ces existences jadis brisées par la route, maintenant que voyageaient avachis et somnolents les gens dans leur véhicule programmé, ce qui leur évitait de perdre un temps précieux pour la jolie petite chapelle ou le belvedere. Ce monde était celui de Philip K.Dick. La prescience de quelques mutants empêchait bien tout criminel de perpétrer son forfait, la science subtotale niait à tout foie le droit de devenir cirrhotique, à tout vaisseau sanguin celui de durcir sous les athéromes. Toute originalité ne se hasarderait plus à pervertir le bel ordonnancement des choses.  Dans ce monde épatant la vie valait vraiment le coup. Moi, j'en étais heureux, haïssant les surprises. Pourtant certains y trouvaient à redire, à ce bonheur insoutenable.

 

16 août 2019

Destiné à finir sur un banc

Masse critique

418pJDAWmQL__SX195_

                         En avant-première grace à Babelio j'ai reçu et lu Ni poète ni animal d'Irina Teodorescu, auteure roumaine qui écrit en français. Mission agréable de lire ainsi avant même parution du roman. Mais ça ne marche pas à tous les coups et j'ai eu beaucoup de peine à m'intéresser au destin de ces trois femmes fille, mère, grand-mère roumaines. La grand-mère est en psychiatrie du temps béni de Ceaucescu, la mère lorgne vers l'Occident et enregistre des K7 pour une amie passée à l'Ouest, la fille n'a que dix ans et écrit des poèmes.

                         J'avoue avoir mal compris où l'auteure avait voulu en venir. Je crois qu'elle a souhaité délivrer une fable sur la révolution roumaine. Cela m'a laissé de glace et malgré la présence dans sa vie du Grand Poète roumain (appellation officielle) je n'ai pas ressenti la moindre émotion. Tout au plus quelques lignes sur la fin du Conducator Ceaucescu, impressionnante (sa fin, pas le livre). Il y aurait pourtant matière à un bouquin intéressant, lequel existe peut-être. Les métaphores animales, renard, ours, m'ont paru hors de propos. A oublier. A oublier aussi, cette chronique. Mais Babelio et moi ferons mieux la prochaine fois.

31 mai 2019

La vie d'Olga

41Ghxpbl9QL__SX195_

                                J'aime souvent la littérature allemande et notamment Bernhard Schlink (Amours en fuite, Le weekend, Le retour, ces deux derniers déjà chroniqués ici). Tant nouvelles que romans atteignent chez cet auteur né en 1944 une profondeur rare. Beaucoup connaissent déjà Le liseur que je n'ai pas lu. L'Allemagne à la fin du XIXème siècle. Olga est orpheline et vit chez sa grand-mère, dans un village coupé de toute modernité. Herbert est le fils d’un riche industriel voisin. Tandis qu'’elle se bat pour devenir enseignante, lui rêve d’'aventures et d'’exploits pour la patrie. Amis d’'enfance, puis amants, ils vivent leur idylle dans l’'opposition à la famille, on s'en doute. Mais le goût d'Herbert pour le lointain rend leurs relations orageuses et tant d'absences virent au virtuel. Les nouvelles se font rares puis cessent totalement.
                               Arrivent les conflits mondiaux. Deux guerres plus tard, vers la fin de sa vie, Olga raconte son histoire à un jeune homme qui lui est proche comme un fils. Mais ce n’'est que bien plus tard que celui-ci, lui-même âgé, va découvrir la vérité sur cette femme d'’apparence si modeste. On est passionné par le destin d'Olga, précurseur d'un féminisme à visage très humain, en cette Allemagne elle-même en proie à tant de démons. L'histoire d'amour reste très présente mais ce sentiment très finement observé se confronte aux utopies d'Herbert et à sa conception du monde. J'ai très rarement rencontré en littérature un discernement pareil chez un auteur germanique et là je fais essentiellement allusion à cette théorie de la rage allemande d'avoir manqué d'être un grand empire colonial. Je n'y avais guère pensé mais Bernhard Schlink, à travers les chimères d'Herbert, ne manque pas, lui, son objectif.

                               

3 juin 2019

In the name of rock/ Juliette

R-7371917-1440465563-6253_jpeg

                               Bon c'est plutôt In the name of folk bien sûr. Avec l'un des grand maudits du folk et ce prénom, peut-être celui qui évoque plus l'amour impossible et condamné. Jackson C. Frank (1943-1999) est l'auteur d'un seul album, devenu objet de dévotion. Je ne l'ai pas connu à ce moment. D'ailleurs personne ne l'a connu ou personne n'a acheté son disque. Gravement accidenté à l'âge de 11 ans, il passera des mois dans les hôpitaux, devenant très vite dépendant aux médocs. Il perdra un fils de la mucoviscidose et disparaitra à 56 ans sans avaoir jamais refait surface. Les chansons de son unique album Blues run the game sont maintenant des classiques repris par tous. Nick Drake, en sa courte vie, ou Paul Simon notamment l'ont chanté. Finalement son aura n'a cessé de croïtre, enfin dans le cénacle assez restreint des folkophiles hexagonaux. Ca fait pas grand monde mais c'est ainsi.

 

                              Comme souvent et à titre largement posthume on a retrouvé quelques enregistrements inédits, plutôt bons, semble-t-il, ce qui est rare dans ce genre d'entreprise. Il y aurait finalement une soixantaine de chansons de JCF. Et il y aura bien un jour un biopic de l'artiste que je n'irai pas voir. J'ai choisi Juliette. J'aurais pu choisir Marlene qu'il écrivit en mémoire d'une camarade de classe morte dans l'explosion dont il fut lui-même victime en 1954. Tiens, du coup je vous la présente aussi.

 

                              Quant à moi je n'ai connu que Dietrich et Greco. C'est déjà bien, non? Et puis la Juliette de Shakespeare mais elle m'a préféré un certain Roméo.

 

 

 

 

 

6 septembre 2019

Irlandissime

testament

                                 Quatrième incursion chez l'un des (nombreux) grands écrivains irlandais actuels, Sebastian Barry. Après Les tribulations d'Eneas McNulty, Un long long chemin et Du côté de Canaan, voici Le testament caché, jolie plongée dans la psyché irlandaise dans toute sa complexité. Ceux qui me lisent un peu savent mon attachement à ce pays. Pourtant je retrouve presque toujours chez les auteurs de là-bas l'histoire d'Erin avec ses fractures, dissensions, trahisons, cruautés fratricides. Roseanne McNulty a cent ans dont la moitié passée à l'institut psychiatrique de Roscommon. L'établissement vétuste va être détruit et le Dr. Grene, psychiatre, doit évaluer l'aptitude de Roseanne à réintégrer la société.

                               Il s'agira d'une longue enquête car la vie de Roseanne aura été un fleuve tumultueux, comme ce pays. Irlandissime, ce très beau roman, très fouillé, est irlandissime. J'entends par là que les thèmes traditionnels y sont si magistralement traqués, développés, analysés, évalués à charge et à décharge. Les luttes intestines des Irlandais, bien plus complexes qu'on ne le croit, entre les partisans de l'indépendance et ceux du maintien dans le Royaume-Uni, avec des clans et des factions. Le rôle de l'Eglise Catholique, si lourde et si répressive, à travers le Père Gaunt, véritable inquisiteur. La psychiatrie assez hors d'âge malgré le beau personnage du Dr.Grene, humain jusque dans ses renoncements. Et la sacro-sainte famille irlandaise, souvent complice du pire, pas toujours.

                              Tous deux, le médecin et Roseanne ont écrit leurs journaux et c'est à travers ces  écrits forcément sujets à caution que l'on s'immisce dans l'univers hautement douloureux de cette Irlande, Janus aux deux visages, dont le folklore sympathique, ce n'est pas moi qui dirai le contraire, cohabite hardiment avec les hideurs de la réaction la plus archaïque. On pense aux Magdalene Sisters, aux romans de Dermot Bolger. Barry est un Grand d'Irlande. Il y en a beaucoup. Qulques mots du journal de Roseanne: "Mais tout est si obscur, si si difficile. J'ai peur uniquement parce que je ne sais pas comment procéder. Roseanne, tu dois sauter quelques fossés à présent. Tu dois trouver dans ton vieux corps la force de sauter".

the-secret-scripture-affiche-988782

                              Je viens de découvrir qu'un film a été tourné il y a quelques années par Jim Sheridan (My left foot, The field, Au nom du père). avec Vanessa Redgrave en Roseanne âgéem. A mon avis inédit sur les écrans français, je l'ai commandé.

28 décembre 2019

Sophie, telle

Trois fois

                    Je n'avais pas du tout aimé Quand le diable sortit de la salle de bain. D'ailleurs je m'en suis débarrassé très vite. Voir Les malheurs de Sophie .Je n'aurais jamais acheté Trois fois la fin du monde. Nous en serions restés là si une amie ne me l'avait laissé dans les mains, me disant que ça se lisait vite,. Alors pourquoi pas? Résultat: pas si mal, curieusement organisé en trois parties très dissymétriques, mais pas si mal. Enfin n'exagérons rien.

                   La première fin du monde, à mon avis, on peut la sauter, une cinquantaine de pages sur l'univers carcéral. J'en ai marre de la prison à la télé, au cinéma, dans les livres. Joseph Kamal y a atterri après un braquage qui a mal tourné. Divry s'y complait dans le sordide et la surenchère. C'est facile et somme toute assez moche. Tant pis pour Joseph. Mais il en est sauvé par une deuxième fin du monde, qui ne court que sur quelques pages et qui raconte la catastrophe, très sobrement.

                   La troisième apocalypse est de loin plus attachante. Suffira-t-elle à rallier vos  suffrages? Dans un style un peu irritant, abusant du verlan dont elle semble penser que c'est le summum de la créativité littéraire, s'amusant à passer du je au vous, caprice, l'auteure parvient cependant à nous intéresser, même à nous émouvoir, avec Joseph-Robinson, qui trouvera deux Vendredi, un mouton et un chat. C'est à l'histoire de sa survie qu'on assiste. Et ça n'est pas désagréable. On finit par souhaiter le meilleur à Joseph bien que Divry continue de délivrer un message pas mal démagogique déjà très présent dans le livre cité plus haut. A savoir, mais vous aviez compris, que l'homme parmi les hommes c'est l'enfer, et que l'homme seul c'est...l'enfer. Bien. Par contre en parlant des arbres et des fruits, de la nature et de la vie qui grouille malgré tout, elle se révèle un peu plus intéressante. Pour le reste elle nous l'assène un peu.

9 mars 2020

Orphelin de fils

51afJ7Jv4VL

                    If... est le titre original du célébre poème de Rudyard Kipling. Pierre Assouline, brillant biographe de Simenon et  Hergé entre autres, se penche sur le célèbre Prix Nobel, essentiellement pendant la Grande Guerre. Kipling le romancier bien sûr, Kipling l'anglissime conservateur, mais surtout Kipling le père de John, qui va disparaître dans les plaines d'Artois, 19 ans, comme tant de jeunes Britanniques sous les obus allemands. Rudyard Kipling ne s'en remettra jamais.

                   Louis Lambert, jeune professeur, a rencontré par hasard Kipling en cure thermale dans les Pyrénées. Grand admirateur, il est amené à donner quelques cours de français à John,17 ans. Il n'est pas facile d'être le fils de cette gloire plus que nationale qu'est l'auteur du Livre de la jungle. Kipling ne supporte pas toujours bien cette célébrité et regrette de n'être pas plus apprcéié pour ses poésie. C'est un auteur fêté, pas vraiment un "progressiste", plutôt antisémite, mais plus encore germanophobe pathologique, l'homme ne se posant pas de questions hors la gloire de l'empire britannique. Rappelons que nous sommes dans les années vingt.

                  Pierre Assouline nous intéresse surtout aux rapports de Kipling avec son fils John. Et plus encore à sa longue quête, à son deuil éternel du fils, et de ses reliques puisque John Kipling a rejoint la longue cohorte des fantômes de la Der des Der. Déjà Josephine, une des deux filles de Kipling, était morte à l'âge de six ans. L'écrivain adulé ne retrouvera jaamis tout à fait la lumière.

                  Tu seras un homme, mon fils, le poème, Louis Lambert finira par le traduire, c'était l'un de ses voeux les plus chers, ce qui n'enthousiasmait pas Kipling, très méfiant de tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à du journalisme, et chatouilleux sur le sens de ses écrits. Assouline, journaliste lui aussi, passionné par l'aventure Rudyard Kipling, n'idéalise pas l'auteur. Cet homme là n'était pas des plus ouverts, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais l'intérêt de ce livre est au moins autant dans ses lignes sur la guerre, dans lesquelles Pierre Assouline sait mettre des accents déchirants. Un très beau livre, multiple. Kipling arpentant les champs de batailles de France, cherchant d'éventuelles traces, c'est très fort.

                  A la vue des paysans qui commençaient à les combler, trou d'obus par trou d'obus, il ne trouvait plus les mots pour dire le sentiment d'impuissance qui sourdait de cette terre. Il y a comme ça des lieux où le passé dure plus longtemps qu'ailleurs.

                  Quinze ans après la disparition de son fils, elle lui était insupportable comme au premier jour. S'il avait pu se réfugier derrière un muret de pierres sèches il l'aurait fait. Il lui fallait partir sans tarder. La nuit allait tomber et un employé du cimetière, que Kipling rémunérait à cet effet, allait bientôt se présenter muni de  sa trompette pour jouer comme chaque soir à la même heure The Last Post, la sonnerie aux morts réglementaire en usage dans les armées du Commonwealth, à la mémoire et en l'honneur du lieutenant John Kipling, enseveli quelque part sous cette terre des plaines du nord dans un endroit "connu de Dieu seul".

                  Dans mon pays picard, je le rappelle parfois, foisonnent les cimetières militaires, de toutes les couleurs, bien que le mot de couleurs soit mal choisi pour évoquer la Grande Guerre.

19 mars 2020

Le binôme des confins

Masse critique

livre-9-ultimaeterrae

                         Babelio ce mois-ci m'a entraîné dans les glaces du nord et celles du sud. Mais alors très nord et très sud. Bernard Lugaz, voyageur, nous livre son journal de bord de ses récentes aventures dans l'archipel norvégien du Svalbard (souvent réduit à l'île principale Spitzberg) et du côté de la Péninsule Antarctique. L'invitation est sympathique et l'auteur essaie au mieux de faire partager sa passion pour les confins. Mais il faut bien reconnaître qu'à l'heure des images multipliées, pas toujours pour le mieux, on peut avoir du mal à s'immerger dans l'écrit en ce qui concerne les récits de voyage.

                         L'intérêt, pour moi, dans Ultimae Terrae, réside dans le fait que Bernard Lugaz est un voyageur, je ne dirai pas lambda, mais qui emprunte les circuits classiques proposés par certaine agences. Certes les déplacements y sont un peu musclés mais on n'est pas dans la performance extrême, avec son petit côté un peu m'as-tu vu parfois. Cette modestie est de bon aloi et n'empêche pas les mérites de l'auteur car l'histoire reste physique. J'ai bien aimé aussi la dualité, cette réconciliation par dessus les pôles (ou presque). Le Svalbard, cet ensemble d'îles septentrionales, apparait sombre, hostile et angoissant, évoquant désarroi et désolation. Une certaine fascination aussi.

                        Toute aussi attractive s'avère la Péninsule Antarctique à laquelle Bernard Lugaz octroie un vocabulaire différent. Vierge, majestueux, lumineux, enthousiasme, ravissement. Les icebergs sont les vraies stars du récit austral de Bernard Lugaz. Fantasmagoriques et très concrets, protéiformes, multiplicité des teintes et des blancs et des bleus. L'écrivain-voyageur montre bien la féérie mais aussi le danger de ces contrées in extremis. Bien sûr un film, surtout avec les moyens actuels, serait probablement plus parlant. Mais j'estime bien ce récit modeste car Bernard Lugaz s'inscrit dans le voyage (relativement) ordinaire et nous épargne les parfois un peu égotiques propos des champions du toujours plus loin, plus froid, plus haut... Avec lui on un peu l'impression de faire partie de la croisière.

23 janvier 2020

Sagesse en Pyrénées

ames simpls

                         Ce livre est une belle réussite d'intelligence et d'humanité. On me l'a conseillé, il m'avait totalement échappé alors que je suis d'assez près l'édition, sans pour cela acheter tellement de livres neufs. La place, je ne l'ai plus. Le budget, moins qu'avant. Je privilégie la Bibliothèque  qui hélas tourne à la ludothèque avec adolescents couchés, au sens propre, devant les écrans. J'ai donc acheté Des âmes simples de Pierre Adrian, auteur de moins de trente ans, par ailleurs chroniqueur sportif et cinéphile (La piste Pasolini).

                        Dans un village perdu, fin fond des Pyrénées, à portée d'Espagne, le narrateur, jeune, retrouve un vieux prêtre qui officie dans cette obscure vallée, en liturgie mais surtout en refuge pour toutes sortes de déclassés , jeunes ou vieux, croyants ou non, délinquants, marginaux de tout poil et tout sexe. Si ce sujet a déjà été traité le beau livre d'Adrian se distingue par plusieurs aspects. D'abord Pierre ne prend personne de haut ni du Très-Haut. On n'est pas dans l'âme torturée du Journal d'un curé de campagne de Bernanos. Des âmes simples pourtant n'exclut pas les doutes et les interrogations et une certaine violence n'en est pas absente, qui n'est pas uniquement un mal citadin. Du petit peuple qui échoue chez Pierre on comprend que malgré le bon pasteur, au sens profane, la partie ne sera pas forcément gagnée. Tant d'errances.

                        Mais Des âmes simples possède aussi aussi la ténacité d'un gave des Pyrénées. Pierre Adrian trouve des mots magnifiques pour peindre la montagne, la montagne et ses  créatures, hommes, animaux, arbres et minéraux. Sa prose est admirable et on éprouve une belle émotion devant ces paysages d'exception. Et puis des pages magnifiques sur la gare de transfert avec l'Espagne, une épave, un vaisseau échoué là, symbole du gâchis que savent si bien organiser les humains. Quelque part entre vallée d'Aspe et rocher de Marie-Blanque, et dans leur propre coeur.

                        

11 mai 2020

Le lac réussi

CVT_Lake-Success_3357

                             Barry Cohen n'est a priori pas très intéressant. Ce spéculateur, on pense un peu au Loup de Wall Street, en quadragénaire, traverse une passe difficile. Son mariage bat de l'aile, son fils de trois ans est autiste sévère, et il se trouve sous le coup d'une enquête de la Commission Boursière. Tout cela ne me branchait guère. Mais l'auteur, Gary Shteyngart, a eu l'excellente idée d'expédier Barry Cohen dans un car, les fameux Greyhound, direction l'Ouest, le Nouveau-Mexique. On the road again donc, une fois de plus, avec ces rencontres improbables qui mettront Barry au contact d'une partie du vrai pays.

                             Le voyage réserve son lot de surprises qui mêlent un brin d'invraisemblance à l'humour souvent très amer de Gary Shteyngart. Nous sommes à la veille de l'élection de Trump. Et Lake Success est une vraie petite ville américaine pas très éloignée de New York. Un nom étrange, difficile à assumer. Mais Barry n'en a cure. Car le temps des succès est peut-être derrière lui et c'est dans la poussière des freeways, highways, et dans des Greyhounds au relents d'urine et de fast food, qu'il taille la route en fait. L'envers du capital, son fond spéculatif, prend l'eau et sa tour pour milliardaires de Manhattan ne sera bientôt plus qu'un souvenir.

                             On pense à Tom Wolfe, genre Bucher des vanités, avec un zeste de nostalgie fitzgeraldienne. Attention on n'est pas dans l'élégance un peu décadente de Gatsby le magnifique. Et l'Amérique des losers attend Barry à chaque escale sur la route de Phoenix, Nouveau-Mexique, où il espère retrouver Layla son amour de jeunesse. Barry, qui se définit lui-même comme un républicain fiscal modéré, se retrouve au contact de camés, mais de bas étage plus que de haut vol genre Wall Street, de barmaids de cinoche, de SDF crasseux, de chicanos édentés. 

                             Alors le fameux lévrier sur les autocars transaméricains, un Greyhound rédempteur? Vous verrez bien. Mais le monde U.S. donc un peu le nôtre, résistera mal aux coups de boutoir drôles et péremptoires, antipathiques fréquemment, mais humains sans être forcément pleins d'humanité. Le long périple New  York, Virginie, Georgie, Mississippi, Texas, Nouveau-Mexique est très instructif sur le pays à l'aube de l'ère Trump, mais épuisant. J'ai des envies de Wyoming, de Montana.

                            Merci à la personne qui m'a offert ce livre dont je ne connaissais pas l'auteur. Bientôt peut-être partagerons- nous un banc public, dans un jardin public. Do you remember?

                             

                            

3 juin 2020

Sweet Caroline

ppm_medias__image__1996__9782226087713-x (1)

                                Le grand Santini était le seul roman de Pat Conroy que j'avais lu. Je l'avais aimé. Beach Music est un pavé de 700 pages qui emporte les suffrages. Truffé d'éléments autobiographiques ce livre explore les années soixante à l'est des Etats-Unis. Jack McCall, dont la femme Shyla s'est suicidée, quitte la Caroline du Sud pour l'Italie avec sa petite fille Leah. Et c'est toute l'histoire de sa famille, riche en péripéties, qui nous mène de l'Europe des années trente aux années Vietnam, en passant par les parties de pêche adolescentes et les amitiés trahies. Cette saga est un navire qui tangue bien un peu, Pat Conroy s'attardant par exemple sur l'holocauste et l'insoutenable mais il est vrai que le judaïsme joue un rôle important dans le roman. Nous sommes là dans une littérature classique américaine sans allusion péjorative.

                                Les McCall sont une fratrie, les quatre frères de Jack le retrouvant à l'occasion de la maladie de leur mère Lucy. Leur père aussi est de la partie, ancien juge alcoolique, ainsi que les amis d'adolescence, de ceux qui marchèrent contre la guerre en ces années peu nuancées. la musique, la plage, les fraternités étudiantes très fortes en Amérique, les relations avec les parents, les engagements, les addictions. L'air est connu et je suis d'une génération à peine plus jeune. J'ai bien souvenir des images télé de ces manifs sur fond de Joan Baez. Pat Conroy, je l'ai dit, s'attarde parfois un peu longtemps à mon sens. Et à force de vouloir relier passé et présent cela m'a donné une impression d'artifice un peu pesant.

                                L'auteur excelle encore une fois dans la peinture de la ville de Waterford, ce fameux Deep South qui n'est toutefois pas l'Alabama. Oui même chez les sudistes U.S. il existe des différences de tons. N'est pas redneck qui veut. Les prises de conscience politique sont à géométrie un peu variable. Il y a un père général plus général que père, ou père à la manière d'un général. On découvre sur le tard les talents de passionaria de Shyla. Pat Conroy prend un parti de théâtralisation des évènements du passé, presque au sens propre. C'est assez surprenant mais on se prend au jeu. Beach Music est donc un (très) long roman d'une Amérique aux prises avec ses démons, et les thèmes de l'engagement, de l'activisme, du pardon, de la réconciliation, qui se lit assez facilement et qui a du souffle. De quoi donner envie de découvrir Le prince des marées, autre roman célèbre de Pat Conroy.

                                Et puis je ne  connais aucun livre qui décrive aussi bien la quête des petites tortues de mer vers le rivage juste après l'éclosion. Et très peu de livres où éclate l'amour, musclé, capricieux mais ô combien réel, d'un fils pour sa mère.

17 août 2020

In the name of rock / Martha

Closing-Time

                  J'ai beau explorer depuis des siècles l'histoire du rock, du blues, du folk, mais vous savez ça, elle est si riche que je découvre toujours quelque chose. Mon hommage aux prénoms se poursuit avec Martha, prénom pour lequel j'avais prévu le concours des Fab Four et leur si chère Martha, my dear. Et la voilà, elle est si délicieuse. 

              Mais, plus inattendu, surfant sur soixante années de musique, je suis tombé sur une chanson déchirante de ce grand escogriffe de Tom Waits. Un grand sentimental qui m'a surpris.Je la croyais assez récente. Or, elle est extraite de son premier album Closing time, 1973. Martha, c'est une chanson qu'on apprécie plutôt sur le tard, quand le soir s'infiltre doucement, le soir de la vie (2020 en connait un rayon là-dessus). Tim Buckley et Lee Hazlewood en ont donné une très belle version aussi.

            Martha raconte un coup de fil, celui d'un vieil amant qui tente de reprendre contact avec une femme, quarante ans après. Tom Waits a écrit cette chanson à 24 ans. J'ai le même âge que Tom Waits et je viens donc de la découvrir. C'est drôle, il y a quelques  Martha à qui je téléphonerais volontiers. Bien sûr elles ne s'appellent pas vraiment Martha. Devrais-je dire qu'elles ne s'appelaient pas vraiment Martha? Mélo, tout ça? Oui, comme la vie. Mélo, drame, mélodrame.

1 janvier 2021

In the name of rock/Virginia

 

http___images

                          Nouvel An. Un prénom, un de plus, un peu comme si rien n'avait changé. Ce qui restera, car le temps se couvre sérieusement. Ce qui restera, quelques arpèges de guitare, quelques phrases sentencieuses sur des films qui ne sont convaincantes que pour les convaincus, des milliers de pages lues dont ne surnagent totalement que quelques maîtres livres, des chansons, des gens qui ont compté, gens de toutes sortes, connus, parfois que de moi, des rivières et des arbres, des oiseaux, des retours, des partances. Virginia (celle de Leave Virginia alone de Tom Petty mais il y en a d'autres), Virginia et toutes les autres, le Nord s'approche. 

Publicité
BLOGART(LA COMTESSE)
Publicité
Archives
BLOGART(LA COMTESSE)
Newsletter
32 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 369 747
Publicité